Témoignage. "Notre vie, elle est rythmée par la météo et la rotation des bateaux", Pierre livre son quotidien sur l'île de Sein

Publié le Écrit par Thierry Peigné
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Pierre réside depuis 12 ans sur l'île de Sein, à la pointe de la Bretagne. Un retour sur son île de cœur après 10 ans de vadrouille sur le continent. S'il se considère comme un privilégié, il nous dévoile son sentiment sur cette vie singulière. Ces 27, 28 et 29 septembre, se tient la 11e édition du festival Les insulaires sur Sein. Trois jours de festivités et de débats sur les problématiques liées à l'insularité.

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Imaginez, pour ceux qui n'y sont jamais allés, vivre sur un bout de terre qui mesure 1,8 km de long sur une largeur allant de 30 à 800 mètres et dont le point culminant se situe à seulement 15 mètres au-dessus du niveau de la mer. Non pas pour y faire du tourisme mais pour y vivre à l'année, été comme hiver lorsque l'île de Sein est battue par les vents, la pluie, la houle et les tempêtes. Une vie particulière que Pierre Portais a décidé d'embrasser il y a 12 ans. 

Il est vrai que Sein, le jeune homme de 39 ans, y a passé toute sa jeunesse, y a "fait des conneries","comme tous les ados", mais n'avait pour autant pas "prévu de rester vivre sur son île"

Après l'adolescence, il part travailler, 10 ans durant, sur le continent, en Limousin entre autres. Mais la présence de toute sa famille à Sein et l'amour de son île le pousse à revenir sur la plus petite des îles du Ponant. Deux ans à "retrouver les copains" et à murir un projet de vie et de boulot.

Plus tu restes sur l'île, moins t'as envie de bouger

Pierre Portais,

responsable du vcentre nautique de Sein

Et comme le précise Pierre : "avec Sein, le problème, c'est que plus tu restes sur l'île, moins t'as envie de bouger". Et d'ajouter : "Pour le bien-être mental, je pense qu'il est bon de bouger quelques années et d'avoir fait ses armes ailleurs, afin d'être bien sûr qu'on n'aime pas 'en face' pour y revenir", le 'en face' désignant le continent.

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Son projet professionnel prend corps en 2014 lorsqu'il ouvre, avec un ami, un centre nautique, un club de kayak, "pas seulement destiné aux touristes mais également aux Sénans en hiver pour créer une nouvelle activité pour les jeunes et les moins jeunes". 

Une activité, qui sera bien acceptée par les habitants, "même s'il a fallu faire mes preuves"

Ici, l'équilibre est fragile.

Pierre Portais,

responsable du centre nautique de Sein

Pour lui, il est important que des jeunes créent des activités. "Il en va de l'avenir de l'île parce que s'il y a uniquement des saisonniers, le risque à terme, c'est que ça se termine en station balnéaire". Et de décrire un cercle vicieux : "s'il n'y a plus de jeunes à créer des activités, avec le projet de s'installer et de faire des enfants, il n'y aura plus assez d'enfants et s'il n'y a plus d'enfants, il n'y a plus d'école. Et s'il n'y a plus d'école, après, c'est la fin. Ici, l'équilibre est assez fragile, comme dans d'autres endroits certes, mais un peu plus ici".

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Une vie rythmée par la météo et la rotation des bateaux

Quand on lui demande comment se déroule son quotidien, il nous répond qu'il est "rythmé par la météo et les rotations des bateaux", un aller du continent vers l'île le matin et un retour dans l'autre sens en fin d'après-midi. 

"Même si on a l'habitude de faire le dos rond lorsque les hivers sont rudes à cause des intempéries", certaines périodes sont plus compliquées à aborder lorsque "vous dépendez complètement des liaisons maritimes". Quand la mer est trop forte, les bateaux vont être soit décalés, soit annulés et même plusieurs jours d'affilée. Une contrainte qui impose que "parfois, ce n'est pas évident pour s'organiser". "En quelque sorte, on vit aussi l'œil rivé sur les horaires et coefficients des marées".  

"Ici, on jouit d'une liberté exceptionnelle"

Même si le Sénan reconnait qu'il y a "plein de choses" qui n'existent pas sur l'île, "ici, on jouit d'une liberté exceptionnelle et que l'on ne trouve plus dans beaucoup d'endroits". Et de citer certains avantages : "Les gamins ici, on les envoie faire des courses tout seul à 3 ans. Ils sont hyper autonomes. On a aussi un vivre ensemble inter-générationnel très développé et important. Et même si on se tire parfois dans les pattes comme partout, on sait se serrer les coudes lorsqu'il le faut", une qualité que l'on retrouve de moins en moins, selon lui, sur le continent et dans les grandes villes. Et comme il le rappelle, l'avantage d'être peu nombreux sur l'île, 270 habitants à l'année, c'est que "tout le monde se dit bonjour et parle", ce qui est bien mieux "que de tirer la gueule dans le métro tous les jours pendant une heure". 

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Une île menacée par le réchauffement climatique

Sein, qui s'étale sur 0,58 km² à la hauteur du niveau de la mer, est naturellement menacée par les conséquences du réchauffement climatique et de la montée des eaux. Une problématique que tous les habitants ont bien sûr en tête et "qu'il ne faut surtout pas nier". Mais pour Pierre, au-delà de la montée des eaux, il y a également les changements observés ces dernières années : "l'eau ne fait pas que monter. La mer change. Les tempêtes sont de plus en plus costaudes. Ça passait bien lorsque les vents et la houle venaient que de l'ouest, mais maintenant, on voit énormément de vents de secteur sud et de l'est et on a vu des crépis entiers tomber car on a jamais vu des vents aussi forts".

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Une vie simple

À la question de savoir ce qu'il répond à ceux qui lui demande s'il ne s'ennuie pas sur un si petit territoire isolé, l'amoureux de Sein nous répond du tac au tac en rigolant "Restez chez vous" avant d'expliquer que pour vivre ainsi, il faut avant tout aimer l'endroit, aimer les gens qui s'y trouve, apprécier aussi la solitude, se raccrocher aux choses simples et savoir se passer de tous "ces innombrables services parfois plus inutiles les uns que les autres" dont regorge à présent la société.

Les choses bonnes qu'on trouve sur l'île, elles ont plus dures à trouver 'en face'.

Pierre Portais,

responsable du centre nautique de Sein

Lui qui a trouvé sa compagne sur l'île et avec laquelle il a eu deux petits garçons de 4 et 6 ans, se réjouit qu'un festival comme Les Insulaires permette aux habitants des îles du Ponant de se rencontrer, une fois par an, pour exposer les problématiques communes à l'insularité mais aussi les singularités de chaque île.

Le festival Les Insulaires se déroule ce vendredi 27, samedi 28 et dimanche 29 septembre. Trois jours de fête avec des débats, un marché de producteurs, une course à la godille, un village des îles du Ponant, des concerts, des spectacles et un repas des insulaires. 

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