La solidarité des gens de mer s'organise au Guilvinec autour d'un marin sénégalais menacé d'expulsion. Pap N'diaye est arrivé dans ce port de pêche du sud-Finistère en 2017 pour y exercer son métier de pêcheur, "le seul que je connais depuis 22 ans" dit-il.
Pas un jour ne s'écoule sans que Pap N'diaye ne doive pointer à la gendarmerie. Ce pêcheur du Guilvinec, originaire du Sénégal, est menacé d'expulsion et assigné à résidence. Il a reçu son obligation de quitter le territoire français (OQTF) le 16 février dernier. Depuis, la mobilisation grandit, dans ce port de pêche du sud-Finistère, la solidarité des gens de mer s'organise. Et l'incompréhension domine. "Ce serait un coup dur pour moi s'il partait, explique Kevin Le Fourn, patron du "Manona", un palangrier sur lequel Pap travaille depuis trois ans. J'ai des projets avec lui, on a de l'avenir ensemble".
Il n'y a déjà plus grand monde dans la pêche, alors si en plus, on nous enlève les marins compétents
"J'ai ma vie ici"
Le patron du Manona a dû adapter sa marée pour que son matelot puisse se rendre à la gendarmerie entre 10 h et 12 h. "On ne peut plus sortir trop loin au cas où il y aurait un problème, souligne Kevin Le Fourn. Donc je calcule le coup pour que l'on finisse tôt". "C'est une grave perte pour l'entreprise, se désole Pap N'diaye. On travaille avec les marées, la lune, les vents, il n'y a pas d'horaires en mer".
Pap N'diaye est un marin aguerri qui affiche 22 ans d'expérience. "Je ne sais faire que ça, je n'ai pas d'autre métier. Et puis, j'ai ma vie ici". Le pêcheur est arrivé en France il y a sept ans, "il est entré légalement sur le territoire, avec un visa de travail" précise son avocat Jean-Marc le Crane.
Un mariage avec une Française change la donne : il perd son titre de séjour salarié et bascule vers la case administrative "conjoint de Français". Le couple se sépare et le pêcheur sénégalais se retrouve en situation irrégulière puisque la préfecture du Finistère s'appuie sur cette séparation pour refuser sa demande de carte de résident. "Alors que le couple s'est reformé depuis, note l'avocat de Pap N'diaye. La préfecture ne retient que les éléments à charge, passe sous silence toute son activité salariée et le dossier n'est pas actualisé".
Une cagnotte de soutien
La ligne de défense de Jean-Marc Le Crane s'appuie sur un accord franco-sénégalais qui prévoit la délivrance d'un titre de séjour salarié. "C'est ce titre que nous voulons qu'il récupère car c'est prévu par des textes internationaux que la France a signés".
L'association Pleine Mer a, de son côté, mis en place une cagnotte pour aider Pap N'diaye à payer ses frais d'avocat.
Solidarité au Guilvinec ! @PleineMerAsso et les marins pêcheurs se mobilisent contre l'expulsion d'un marin pêcheur Sénégalais, Pap N'diaye. Soutenez le en participant à la Cagnotte qui financera une partie des frais de justice : https://t.co/9rL4bZbvhV pic.twitter.com/LasGW5XIBd
— Pleine Mer (@PleineMerAsso) March 10, 2021
Charles Braine, le président de Pleine Mer, note l'ironie de l'histoire. "La France tente d'expulser les travailleurs étrangers dans le domaine de la pêche mais elle va exploiter les zones de pêche comme le Sénégal qui, historiquement, est riche en poissons. Résultat : moins de travail pour les pêcheurs locaux qui doivent aller chercher du travail ailleurs et notamment chez nous".
Une pétition pour dire "non à l'expulsion de Pap N'diaye" circule également et sera adressée à la préfecture du Finistère. Celui que ses collègues qualifient "d'excellent marin" collecte des attestations pour prouver son insertion professionelle. "Pêcheur, c'est une passion. De toute façon, tu ne peux pas être marin sans passion. Je suis bien au Guilvinec, j'y ai un avenir".