''Dulse''comme les algues,''Corolle'' comme les pétales, tels sont les noms des sculptures de Guillaume Castel. S'inspirant des plantes de la mer et de la terre, cet artiste autodidacte crée son herbier imaginaire. A la rencontre de ce sculpteur qui sème ses oeuvres au-delà de la Bretagne.
J'aime fabriquer des objets qui ne servent à rien, c'est un peu de la provo, mais je suis sculpteur avant tout !
Été 2019, le soleil tape dans l'atelier, Guillaume Castel tape sur l'enclume. Une nouvelle pièce de sa série "Dulse'' prend forme. A chaque fois des pièces uniques, découpées, martelées, soudées, galbées, polies. La dinanderie, tout ce savoir-faire emprunté aux artisans rentre dans la démarche de cet artiste autodidacte.
''Je me sers de ces techniques, dit-il, mais ce sont des outils, des matériaux avant tout, je les utilise pour aller plus loin, pour sortir des sentiers battus, pour agrandir mon champ d'expression ''
Le jeu de contraste, c'est ma marque de fabrique
Son atelier est juste à l'entrée de Plouegat-Guerrand, "J'aime l'idée de l'artiste au coeur de la cité". 200 m2 de surface, il en faut de la place pour forger sa dernière sculpture ''Dulse", commande publique d'une hauteur de 2m70.
Après le bois, le béton, Guillaume Castel prend l'acier à bras-le-corps. Le métal est aujourd'hui sa matière première, il aime jouer avec les contrastes. A la rudesse des matériaux industriels, il oppose la fragilité des éléments naturels. A la couleur marron associée à la rouille, des couleurs vives, il ajoute ''Quelque chose de plus frais, de plus acidulé". Comme pour son installation ''Corolle'' en acier laqué installée l'été dernier au Lac au Duc à Ploërmel.
Contraste entre la matière brute, comme le laiton et celle polie jusqu'à la brillance, ''On peut avoir un avocat assez brut et sombre à l'extérieur, précise t-il, et à l'interieur, on a une espèce de petits joyaux, il y a toujours ce jeu inspiré de la nature."
C'est vraiment l'idée de gratter une forme pour aller voir son essence même !
Artiste intuitif, loin d'imiter la nature, de reproduire la forme de l'algue pour sa série ''Dulse", il affirme des lignes courbes, abstraites ''C'est plutôt un jeu qui démarre autour de la sensation, précise t-il, des reflets, du monde marin avec des jeux de scintillement visibles quand on plonge dans l'eau".
Il fonctionne en petites séries, de deux à quinze maximum ."Quand je dis série, aucune n'est la même, c'est vraiment l'idée de gratter une forme pour aller voir son essence même, forme que j'ai dessinée et pensée".
Guillaume Castel toujours en recherche s'inspire de Giacometti, Brancusi, Jean Arp, mais aussi des artistes plus contemporains comme Nicolas sanhes et Dimitri xenakis.
Ce sculpteur breton joue aussi sur l'équilibre car il n'aime pas les socles ''Un socle c'est un peu un boulet ! Il faut que la sculpture ait son propre pied'' et de préciser "J'aime bien cette idée d'une sculpture autonome que l'on dépose comme un pétale''.
Des racines entre terre et mer pour créer son herbier imaginaire
Guillaume Castel poursuit sa quête entre terre et mer, un lien fort tissé par ses grands-Pères. L'un autrefois marin, l'autre paysan, entre la baie de Morlaix, ''Une mer enfermée dans la terre, s'exclame t-il, c'est fort !'' et les Mont d'Arrée.
Son jardin est aussi son champs d'observation
Fleur de fenouil, Muehlenbeckia, l'ombre portée des ginkgo biloba, premier arbre qui a repoussé après Hiroshima, tout pousse et tout est source d'inspiration."Quand j'ai démarré, je me suis baladé dans la nature avec un vrai nuancier de peintre, j'ai cherché les couleurs dans les pétales de fleurs, dans les lichens, dans les différents bleus de la mer et du ciel".
La main verte Guillaume la doit aussi à sa formation initiale de maraîcher Bio. Un métier qu'il n'a jamais exercé. Il a préféré après ses études, prendre le chemin du bricolage dans son atelier garage à Rennes.
Ces expérimentations l'ont mené progressivement et naturellement à la sculpture. Il n'a de cesse depuis d'être sollicité pour des commandes publiques ou privées.Un sculpteur monumental aujourd'hui d'envergure internationale.
Un dialogue entre art et nature, entre art et architecture
Ses sculptures prennent racine dans la nature ou dans les villes. ''Dulse'' fait partie désormais de l'espace public de Tournefeuille près de Toulouse.
Résonance ludique et colorée qui invite le passant à sortir de sa ligne droite. Vous pouvez découvrir d'autres oeuvres monumentales sur le parvis de la Cathédrale à Tréguier, ou à la gare de Morlaix. Guillaume Castel est devenu un habitué du Jardin des Arts de Châteaubourg et vend régulièrement des oeuvres aux enchères au château des Pères à Piré-sur-Seiche.
D'autres oeuvres prisées par des collectionneurs se sont envolées pour Chypre, les Pays Bas, le Japon. Sa graine imaginaire ''Grain Grain'' de 3 mètres d'envergure et d'un poids de 2 tonnes est même partie en convoi exceptionnel à Hawaï !
''Ce sont des graines voyageuses ! C'est le propre de la graine, de voyager, de ressemer plus loin !'' souligne ce jardinier sculpteur qui prépare d'autres semis.
Guillaume Castel expose à Paris au Salon des Galeristes du 18 au 20 octobre.