C'est une nouvelle journée de grève ce mardi 06 février pour les enseignants. En ligne de mire, toujours leur ministre de tutelle, Amélie Oudéa-Castera, mais également l'instauration de groupes de niveau. Voulus par Gabriel Attal pour les élèves de 6e et 5e à la rentrée prochaine, alors qu'il était ministre de l'Education nationale.
La colère gronde chez les enseignants. Après la grève de jeudi dernier, ce mardi 6 février est la deuxième journée de mobilisation en moins d'une semaine, à l'appel de cinq syndicats. Et les revendications sont toujours les mêmes : défense de l'école publique, augmentation des salaires, rejet de la réforme des lycées professionnels ou encore refus du choc des savoirs.
Un point de crispation apparaît nettement dans les cortèges : les groupes de niveau qui seront mis en place dès la rentrée prochaine, en sixième et en cinquième. Ils s'inquiètent autant en ce qui concerne les moyens nécessaires que sur leur réelle efficacité.
Très décriée, cette mesure du plan brandi par Gabriel Attal, lorsqu'il était encore ministre de l'Education, a été présentée comme un moyen d'élever le niveau des élèves.
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Qu'est-ce qui est prévu ?
Concrètement, le dispositif prévoit de répartir tous les élèves de 6e ou de 5e dans trois groupes distincts, en fonction de leur niveau, uniquement en français et en mathématiques.
- Le groupe fort et le groupe de niveau moyen feront chacun l'équivalent d'une classe entière.
- Un dernier groupe, pour les élèves les plus en difficulté, sera d'une taille plus réduite.
Les élèves "pourront changer de groupe s'ils progressent", avait promis Gabriel Attal en décembre dernier.
À l'appréciation des chefs d'établissement, il pourra y avoir trois comme cinq groupes au total, selon les besoins. Le ministère insiste sur cette notion de cas par cas.
Cette démarche de sélection va casser l'enseignement.
Sébastien Choleauprofesseur de maths au collège de Bégard (22)
Mais cette mesure n'est pas vue du tout comme une chance par les enseignants croisés dans les manifestations. Illustration devant l'inspection d'académie des Côtes d'Armor à Saint-Brieuc, où des enseignants et parents d'élèves manifestaient contre la fermeture de 45 classes dans le département.
Sébastien Choleau est professeur de mathématiques au collège de Bégard, et pour lui, clairement, "cette démarche de sélection va casser l'enseignement. On aide les élèves avec des difficultés au milieu de tous les autres élèves. Ce n'est pas en les cloisonnant qu'on va réussir à les faire progresser. Ce sont des idées réactionnaires, du passé, comme l'uniforme en fait", conclut-il.
Ce qui rebute les syndicats
Même son de cloche chez les syndicats. Selon Tanguy Noël, secrétaire régional de l'UNSA Education, "les profs sont dans un état d'inquiétude et de sidération devant cette logique de déterminisme scolaire".
Plusieurs éléments "tracassent" l'UNSA Education: "d'abord la méthode car cela s'est décidé sans aucune concertation. Ensuite, c'est un dispositif extrêmement inégalitaire, alors que les études prouvent que les différences de niveaux favorisent justement la réussite de tous".
Le syndicat cite la Grande-Bretagne, où ce système est expérimenté. "Ils sont revenus en arrière car ça ne fonctionne pas. Ce constat est appuyé par les chercheurs en éducation", affirme Tanguy Noël, avant de préciser que "tout ça va se faire bien sûr à moyens constants, sans aucune formation alors que s'occuper de certains groupes de niveau va nécessiter de grosses adaptations".
On va juste creuser les écarts et empêcher ces élèves de s'élever
Tanguy NoëlSecrétaire régional de l'UNSA Education
En parallèle, cela signe la fin d'énormément de dispositifs d'accompagnement personnalisé au profit des groupes de niveau. "On voit que derrière, il y a une logique de rentabilité".
Enfin, au-delà, Tanguy Noël, refuse l'esprit de cette mesure : "En étiquetant les élèves, on va juste creuser les écarts et empêcher ces élèves de s'élever. Ils ne vont pas développer toutes les compétences psycho-sociales qu'ils auraient pu développer dans une classe hétérogène conclut-il.
Fin de la liberté pédagogique
Du côté de Sud Education, Emeline Brouard, professeure des écoles, rebondit sur l'impact psychologique d'une telle mesure : "Certains élèves risquent même de décrocher scolairement et ça peut aller jusqu'à la déscolarisation", alerte-t-elle.
Elle aborde aussi un autre aspect : "Cette réforme va aussi se faire au détriment d'autres enseignements car cette mesure signe la fin de certaines options qui se faisaient en petits groupes ou bien encore du tutorat entre élèves. On ne pourra plus avoir de coopération entre élèves qui s'épaulent".
Les syndicats estiment que cette réforme nécessiterait 1.150 professeurs de français, et autant de professeurs de mathématiques pour mettre en œuvre cette réforme.
Avec Inès Tayeb.