Sur proposition des maires, les préfets ont progressivement rouvert les plages en Bretagne. Exceptées quelques-unes qui restent fermées pour protéger les nids des gravelots à collier interrompu, une espèce menacée. C'est notamment le cas à Fouesnant et Erdeven, encore pour quelques semaines.
Les gravelots à collier interrompu nichent à même le sable. Alors quand l'humain se déconfine brutalement et se rue sur les plages, pile en période de nidification, il risque de marcher sur des oeufs ou de laisser son chien y divaguer... Pour éviter cette catastrophe pour la biodiversité, les préfets, les maires et l'association Bretagne Vivante qui coordonne la protection de l'espèce pour la Bretagne, se sont mis d'accord pour rouvrir les plages progressivement. Le temps pour les ornithologues d'installer des enclos de protection des nids et des pancartes explicatives.
Les Glénan et la plage des naturistes de Fouesnant
A Fouesnant, les plages des îles Glénan et celle de Kerler à l'ouest de la pointe de Mousterlin sont toujours fermées, "jusqu'à ce qu'on ait fini de délimiter les endroits sensibles autour des nids de gravelots" nous précise le maire Roger Le Goff. Selon lui, "la plupart de celles des Glénan devraient rouvrir d'ici la mi-juin", démentant ainsi la rumeur d'une fermeture jusqu'à la fin de l'été. Les Glénan, c'est la cour de récré des gens du littoral. Depuis le déconfinement, ils n'ont pas pu y débarquer et certains rongent leur frein. Mais "la plupart des gens comprennent", nous dit Anne-Marie, une habitante de Fouesnant, habituée de l'archipel.
Pour la plage de Kerler, le maire ne sait pas encore. Mais il reconnait que "c'est un secteur touristiquement sensible car il attire chaque été près d'un millier de naturistes et engendre de nombreuses locations". C'est en effet une des rares plages référencées officiellement pour cette pratique (5 en Finistère). Difficile donc de la maintenir fermée, mais comme elle est très longue, certaines portions resteront peut-être réservées aux oiseaux. Et les naturistes étant, en général, des personnes "proches de la nature", ils devraient comprendre la nécessité de ces précautions, comme en témoigne leur page Facebook.
Une cohabitation plus compliquée dans le Morbihan
Si les arrêtés et les nids ont été plutôt bien respectés dans le Finistère, le déconfinement a été beaucoup plus meurtrier pour les gravelots dans le Morbihan. Plages ouvertes, puis refermées aussitôt, à Erdeven où Kerillio a finalement rouvert cette semaine mais où Kerouriec et Kerminihy restent fermées. Incivilités en presqu'île de Rhuis et en baie de Quiberon...
Mais, malgré ses craintes avant la ruée de cet été, et en attendant les résultats du recensement que sont en train d'effectuer les ornithologues sur le littoral, Alain Thomas, administrateur de Bretagne Vivante se veut positif et croit à la pédagogie: "on sent une prise de conscience d'un partage nécessaire de l'espace. Il y a une pression sociétale via le tourisme, et du coup une pression de certains élus un peu tiraillés entre économie et environnement, c'est normal, mais c'est la première fois qu'une réelle démarche de préservation concertée a lieu autour d'une espèce pourtant pas très spectaculaire, moins par exemple que les phoques ou les guillemots mazoutés".
Nous sommes tous des gravelots!
Et si le petit gravelot de quelques grammes était justement le symbole de la biodiversité si fragile que nous, les humains, mettons en danger. Et si ses oeufs qui se fondent dans la laisse de mer étaient un peu comme l'image de notre propre avenir incertain. Et si nous étions tous des gravelots... et que, petit à petit, on en prenait conscience!