Chloroquine : des ordonnances suspectes repérées et signalées par des pharmaciens en Bretagne

Des pharmacies des Côtes d'Armor et du Finistère ont signalé aux autorités des ordonnances suspectes, produites par des médecins, se prescrivant pour eux-mêmes de la chloroquine. Une enquête est ouverte, pour suspicion d'ordonnances frauduleuses. 


"C'est un sujet sensible, parce que ça touche aux relations médecins - pharmaciens." Depuis le début de l'épidémie et du confinement, un pharmacien des Côtes d'Armor, qui souhaite garder l'anonymat, a déjà connu le cas de figure à trois reprises.

Trois médecins, dont deux qu'il connaît bien, généralistes ou spécialistes sont venus à son officine, avec une auto-prescription pour de la chloroquine. Souvent connu sous le nom de Plaquenil, il s'agit d'un médicament utilisé pour lutter contre le paludisme, l'arthrite ou encore le lupus, une maladie auto-immune

Il est aujourd'hui défendu comme traitement du coronavirus, par le professeur Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses à Marseille, une position qui ne fait pas l'unanimité mais qui entraîne une nouvelle demande. 

Dans le troisième cas, l'ordonnance ne présentait pas un numéro d'identification valable (numéro Répertoire Partagé des Professionnels de Santé ou RPPS). Surtout le motif de la demande s'est avéré très flou. "Ce médecin a expliqué qu'il souhaitait fournir le médicament, pour une amie qui en avait besoin. J'ai contacté cette personne. Elle a refusé de me donner le nom de son médecin traitant ou le contact de sa pharmacie habituelle en région parisienne. Ce n'était pas cohérent si elle avait vraiment besoin de ce traitement." "Le ton est un peu monté, contrairement aux deux autres avec lesquels j'ai pu échanger sereinement." 

Tout le monde sera reparti les mains vides, car personne n'était atteint de pathologie nécessitant de la chloroquine. Un signalement a aussi été remonté, à l'Ordre des pharmaciens de Bretagne. Le professionnel précise n'avoir fait que son travail : "Rien n'est exceptionnel dans cette situation. On vérifie toujours la légalité des ordonnances, la posologie. Nous sommes une barrière quand à la délivrance des médicaments. Nos stocks de chloroquine sont réservés aux patients qui en prennent déjà." 

Il ne jette pas l'opprobre sur les médecins : "Je pense que c'est humain, nous nous trouvons dans un climat compliqué. Les médecins sont en contact avec les malades et se disent que s'ils ont ce produit, ils seront protégés." 


Que dit la loi ? 


La chloroquine a longtemps été disponible, sans ordonnance. Jean-François Battala, président de l'Ordre des Pharmaciens pour la région Bretagne explique : "La chloroquine était auparavant en accès libre. Ce n'est que depuis deux mois qu'elle nécessite une ordonnance. La prescription initiale doit obligatoirement se faire par un spécialiste. Elle peut ensuite être renouvelée, par un médecin généraliste." 

Depuis le 13 janvier dernier en effet, un arrêté classe la chloroquine parmi les substances vénéneuses. Un nouveau décret, datant du 26 mars encadre encore son usage et en interdit l'exportation. "L'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d'un médecin aux patients atteints par le covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile."

Il est aussi indiqué que : "les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin."

Le phénomène a également été observé dans le Finistère. Des pharmaciens ont fait état de quelques auto-prescriptions, émises par des médecins franciliens.

Contacté, le colonel de gendarmerie Nicolas Duvinage, commandant du groupement de gendarmerie départementale du Finistère confirme que ces ordonnances suspectes font l'objet d'une enquête, basée sur le code de la santé publique, sous l'égide du parquet de Quimper. 

 
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