" 60.000 euros de réparation, c’est peu ". L'indemnisation des victimes de violences sexuelles dans l'Église en question

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Des victimes bretonnes et ligériennes de prêtres pédophiles ayant sévi dans l'Ouest de la France témoignent des violences sexuelles qu'elles ont subies lorsqu'elles étaient enfants. ©Muriel Le Morvan, Stéphane Soviller,Gwenaëlle Bron

Entre 1950 et 1970, une centaine d’enfants ont été abusés et violés dans des institutions religieuses de Bretagne et des Pays de la Loire. Réunies en collectif, ces victimes ont obtenu une audience du Pape François en novembre 2023. Au nom de l’Eglise, il leur a demandé pardon. Mais comment réparer un tel préjudice ? « Enquêtes de région » revient sur l’un des secrets les mieux enfouis du Grand Ouest.

Rompre le silence et lever le tabou des violences vécues... il en a fallu du courage à ces hommes et ces femmes pour se plonger dans l'horreur de leur enfance et la dénoncer. Scolarisés dans des institutions catholiques du Finistère et de Loire-Atlantique entre 1960 et 1970, ils ont été abusés et/ou violés par leurs enseignants, des hommes d'Église. En novembre dernier, ces victimes ont été reçues par le Pape François qui leur a demandé pardon. Ce geste fort du chef suprême de l'Église catholique ne suffira cependant pas à réparer le préjudice subi.

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Et comment indemniser les victimes pour leur souffrance ? En 2021, la Conférence des religieux et religieuses de France a créé la Commission Reconnaissance et Réparation qui s'est fixée pour but de " réparer " les victimes de violences sexuelles commises au sein d'institutions religieuses. Elle a établi un barème de réparation allant de 5.000 à 60.000 euros selon les faits. C'est beaucoup trop peu pour Carine Durrieu Diebolt, avocate en droit des victimes, invitée du magazine « Enquêtes de région ».

QUESTION : " Pour obtenir réparation, la CRR (Commission Reconnaissance et Réparation) demande aux victimes d’auto-évaluer leur préjudice sur une échelle de 1 à 7. Est-ce qu’en droit, on a déjà vu pareil cas de figure où l'on demande à des victimes d’évaluer leur préjudice, sans faire appel à des experts ? "

Pas du tout. Déjà en droit, on a un principe qui est celui de la réparation intégrale, c'est à-dire qu’on doit réparer tout le préjudice et rien que le préjudice, tout le préjudice dans tous ses aspects de la vie, dans tous les retentissements que cela peut avoir pour les victimes. Et pour bien chiffrer le traumatisme et le retentissement dans tous les aspects de la vie de la personne, on désigne une expertise en évaluation des dommages. On va appliquer une nomenclature dite Dintilhac avec une évaluation poste par poste. Et cela permet d’affiner la demande d’indemnisation qui va être présentée par la victime. On essaie de procéder de la manière la plus équitable afin que les victimes se reconnaissent à travers l’indemnisation judiciaire qui va être proposée.

QUESTION : " Par définition, s’auto-évaluer c’est forcément subjectif. Y a-t-il un risque de minorer le préjudice ? "

Oui, nécessairement. L’auto-évaluation, c’est très compliqué. J'ai vu les questionnaires proposés par la Commission Reconnaissance et Réparation pour l’auto-évaluation des préjudices par les victimes. Il y a 100 questions qui sont posées. C’est extrêmement long, c’est difficile. Il est compliqué pour une victime d’établir un lien entre les faits et les dommages. Et donc nécessairement, il y a une tendance à minimiser. Le but aussi de l’indemnisation, c’est de répondre à un besoin personnel pour la victime, mais également à une reconnaissance sociale de la gravité des faits qui sont subis à travers cette reconnaissance financière.

À lire aussi : "Le Prix d'une vie" : le parcours de victimes de pédocriminels religieux pour la reconnaissance et la réparation, retracé sur France 2

QUESTION : " L'indemnisation est plafonnée à 60.000 euros par la CRR. Pour les mêmes types de faits, quels peuvent être les montants, au civil et au pénal ? "

60.000 euros, c’est peu, c’est contraire au principe de réparation intégrale du préjudice et à une évaluation au cas par cas. J’ai défendu des victimes qui ont vécu 500, 1.000 viols dans leur vie et j’ai obtenu des indemnités à hauteur de 300.000, 350.000 euros dans le système judiciaire parce que les répercussions sont totales. Il y a les souffrances endurées, le préjudice moral, des répercussions scolaires, professionnelles. Vous pouvez avoir des victimes qui se réfugient dans des addictions, des troubles sexuels, des troubles dans l’intimité. Et cela, d’ailleurs, c'est très difficile à faire valoir dans le cadre d’une auto-évaluation parce qu’on rentre dans l’intimité de la vie de la personne. Quand on met tous ces éléments côte à côte, on arrive à des évaluations qui peuvent aller bien au-delà de 60.000 euros !

Le magazine Enquêtes de région "Violences sexuelles dans l’Église : la fin d’un tabou ?" est à découvrir ce mercredi 31 janvier sur France 3 Bretagne et France 3 Pays de la Loire à 23h10 ou dès maintenant sur France.tv 

(Avec la participation de Robin Durand et Mathieu Guillerot)

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