Le conseil régional a reçu le rapport de la cour des comptes dans lequel l'institution décortique des mécanismes financiers très avantageux pour Vinci et la CCI 35, les actionnaires de l'aéroport de Rennes. Le même jour la Région annonce 60 à 70 millions d'investissement pour agrandir la plateforme.
"Un tel montage financier apparaît particulièrement favorable aux actionnaires avec un taux de rendement du capital très élevé et un taux d'intérêt des avances consentis nettement au-dessus des conditions actuelles du marché, ce qui devrait conduire à une renégociaton des conditions tarifaires initiales" . C'est ainsi que la Cour régionale des comptes de Bretagne (CRC Bretagne) conclut son paragraphe 3.3.4 consacré à l'analyse des comptes de la société d'exploitation de l'aéroport de Rennes (SEARD).
En résumé, ce rapport nous explique comment les actionnaires, Vinci Airport et la Chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine, ont empoché de jolis bénéfices au détriment de la Région Bretagne qui a pourtant besoin d'investir dans cet aéroport. Un déséquilibre rendu possible par un contrat de délégation de service public très avantageux pour le géant français du BTP.
Des rendements annuels exceptionnels
Sur la période 2015-2016 les comptes révèlent que les actionnaires ont perçu des dividendes avec des rendements annuels exceptionnels, jusqu’à 90% :"La SEARD est une société par actions simplifiée créée en 2010 ; le capital apporté par les actionnaires est de 15 000 €. Compte tenu de l’importance des résultats annuels dégagés, la rémunération de ce capital est sans commune mesure avec son montant initial, générant pour les actionnaires un rapport entre les dividendes et le capital très élevé : le paiement des premiers en 2015 et en 2016 correspond en effet à un taux de rendement annuel de plus de 90 % sur la période" écrit la CRC Bretagne.
Par ailleurs, des avances de trésorerie ont été faites par les actionnaires à la Société d’exploitation à des taux très avantageux pour eux, alors même que la SEARD disposait d’une trésorerie confortable.
"L'analyse du bilan 2015 fait notamment ressortir des emprunts à hauteur de 2,6 millions d'euros et une trésorerie conséquente (11,2 millions d'euros) ".
Isabelle Jarjaille, journaliste spécialisée dans la gestion des délégations de services publics et qui a publié un article très complet sur le site Médiacités Nantes a relevé que les actionnaires de l'aéroport de Rennes ont perçu 2,1 millions d'euros de dividendes cumulés au 31 décembre 2017.
Comment en est-on arrivés là ?
Le contrat de délégation entre la région Bretagne, Vinci Airport et la CCI 35 a été signé en 2010. A cette époque là le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes était toujours sur les rails. Les signataires ont alors misé sur une stagnation ou une légère augmentation du trafic de la plateforme rennaise avec un objectif de 700 000 passagers à l'horizon 2025. Or aujourd'hui l'aéroport de Rennes voit déjà transiter 850 000 passagers.
Le contrat signé en 2010 était un contrat à minima qui prévoyait 23 millions d'euros d'investissement. Ce jeudi la région a annoncé un investissement total de 60 à 70 millions d'euros.
60 à 70 millions d'investissement annoncés par la Région. Qui va payer ?
Avec l'abandon de Notre-Dame-des-Landes l'aéroport de Rennes est amené à se développer et à s'agrandir. Pour cela la Région a annoncé le jeudi 18 octobre des investissements de plus de 60 millions d'euros "entre 60 et 70 millions d'ici 2030 ".
Alors qui va payer ? "Le propriétaire et le concessionnaire" répond Gérard Lahennec, Vice-Président de la Région. Dans le même temps il explique qu"il faut un nouveau cahier des charges pour signer un nouveau contrat [...]dans ce dernier, la part de chacun serait alors redéterminée".
Mais Vinci Airports est-il disposé à négocier un nouveau contrat ? Celui en cours prévoit que la concession est attribuée à Vinci Airports et à la CCI jusqu'en 2024. Si elle casse le contrat, la Région devra alors payer des indemnités de plusieurs millions d'euros.
Pour Isabelle Jarjaille le plus choquant dans cette affaire est que "les bénéfices d'une infrastructure publique ont donc servi à enrichir un groupe privé comme Vinci. Et la région Bretagne n'a plus aucune de marge de manoeuvre. Elle va devoir mettre de l'argent en plus et ne pourra rien demander à son délégataire".
La Cour des comptes : un organe consultatif
L'institution n'a pas autorité pour exiger quoi que ce soit, ni de la SEARD, ni des actionnaires, ni de la région Bretagne. Son rôle n'est que consultatif. Mais difficile d'imaginer qu'après de telles révélations les acteurs de cette affaire ne réagissent pas. Tout cela pose clairement la question du contrôle des délégations des services publics par les institutions.Le document de la Cour des comptes est consultable en ligne ici.