Pour pallier la fermeture de leurs établissements, trois chefs finistériens, dont deux étoilés, ont lancé un drive, avec commandes et paiements en ligne. En attendant des contenants biodégradables, ils ont troqué les assiettes pour des barquettes en plastique. Et les gourmets sont au rendez-vous.
Une longue file de véhicules où chacun attend sagement son tour.
La scène est pour le moins inhabituelle à l'entrée de l'Hôtel de Carantec. C'est la fin de l'après-midi, le chef étoilé Nicolas Carro, casquette rouge vissée sur la tête, masque sur le visage et ganté, assure avec son équipe la distribution des commandes du jour.
Une vraie bulle d'air
Après six semaines de fermeture, le jeune chef qui a repris en octobre dernier la table renommée de Patrick Jeffroy, a opté pour une formule pour le moins innovante : le drive gastronomique.
Les fourneaux étaient éteints depuis le 16 mars. Il était primordial de commencer à relancer la machine. "C'est la bulle d'air dont on avait besoin pour continuer, pour se remotiver et surtout remotiver nos équipes", explique Nicolas Carro.
Le principe est tout simple : des menus à 20 ou 25 euros, des commandes via internet que les clients viennent ensuite retirer, dans le respect des gestes barrières.
Trois chefs en cuisine
Pour mettre en place ce drive, Nicolas Carro s'est associé avec deux autres chefs, David Royer, du Castel Ac'h à Plouguerneau et Anthony Hardy, du Château de Sable à Porspoder.
Tous appartiennent au même groupe hôtelier, celui de Franck Jaclin, qui met à disposition une cuisine à Brest. C'est là que les menus sont élaborés en commun.
Aujourd'hui, c'est taboulé de sarrasin de Lannilis, lotte du Conquet, compotée de rhubarbe de Carantec. Solidaires, les cuisiniers veulent défendre l'ensemble de la filière, jusqu'aux producteurs locaux privés de débouchés.
Des produits de saison
Pour David Royer, "l'idée, c'était vraiment de mettre en valeur les produits de saison, les producteurs aux alentours, comme on fait d'habitude dans nos restaurants".
Avec un mode de commercialisation totalement inédit, les chefs se réinventent.
Il faut dire que les trésoreries ont souffert. Les équipes, qui représentent 20 à 30 salariés par établissement, sont au chômage partiel et pour les restaurants, la fin du déconfinement n'est pas encore fixée.
Si la formule du drive marche bien, les trois chefs aimeraient remettre progressivement leurs employés au travail. Pour le moment, seulement deux salariés les ont épaulés.
Une reprise délicate
La reprise sera délicate à négocier. "Rouvrir trop vite, ce serait aussi un danger pour nous", estime Anthony Hardy. "Est-ce que les clients vont être au rendez-vous? est-ce qu'on va ouvrir à perte? parce que si on remet toutes nos équipes en place, si on rachète toutes les denrées dont on a besoin, si c'est pour les laisser dans nos frigos, ce serait vraiment catastrophique".
Avec forcément de nouvelles normes sanitaires, une forme de psychose à combattre, il y aura un avant et un après Covid-19, dans la restauration. Mais pour l'heure, devant les sourires des clients, même au volant de leurs voitures, Nicolas Carro et ses confrères ne boudent pas leur plaisir.
Le drive gastronomique est reconduit pour la semaine prochaine.
Ce jeudi 1er Mai, les trois restaurants ont vendu 350 repas.
Un reportage tourné par Claire Louet et Gwénaëlle Bron en mode confiné...