« Rue des pélicans », « rue des gravelots »…  Des nouveaux panneaux de signalisation vont bientôt sortir de terre à Telgruc-sur-mer. Ces nouveaux noms font bondir les défenseurs du patrimoine qui regrettent que la mairie ne s’appuie pas sur les noms bretons déjà existants.
 

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Ici les noms de lieux n’ont rien à voir avec des oiseaux

Yann-Bêr Kemener ne décolère pas. Président de l’association EOST – Etudes ouvertes sur Telgruc, il travaille depuis de nombreuses années sur les noms de lieux dans la commune. En février, il apprend que le conseil municipal de Telgruc-sur-mer, dans le Finistère, va baptiser trente nouvelles rues. "Allée des goélands", "Rue des gravelots",… Des appellations qui n’ont rien à voir avec les noms historiques, en langue bretonne, portés par les lieux concernés. "Les gens nommaient leurs parcelles d’après ce qu’ils y cultivaient, d’après leur forme, un jardin ou une prairie, ou bien encore d’après leur situation, près du vallon ou sur la montagne", explique Yann-Bêr Kemener. Selon lui, la mairie aurait dû s’appuyer sur le cadastre de 1831 pour baptiser les rues de nouveaux quartiers.

Le maire, Dominique Le Pennec, reconnaît ne pas s’être intéressé à ce document. Mais il rappelle que la mairie ne fait que "baptiser des rues qui aujourd’hui n’ont pas de nom", pour faciliter le travail des postiers, des livreurs et des services de secours. "Il n’a jamais été question de débaptiser les rues existantes et il est encore moins question d’enlever le nom des villages qui existent aujourd’hui, comme le Penker, comme Kerliver."

La francisation des noms de lieux

"Encore heureux", disent les défenseurs de la langue bretonne et du patrimoine. Rassemblés pour une réunion d’information mercredi à Telgruc-sur-mer, ils ont dénoncé "la francisation" des noms de rues en Bretagne. Selon Paolig Combot, président de Ar Falz-Skol Vreizh, des centaines de communes seraient concernées par ce phénomène. "En Basse Bretagne il y a plus de 500 000 microtoponymes, des noms de champs, des parcelles, etc. Il n'y a qu’à puiser dedans. Pourquoi donner des noms de fleurs ou des noms d’oiseaux comme le pélican, alors qu’on n’en voit pas beaucoup par ici ?" s’insurge-t-il.

L’argument selon lequel les noms en breton seraient "trop compliqués" pour les services postaux ou d’urgences n’est pas recevable selon lui : "Sur les GPS, vous remplissez un nom breton, un nom basque ou un nom alsacien, le résultat sera le même", argumente-t-il. "Les noms de lieux représentent l’identité des gens qui y vivent. C’est aussi ce que cherchent les touristes quand ils viennent y séjourner. Ils représentent l’histoire de la Bretagne", pense Françoise Louarn, présente lors de la réunion publique.

Une polémique ancienne

En Bretagne, la polémique sur les noms de lieux n’est pas nouvelle. Il y a dix ans déjà, les défenseurs de la langue bretonne étaient montés au créneau contre la francisation des noms de lieux demandée par la Poste pour faciliter la distribution du courrier. L’indignation avait même dépassé la sphère brittophone et de nombreux élus bretons avaient également réagi. Vous pouvez regarder ce reportage de janvier 2009 ci-dessous.
 Un reportage de Muriel Le Morvan et Syvlie Secret, diffusé le 20/01/2009.
Intervenants : Yves Amiard - Directeur du courrier Ouest-Bretagne; Fulup Jakez - Directeur de l'Office de la langue bretonne; Jean-Yves Le Drian - Président de la région Bretagne; Aimé Kergueris - Vice-président du Conseil général du Morbihan.

A Telgruc-sur-mer, le maire envisage, si le budget le permet, d’installer une signalétique bilingue pour les nouveaux noms de rues. « La rue des pélicans » qui fait tant parler pourrait même être renommée. Il regrette néanmoins la tournure que prend la polémique. Il a reçu il y a quelques jours des mails anonymes d’insultes et de menaces de mort, pour lesquels il a porté plainte. Une instrumentalisation nationaliste d’un débat qui, bien que vif, restait correct jusqu’à présent.
 
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