Thérapie génique. Une chercheuse finistérienne à l'origine d'un essai clinique européen pour les myopathies des ceintures

Il aura fallu 30 ans de recherches à Isabelle Richard et son équipe sur les myopathies des ceintures pour aboutir à un essai clinique européen de thérapie génique, lequel a commencé début septembre. La chercheuse finistérienne, qui partage sa vie entre son laboratoire au Généthon près de Paris et le Pays Bigouden, parle d'une "avancée énorme". Et mesure l'espoir que cet essai fait naître chez les malades.

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Quand elle entame ses études de génétique, à Paris, au milieu des années 80, Isabelle Richard est loin d'imaginer où ce chemin, encore en friche, va la conduire. À l’époque, on ne parle pas ou peu de décryptage du génome humain ni même de thérapie génique.

40 ans plus tard, les travaux de la chercheuse finistérienne sur les myopathies des ceintures, réalisés au sein du Généthon - le laboratoire de l'Association française contre les myopathies (AFM-Téléthon) - ouvrent la voie à un essai clinique européen de thérapie génique. Il concerne l'une des 32 formes répertoriées de cette myopathie et cible le gène FKRP.

Ce traitement innovant consiste à utiliser un virus désactivé pour transporter un gène thérapeutique dans les cellules musculaires et remplacer ainsi le gène défectueux responsable de la maladie. "Un premier patient, d'origine danoise, a reçu une injection début septembre à Copenhague, se réjouit Isabelle Richard. Cet essai, qui va se dérouler en France, au Danemark et au Royaume-Uni, est le premier à être mené pour cette maladie et chez des adultes". 


Espoir


Pour les malades, comme Gwenaëlle, cette première injection d'un gène-médicament est synonyme d'espoir. La jeune femme, âgée de 29 ans, dit "avoir hâte" de connaître les résultats de l'essai clinique qui inclura, à terme, une trentaine de personnes atteintes de myopathie des ceintures.

La maladie grignote les muscles du bassin et des épaules. Elle progresse lentement et se manifeste de multiples façons : fatigabilité, perte de la motricité, avec, parfois, des complications cardiaques ou respiratoires. 

Gwenaëlle a été diagnostiquée à l'âge de 10 ans. "Mes parents avaient remarqué que je me tenais souvent sur la pointe des pieds, raconte-t-elle, je faisais des chutes, j'avais des douleurs dans les jambes, des difficultés à monter les marches d'escalier, etc".

Aujourd'hui, elle ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant électrique, alors qu'il y a deux ans encore, elle pouvait se mettre debout. "Avant, j'étais capable de me retourner seule dans mon lit, confie la jeune femme, ce n'est plus le cas. Mon conjoint s'occupe de moi, c'est mon aidant familial. Je peux le réveiller entre 5 et 10 fois par nuit pour qu'il m'aide à changer de position. Je ne peux plus cuisiner car je manque de force, ne serait-ce que pour éplucher et couper des légumes. J'ai des courbatures quotidiennes, je suis fatiguée. J'ai énormément perdu en autonomie".

30 ans de recherche

Transformer l'essai clinique en une thérapie pour tous prendra du temps. D'autant que les tests vont intervenir sur plusieurs années. "Entre trois et cinq ans" précise Isabelle Richard qui rappelle que le gène-médicament qu'elle et son équipe ont mis au point a montré son efficacité chez la souris. "On a vu des effets de la médication dès 15 jours, souligne-t-elle. Pour l'homme, on pense pouvoir mesurer l'amélioration entre 6 mois et un an. On espère arrêter la dégénérescence du muscle et permettre à celui-ci de s'autoréparer".

Une avancée énorme. L'aboutissement de trente ans de recherche pour cette scientifique de 59 ans, qui, après quatre années à la faculté de médecine de Brest, avait embrayé sur la génétique humaine. "J'ai toujours été attirée par des figures comme Pasteur ou Flemming, confie-t-elle. J'ai tout d'abord fait médecine parce que, à l'école, on ne m'avait jamais dit que le métier de chercheur existait". 

Pas à pas

La Bigoudène, originaire de Combrit-Sainte-Marine, se retrouve donc à Paris. Au bon endroit, au bon moment puisque, à la faveur d'un stage au Centre d'étude du polymorphisme humain (CEPH), elle croise la route de Daniel Cohen qui travaille déjà la création du Généthon. C'est d'ailleurs lui qui, quelques années plus tard, réalisera la première carte physique du génome humain, visant à localiser et identifier les gènes sur nos 23 paires de chromosomes pour mieux cerner ceux qui sont impliqués dans les maladies génétiques.

Au sein du CEPH, Isabelle Richard extrait l'ADN de prélèvements sanguins provenant de familles touchées par les myopathies des ceintures. Elle parvient à identifier le gène impliqué dans l'une des formes de cette dystrophie musculaire qu'elle ne va plus lâcher.

Quand le Généthon sort de terre en 1990, la chercheuse y trouve naturellement sa place et constitue une équipe autour d'elle, "une équipe sans laquelle je ne suis rien" dit-elle. L'essai clinique européen en cours, piloté par la France, est le fruit d'un travail collectif, "une étape que nous attendions tous" ajoute-t-elle.

D'ici quelques semaines, un deuxième patient, Français cette fois, testera ce nouveau gène-médicament. "On avance avec précaution, relève Isabelle Richard. Pas à pas. On va observer les réactions et affiner les dosages avant d'intégrer d'autres malades à ces essais".

En parallèle, la chercheuse, qui partage sa vie entre la région parisienne et le Pays Bigouden, poursuit ce qu'elle a commencé il y a trente ans : étendre la thérapie génique aux autres formes de la myopathie des ceintures. 

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