GR34. L'érosion du littoral breton, à qui la faute ?

Partout en Bretagne, l'érosion malmène le trait de côte déjà fragile. Les experts s'accordent à dire que le phénomène est accéléré par les effets du changement climatique en cours. En revanche, la responsabilité des promeneurs sur le GR34 fait débat. 

« A part cette caravane en contrebas, il n’y a pas eu d’autres dommages, ni de blessé », rapporte Jean-Marc Boucher, adjoint en charge de la sécurité à la mairie de Cancale. Deux mois plus tôt, l’éboulement d’une falaise en centre-ville a modifié le parcours du GR34 cancalais. Les marcheurs doivent désormais emprunter une déviation, cinquante mètres plus loin, où des escaliers relient le port au sentier côtier.

Le sentier des douaniers longe le littoral des quatre départements bretons, du Mont-Saint-Michel jusqu’en Loire-Atlantique, où le circuit se termine à Saint-Nazaire. Le GR34 a été élu sentier préféré des Français en 2018. Plus de 9 millions de marcheurs s’y étaient promenés cette même année. De plus en plus fréquentés, les sentiers côtiers du GR34 n'en restent pas indemnes. 

Le cas des effrondements à Cancale ne sont pas des cas isolés, comme le montre cette carte. L’effritement des dunes ou des roches malmène le littoral breton. Face à l’érosion, le GR34 est dévié, reculé, retracé.

« Plus il y a de passage, plus ça s’érode »  

Jean-Marc Boucher, adjoint en charge de la sécurité à la mairie de Cancale

« C’est sûr qu’il y a trente ans, on ne trouvait pas autant de randonneurs, et encore moins de vélos sur le GR34 », remarque l’élu cancalais. Les usagers se promènent généralement le long du littoral mais 26% d’entre eux y font de la course à pied, du trail ou encore de la marche sportive.

Des pratiques pointées du doigt, notamment cet été sur le GR34 au niveau de la presqu’île de Crozon (Finistère). La fréquentation sur le parcours y a été multipliée par trois depuis 2008. Conséquence : en juillet dernier, la petite crique de l'île Vierge à Crozon a été interdite d’accès.

Les piétinements des promeneurs ont abîmé le sentier côtier et l’accès à cette plage, qui en 2014, avait été classée parmi les plus belles d'Europe, par le quotidien britannique The Guardian. Le GR34 serait-il victime de son succès ?

La faute aux randonneurs ?

Accuser les touristes et promeneurs du dimanche ? Il n’en n’est pas question pour la Fédération française de randonnée (FFR), en Bretagne. « Il est vrai que de plus en plus de gens découvrent la randonnée et ont envie de prendre le grand air avec la crise sanitaire, observe Raymonde Séchet, présidente de la FFR d’Ille-et-Vilaine. Mais ce ne sont pas les randonneurs qui posent problème ! Ce sont surtout les effets du changement climatique en cours. »

Deux phénomènes majeurs expliquent l’érosion selon Vincent Ducros, chargé de mission sur les risques fluviaux et littoraux au Département du Finistère : « L’augmentation progressive du niveau marin et le ruissellement de l’eau dans les falaises. Ces eaux fragilisent la falaise qui, en se gorgeant d’eau, résiste moins à la force des vagues. »

Cet expert ne fait pas le lien entre les randonneurs et l’érosion, même s'il reconnaît que « l’accès à certaines plages peut créer des brèches dans les cordons dunaires ou les falaises ».

L’érosion a été particulièrement sensible cette année »  

Raymonde Séchet, présidente de la FFR d’Ille-et-Vilaine.

Cet hiver a été particulièrement rude pour le littoral : épisodes pluvieux intenses, froid, grandes marées... A Cancale, l’éboulement de la falaise a été accéléré par « la pluie, le gel puis le dégel », énumère l'élu Jean-Marc Boucher, qui avait fait appel à des experts après l'incident. 

« La houle a attaqué les falaises par le bas, et les pluies fortes par le haut. Cela a provoqué des ravinements qui mettent à nu la roche. Les promeneurs vont alors avoir tendance à marcher près des parties rocheuses et à élargir le chemin, à le fragiliser », décrit Raymonde Séchet.

« Le comportement de certains peut être dangereux »  

Joseph Andrieux, baliseur à la Fédération française de randonnée dans le pays de Saint-Malo

Joseph Andrieux, baliseur à la FFR dans le pays de Saint-Malo, estime que « le GR34 n’est pas dangereux ». Un constat partagé par les quelques randonneurs croisés à Cancale qui s’y sentent « en sécurité ».« Ces petits obstacles, comme les branches sortant du sol par exemple, font le charme du GR34 », confie une mère et son fils, venus de Rennes pour s’aérer l’esprit avant le troisième confinement.

Pour autant, « le comportement de certains peut être dangereux, alerte le baliseur. Ce n’est pas une promenade de tout repos : ça monte, ça descend… Il faut faire attention et venir avec de bonnes chaussures ! ». Mais au-delà d'une attitude responsable et respectueuse de l'environnement, l'érosion est une réalité préoccupante sur l'ensemble du littoral breton.

« L’érosion est permanente et s’attaque à tout le linéaire côtier déjà fragile, tient à rappeler Jean-Yves Jaouen de la FFR du Finistère. La sur-fréquentation de randonneurs ajoute une érosion supplémentaire. Il faudra en tenir compte pour les années à venir. »

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