Espèce invasive et agressive, le crabe bleu se multiplie sur les côtes méditerranéennes. Dans le Var, c'est désormais près de Fréjus et de Saint-Raphaël qu'il fait des ravages. Pêcheurs et protecteurs de la nature sont sur le qui-vive pour endiguer son expansion.
Ses pinces sont devenues le cauchemar de nombreux pêcheurs. Le "Callinectes sapidus", plus connu sous le nom de crabe bleu, n'en finit pas d'étendre son emprise en Méditerrannée.
Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, il a déjà été repéré depuis de nombreuses années dans l'étang de Berre, entre Marseille et Arles. Mais, désormais, c'est dans le Var qu'il fait frémir les professionnels.
Il aurait en effet élu domicile dans les alentours de Fréjus et de Saint-Raphaël, et plus précisément dans les étangs de Villepey, situés à Saint-Aygulf. Une zone humide protégée qui s'étend sur 271 hectares, dans le delta de la rivière Argens.
C'est une zone qui lui convient bien car elle est assez calme et on est dans de l'eau saumâtre, mélange d'eau douce de l'Argens et d'eau salée de la mer.
Gérald Soccoja, pêcheur professionnel à Fréjusà France 3 Côte d'Azur
Filets de pêche attaqués
D'abord observé de manière croissante dans l'étang de Berre, le crustacé semble désormais en pincer de plus en plus pour le littoral varois, et notamment pour la zone de Fréjus et Saint-Aygulf.
Il y a quelques années, on ne comptait que quelques spécimens seulement. Mais dernièrement, ça s'est multiplié par 5 ou 10 ! En 2023, on en a pris entre 60 et 100 individus. Et l'année dernière, on en a compté plus de 250 !
Gérald Soccoja, pêcheur professionnelà France 3 Côte d'Azur
Surnommé "Terminator" par certains, ce crustacé, originaire d'Amérique du Nord, est en effet particulièrement agressif et vorace. Comme le montre cette vidéo de nos confrères de ICI Corse.
C'est simple, il mange tout ! Que ce soient les œufs des poissons dans les frayères, mais aussi les coquillages, les coques, les huîtres, les palourdes... Rien ne l'arrête !
Gérald Soccoja, pêcheur professionnelà France 3 Côte d'Azur
Le crustacé dispose d'impressionnantes pinces qu'il n'hésite pas à utiliser pour attaquer ses proies, mais également les filets des pêcheurs, qui se retrouvent parsemés de trous et deviennent donc... inutilisables !
Une situation qui inquiétait déjà les pêcheurs de l'étang de Berre, il y a quelques mois. "On voit une myriade de petits trous dans les filets. Cela permet aux anguilles de s'échapper, en dépit des réparations que l'on peut faire. C'est la fin de mon activité si on ne trouve pas une solution !", s'inquiétait auprès de nos confrères de France3 Provence-Alpes Baptiste Giocomoni, un pêcheur.
Quant à la taille du crabe bleu, elle est d'environ 20cm de largeur et 9cm de long. À noter que les femelles sont un peu plus petites et ont le bout des pinces de couleur rouge, ce qui permet de les différencier des mâles.
Vers un plan d'action en PACA
Face à cette menace grandissante, les pouvoirs publics sont en train de mettre sur pied un plan d'action régional. Comme l'ont fait, avant eux, les collectivités d'Occitanie ou de Corse.
On a besoin de bien cartographier géographiquement leur présence, ça permettra de frapper là où il faut.
Kevin Bergeron, animateur Natura 2000 à Esterel Côte d'Azur Agglomérationà France 3 Côte d'Azur
Kevin Bergeron poursuit : "c'est pour cela qu'on a sensibilisé les professionnels de la pêche, les vendeurs de matériel et mêmes les plaisanciers pour qu'ils nous fassent des retours s'ils aperçoivent des crabes bleus dans le secteur de Fréjus et Saint-Raphäel".
Un plan d'action, supervisé par la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) devrait se préciser courant 2025.
Bientôt dans l'assiette ?
En attendant, la bataille s'annonce rude. Car, plusieurs fois dans l'année, la femelle du crabe bleu pond deux millions d'œufs. De quoi favoriser cette expansion rapide et impressionnante dans le Var et sur les rivages de la Méditerrannée.
Une des pistes évoquées par certains serait tout simplement de consommer ce crustacé. Car, contre toute attente, sa chair est très savoureuse.
On l'a goûté nous-même, on l'a déjà fait goûter à plusieurs personnes, et les clients adorent ! Au niveau du goût, on est entre la langouste et l'araignée de mer... Le cuisiner, cela permettrait peut-être de joindre l'utile à l'agréable ?
Gérald Soccoja, pêcheur professionnelà France 3 Côte d'Azur
Pourtant, certains chefs ont déjà franchi le pas. Exemple dans ce reportage de nos confrères de France3 Occitanie, où un chef cuisinier explique tout l'intérêt culinaire du crabe bleu en cuisine. Que ce soit pour le cuisiner ou en faire de la bisque, semblable à celle du homard visiblement.
Sur internet et les réseaux sociaux, de nombreuses recettes voient le jour pour le cuisiner à toutes les sauces.
Changer les mentalités
En Paca, pour l'instant, aucun chef cuisinier ne propose le crabe bleu à la carte de son restaurant. Il faudrait peut-être d'abord changer un peu les mentalités locales, tant pour les chefs que pour les clients.
"En Provence, on n'a pas cette culture de la consommation de crabes, contrairement à la Bretagne ou aux États-Unis, d'où ce crabe provient, et où il est très apprécié, au point qu'ils n'en ont plus", expliquait Raphaël Grisel, le directeur du syndicat mixte pour la réhabilitation de l'étang de Berre, à nos confrères de France3 Provence-Alpes.
Une chose est sûre, cela pourrait faire d'un problème, une solution culinaire originale. Et, peut-être, proposer un nouveau débouché pour les pêcheurs de la région ?