JUSTICE. Accident du méthaniseur de Châteaulin en 2020. 150.000 euros d’amende requis

Dans la nuit du 17 au 18 aout 2020, 400 m3 de digestat s’était échappé de la centrale biogaz de Châteaulin (Finistère), exploitée par Engie. La fuite avait pollué un cours d’eau et privé d’eau potable 170.000 habitants. Lors de l’audience, ce 28 septembre 2023, devant le tribunal de Quimper, le procureur a évoqué des négligences de la société et requis une amende de 150.000 euros contre l’exploitant.

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"Ça nous est tombé dessus, on a dû arrêter l’usine" se souvient Jacques Gouerou, président du Syndicat mixte de l'Aulne qui gère l’usine d'eau potable.

Dans la nuit du 17 au 18 août 2020, une cuve de la centrale qui produit du méthane à partir de fumier, de lisier et de déchets de l'industrie agroalimentaire, déborde et déverse quelque 400 m3 de digestat, la matière organique issue de la méthanisation, dans l'Aulne.

LIRE : Finistère : la fuite d'une cuve de méthanisation à l'origine d'une pollution de l'Aulne

L’usine d’eau potable se trouve un peu en amont. Elle doit être stoppée. Pendant une semaine, 170.000 personnes, un tiers des habitants du Finistère, sont privées d’eau potable.

Des dysfonctionnements constatés

Dans son réquisitoire, le procureur de la République de Quimper a évoqué des dysfonctionnements et un système d’alerte insuffisant. Il a requis une amende de 150.000 euros, dont la moitié avec sursis, à l’encontre de la centrale biogaz exploitée par Engie.

Le magistrat a demandé une condamnation  pour le "déversement de substances nuisibles dans les eaux souterraines, superficielles ou la mer".

Relaxe sur la mortalité des poissons

Le procureur a, en revanche, demandé la relaxe pour le délit de "pollution par rejet en eau douce ou pisciculture de substances nuisibles aux poissons".  "Cette procédure est à trous. Il y a des carences. On n'a pas d'éléments sur la destruction des poissons" a reconnu le magistrat.

"On nous dit, nous n’avons pas d’état des lieux de la rivière avant, donc, on ne sait pas comment c’était, aujourd’hui, ce n’est pas trop mal, donc passez votre chemin, on n’a rien fait, s’étrangle Gaël Calvar, président de l'EPAGA, syndicat du bassin-versant de l'Aulne.

"Il y avait un taux d’azote ammoniacal 10 à 30 fois supérieur à la norme, le petit cours d’eau entre le méthaniseur et l’Aulne était marron. Comment voulez-vous que des poissons y vivent ?" interroge l’avocat Alan Saout.

La méthanisation montrée du doigt

"Il faut que l’entreprise soit condamnée pour qu’elle comprenne qu’elle a détruit un ruisseau, un milieu. Leur négligence a ruiné des années d’efforts et beaucoup de l’argent qui ont été engagés pour restaurer le milieu, insistent les parties civiles. En quelques minutes, tout a été balayé."

Dans cette affaire, "on s'est servi de l'environnement comme d'une variable d'ajustement" estime Thomas Dubreuil, avocat d’Eau et Rivières de Bretagne, pointant du doigt le "développement déraisonnable de la méthanisation en Bretagne". "Il y a une autorisation qui a été accordée à la légère. Comment peut-on autoriser une telle industrie à s’installer à moins d’un kilomètre d’une prise d’eau stratégique"  questionne Arnaud Clugery, le porte-parole de l’association.

LIRE : La méthanisation : "Un système de Shadoks", selon Olivier Allain 

Les défenseurs de l’environnement exigent davantage de contrôle des installations de méthanisation et indiquent recevoir une dizaine de signalements de pollution par des centrales biogaz sur le bassin de Chateaulin.

À la barre, Antoine de La Faire, directeur général d'Engie Bioz (filiale du groupe Engie), a reconnu un "problème de conception" dans cette "filière récente" qui est "en amélioration continue". "Tout a été réalisé pour qu'il n'y ait plus d'écoulement en milieu naturel" a-t-il assuré. Les avocats de la défense ont demandé une dispense de peine, au vu des travaux réalisés par l'exploitant.

"Il ne faut plus que ça se reproduise" répètent de leur côté les associations. L'affaire a été mise en délibéré au 16 novembre.

(Avec Claire Louet et AFP)

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