L'arrêté du Ministère de l'agriculture est tombé ce vendredi matin : "la France passe au niveau de risque élevé" concernant l'influenza aviaire. Les basses-cours des particuliers doivent être protégées d'un filet et les volailles des élevages mises à l'abri. Un confinement qui agace les éleveurs.
Six foyers de grippe aviaire détectés dans des élevages italiens, trois en Allemagne, un autre aux Pays-Bas, trois basses-cours contaminées dans les départements des Ardennes et de l'Aisne. En pleine période migratoire des oiseaux sauvages, l'arrêté ministériel réclame la "mise à l'abri des volailles des élevages commerciaux" pour éviter tout risque de transmission.
En clair, les producteurs de volailles de plein air doivent rentrer leurs animaux dans des bâtiments.
"Une mise en oeuvre immédiate et obligatoire", précise Gilles Fièvre, directeur adjoint de la DDPP (Ille-et-Vilaine), la Direction Départementale de la Protection des Personnes. Ce n'est pas une réelle surprise pour la profession puisque le niveau "modéré" était déjà en cours et "des rappels ont été relayés jusqu'aux éleveurs fin août et mi-octobre".
Plus facile à dire qu'à faire
Lionel (prénom d'emprunt, NDLR), élève des poulets de chair bio en Ille-et-Vilaine et n'a pas l'intention de se soumettre à l'injonction. "C'est contraire à notre modèle", plaide-t-il. "S'ils ne sortent plus, mes poulets font moins de muscle donc sont moins lourds, et à l'intérieur ils mangent plus, donc économiquement on ne s'y retrouve plus". Sans compter le stress provoqué sur des animaux qui ne sont pas habitués à l'enfermement et à la promiscuité.
Thierry Métayer constate aussi les dégâts. En GAEC avec sa compagne à Bréal-sous-Montfort, il élève 1000 pondeuses bio en plein air, nourries avec les céréales produites sur l'exploitation.
L'an passé il a du enfermer ses poules, les "claustrer". Résultat, "elles se déplument, s'agressent, et pondent moins", déplore-t-il. Au final une perte évaluée à 15%.
On ne paralyse pas toute une filière pour ça.
Le risque de contamination existe et n'est pas nié par les éleveurs, pour autant il reste minime selon eux et "On ne paralyse pas toute une filière pour ça", analyse Jean-Charles Métayer, administrateur de la Fédération Régionale de l'Agriculture Biologique. "Le vrai risque c'est le transports d'animaux vivants en grand nombre dans la filière industrielle", ajoute-t-il. Un transport qui deviendrait toutefois interdit d'un département à l'autre si le niveau d'alerte passait à son stade maximum "très élevé".
On nous demande d'être solidaires, mais c'est pour sauver un seul modèle.
L'analyse de Thierry Métayer est simple : pour que la France puisse exporter, il faut une exemption totale de grippe aviaire, or les exportations concernent majoritairement le modèle industriel.
"Pour protéger l'export de ces volailles-là on va claustrer toutes les volailles alors que moi je vends à 20 kms autour de chez moi, dans des AMAP ou sur des marchés. Peut-être que j'ai déjà attrapé la grippe aviaire mais je ne m'en suis pas aperçu car mes animaux sont en bonne santé et plus résistants. Mais si on leur enlève ce qui les rend forts... Est-ce que je prends un risque en laissant mes poules dehors ? Je n'ai jamais vu une oie sauvage se poser dans mon élevage. Par contre, est-ce que la concentration des canards dans les régions productrices de foie gras, leur transport, ont des incidences sur la diffusion de la grippe aviaire..."
Thierry Métayer déplore le manque de données scientifiques, prêt, dit-il, à ce que son élevage fasse l'objet d'une étude.
Même si leur label n'est pas remis en cause, les éleveurs bio se sentent aussi en contradiction avec leurs valeurs et leur cahier des charges qui impose le plein air.
Jean-Charles Métayer, de la FRAB, redoute aussi que la répétition de ces mesures aient un effet de découragement chez les jeunes candidats à l'installation.
Le Ministère de l'agriculture rappelle que "l’influenza aviaire n’est pas transmissible à l’Homme par la consommation de viandes de volailles, oeufs, foie gras et plus généralement de tout produit alimentaire".