Retour à l'école le 12 mai : " On nous a mis le protocole dans les mains, inapplicable, hors-sol". Maud, directrice

Un protocole de plus de 50 pages a été publié par le gouvernement pour la réouverture des écoles maternelles et élémentaires. Maud* est directrice dans le Finistère. Alors qu'elle continue l'accueil des enfants des personnels prioritaires, elle doit gérer une nouvelle organisation, non sans stress.


Plus de 50 pages détaillent le protocole sanitaire à mettre en place dans les écoles maternelles et élémentaires pour une rentrée à partir du 11 mai, date de l'allègement du confinement. 

Dix fiches insistent sur des points clés : le nettoyage et la désinfection, l'accueil des élèves, les salles de classes et leur agencement, la gestion des circulations, la demi-pension (cantine), la récréation, les activités sportives et culturelles et enfin les enseignements spécifiques. Ajoutez à cela une procédure à suivre en cas de contamination. 


"Quand j'ai vu le protocole, je me suis dit qu'on me demandait d'apprendre à des vaches à voler"


Maud* (prénom d'emprunt), directrice d'école primaire dans le Finistère, en zone rurale, accueille plus d'une centaine d'enfants normalement. Depuis le début de la semaine, elle réorganise le fonctionnement de ses classes sur la base du protocole sanitaire.

Pour elle, la rentrée devrait avoir lieu soit le mardi 12 soit le jeudi 14 mai, selon la décision du maire, et si tout est prêt. En attendant, elle gère les questions des parents, attend des réponses de la mairie ou de sa hiérarchie. "Le protocole nous est tombé dessus de la même façon, on essaie de travailler main dans la main", note-t-elle à propos de ses relations avec la municipalité.
 

Ce qui est infaisable ? La distanciation sociale, en maternelle. Si elle était appliquée, pour moi ça s'appellerait de la maltraitance vis-à-vis des enfants.


Pour ses petits élèves, Maud voit difficilement comment faire respecter le protocole. "On est censé s'approcher le moins possible d'eux. Eux ne doivent pas s'approcher les uns des autres. Mais il sont trop petits pour maîtriser leurs corps. C'est à la maternelle qu'on apprend la socialisation et là c'est totalement l'inverse. Nous adultes, on ne peut pas les empêcher de se rapprocher".

Elle souligne qu'elle adaptera les consignes : "Avec eux, on mettra en place le lavage des mains régulièrement, on nettoiera les espaces le plus possible". En maternelle, les petites et moyennes sections pourraient rentrer seulement au mois de juin. 

De manière générale, pour tous ses élèves, Maud souligne : "On ne va pas passer notre temps à les gronder. On n'a pas envie que l'école devienne un traumatisme". Elle sait que la surveillance des faits et gestes se fera pourtant, au détriment de l'enseignement.

D'autres interrogations subsistent, celle du personnel. "Nous avons des personnes vulnérables qui vont rester travailler de chez elles. A cette heure, je ne sais pas quels moyens nous aurons en terme de remplacement".


Roulements, parcours dans l'école


Tous ces changements ont lieu alors que Maud continue d'accueillir les enfants des personnels prioritaires. A ce stade, elle planche sur l'organisation des roulements. 15 élèves sont autorisés par classe. "Il faut réfléchir aux déplacements, à éviter le brassage. On a commencé à aménager les salles, à fermer certains accès pour construire un circuit. Les récréations vont être échelonnées". 

Elle pointe à nouveau les difficultés : "On nous demande même de mettre en place un sens de circulation, dans la classe. C'est hyper compliqué".

Côté matériel, la directrice attend des masques de l'Education nationale, sans savoir si son équipe devra obligatoirement les porter. Le reste : gel hydroalcoolique, savon, produits désinfectants seront pourvus par la mairie.
Pour la cantine, rien n'est décidé encore. Des outils pédagogiques, des vidéos sont envoyés aux familles, sur les gestes barrières. Tout sera réexpliqué le jour J.
 

Clairement, les élèves n'iront pas à l'école tous les jours, une difficulté pour les familles, dont Maud a bien conscience : "On les comprend car ils ont la pression de leurs employeurs". Les parents attendent en effet la reprise avec impatience. Seule une vingtaine d'entre eux a décidé ne pas faire revenir ses enfants : soit par crainte du virus, soit parce qu'ils peuvent les garder à la maison et soulager ainsi le travail de l'équipe enseignante. 

"Je me sens bien seule à gérer les demandes, et bien démunie", lâche Maud qui ne cache pas un certain stress. "Personnellement, je ne suis pas inquiète pour ma santé, je suis inquiète qu'on me demande au niveau professionnel d'assurer la santé des autres, de porter une telle responsabilité. Comment surveiller les symptômes des élèves ? Je n'ai pas cette compétence ! Et nous n'avons pas de thermomètres".
 

On veut éviter les risques psychosociaux pour certains élèves


Maud note que la reprise reste malgré tout un enjeu : "On a identifié des familles dans lesquelles les enfant sont dans un contexte fragile. Il faut les sortir de cet enfermement, pour peut-être pouvoir les aider parce qu'on ne sait pas ce qu'il s'est passé pendant le confinement". 

Elle souligne que cette rentrée va voir un temps pour se poser. "On ne va pas remettre le nez dans les cahiers tout de suite. Après une telle période, les enfants auront besoin de s'exprimer ".


 
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