Permettre aux femmes l'accès à des protections périodiques biologiques à moindre coût, c'est l'idée d'une cheffe d'entreprise bretonne. Basée dans le Sud-Finistère, Gaële Le Noane propose aux entreprises et collectivités l'installation de distributeurs de tampons et de serviettes. Rencontre avec une entrepreneuse engagée pour la santé des femmes.
Des serviettes et tampons biologiques disponibles gratuitement dans un distributeur, comme du papier toilette, une évidence dans une démarche d'égalité femmes-hommes pour Gaële Le Noane.
Elle a fondé la société Marguerite&Cie, basée dans le Sud-Finistère. "Pas de tabou, des produits sains, un accès gratuit", voilà les maîtres mots de l'entreprise qu'elle a créée en 2018, en démarrant dans l'entrepreneuriat avec une box pour des protections menstruelles envoyée à des abonnées.
Tout est parti d'une révolte
Dans sa vie d'avant, Gaële Le Noane était orthophoniste et pas du tout issue du milieu entrepreneurial. "Un jour, j'ai lu une étude publiée en 2017 sur la composition des tampons et serviettes. Le déclic, raconte-t-elle. Comment les protections périodiques conventionnelles peuvent contenir autant de substances toxiques, comme des dioxines, des pesticides ou des perturbateurs endocriniens ? Ça m'a révoltée". Sans compter que les tampons et serviettes, qui contiennent du plastique, sont en partie responsables de la pollution des milieux marins.
Son autre cheval de bataille : la précarité menstruelle (un terme peu connu à l'époque) et les inégalités que les règles génèrent entre les femmes et les hommes. Une lutte pour les droits des femmes en quelque sorte.
Dès lors, elle n'aura de cesse de rendre accessibles les protections périodiques bio via des distributeurs implantés un peu partout.
L'une des premières entreprises à la suivre lors du lancement de son projet de distributeur sera LVMH. En novembre 2021, elle a même remporté une médaille d'argent au Concours Lépine, dans la catégorie "Santé et nouvelles technologies".
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Depuis, l'entreprise finistérienne, basée à Plobannalec-Lesconil, a fait du chemin, beaucoup de chemin. De nombreuses sociétés la contactent pour qu'elle leur fournisse ce distributeur. À l'image de la menuiserie aluminium Cadiou à Locronan. "C'est quelque chose qui nous a semblé logique. Il faut savoir qu'il y a actuellement en France beaucoup de personnes qui n'ont pas accès à ces protections périodiques et donc, dans le cadre du bien-être au travail, ça nous semblait normal" explique Tiffany Brelivet, chargée de la responsabilité sociétale de l'entreprise.
4 millions de Françaises dans la précarité menstruelle
"En France, en effet, un quart des personnes qui ont leurs règles n’ont pas les moyens d’acheter tampons ou serviettes, soit 4 millions de Françaises. 130 000 collégiennes et lycéennes ratent les cours régulièrement faute de produits menstruels" confirme Gaële Le Noane. Pour son entrepreneuriat militant, Marguerite & Cie a reçu le label 'entreprise solidaire d’utilité sociale'.
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Le nom "Marguerite & Cie" fait écho aux prénoms de nombreuses femmes féministes comme Yourcenar et Duras, ainsi qu’au nom de la fleur blanche naturelle. Il réfère également à l’idée d’une communauté.
Désormais des lycées, des prisons, des centres d'action sociale ont choisi de rendre accessibles les protections périodiques bio.
Au total, plus de 7.100 distributeurs ont été installés auprès de 2.000 collectivités clientes et 350 entreprises. Une manière pour cette entrepreneuse militante de rendre aussi visible le tabou des règles, tout en proposant un produit sain : "Les produits menstruels bio, cela devrait être la norme, explique Gaële Le Noane. Ce n'est pas normal que l'on soit exposée à des produits potentiellement toxiques et qui polluent énormément. Le plus simple, c'est d'avoir un distributeur au mur où l'on peut se servir dès qu'on en a besoin. On est sur le terrain environnemental, sanitaire et économique".
Vous vous rendez compte, en 2024, il n'y a toujours pas de composition affichée sur les emballages des tampons et serviettes ! C'est quasiment le seul produit dans ce cas alors qu'il est au contact d'une des muqueuses les plus perméables du corps voire dans notre corps, chaque mois pendant en moyenne quarante ans
Gaële Le NoaneFondatrice de "Marguerite&Cie"
Marguerite & Cie compte aujourd'hui 13 salariés avec une levée de fonds de 1 450.000 euros. La société a réalisé 2,8 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2023 et l'a ainsi multiplié par 30 depuis le lancement de sa société en 2018.
Et l'avenir ? "Moi je travaille aujourd'hui avec tous les ministères, mais aussi avec l'AFNOR où je suis conseillère technique pour qu'il y ait enfin une norme en matière de composition des tampons et des serviettes, souligne Gaële Le Noane. Vous vous rendez compte, en 2024, il n'y a toujours pas de composition affichée sur les emballages des tampons et serviettes ! C'est quasiment le seul produit dans ce cas dans un supermarché, alors qu'il est au contact d'une des muqueuses les plus perméables du corps, voire dans notre corps, chaque mois pendant en moyenne quarante ans ! Donc ça, c'est vraiment notre combat en parallèle, au niveau législatif. Il faut faire avancer la loi pour que les fabricants ne prennent plus nos vagins uniquement pour des porte-monnaie" conclut la fondatrice de Marguerite&Cie.
(Avec Sarra Ben Cherifa)