En période de semis, c’est tous les ans le même souci pour les agriculteurs. À peine en terre, les graines sont dévorées par les sangliers qui prolifèrent. Leur nombre aurait été multiplié par 25 en 50 ans et l'ardoise est lourde. En 2019, la Fédération des Chasseurs a versé quelque 35 millions d'euros pour indemniser leurs dégâts.
Yves Rolland grimace en entrant dans sa parcelle. Il y a une dizaine de jours, il y a semé du maïs. Seules quelques petites pousses sortent de terre de temps en temps. "Dès la nuit suivante, les sangliers sont venus, s’agace l’éleveur. "Ils cherchent de la nourriture, donc forcément, dès qu’on sème du blé ou du maïs, ils viennent pour essayer de manger. Ils cherchent dans le sol et déterrent les graines, même quand elles ont commencé à germer et forcément, ça ne pousse pas !"
Pour l’agriculteur, les pertes sont importantes. "Il y a au moins 70% de dommages sur la parcelle". Il attend la visite de l’expert de la Fédération des Chasseurs. Sans la visite de ce dernier, il ne pourra pas être indemnisé.
Les dégâts agricoles coûtent chaque année quelque 35 millions d’euros à la Fédération nationale des chasseurs. Le gibier devient nuisible.
Il y aurait aujourd’hui en France entre un et deux millions de sangliers. Leur population a littéralement explosé. Les spécialistes estiment qu’elle a été multipliée par 25 !
L’impact du changement climatique sur les sangliers
Avec le réchauffement climatique, les sangliers atteignent de plus en plus tôt l’âge de se reproduire et font de plus grandes portées. Une laie peut avoir deux portées par an et donner ainsi naissance à une quinzaine de petits marcassins chaque année.
Et comme les automnes sont chauds et les hivers moins rigoureux, les sangliers trouvent davantage de nourriture et périssent moins.
Yves Rolland ne souhaite pas l’éradication des sangliers, mais constate que l’équilibre a été rompu depuis trop longtemps. "Avant, témoigne-t-il, il y avait des clôtures en lisière de forêt. Quand elles étaient entretenues correctement, les sangliers restaient dans les bois. Maintenant ce n’est plus le cas et comme elles se sont abimées, les sangliers sortent et viennent se nourrir dans nos champs ! "
La chasse pour réguler ?
En 2021, 800 000 sangliers ont été abattus par les chasseurs, contre 35 000 dans les années 1970, c’est 20 fois plus.
"Aujourd’hui, le sanglier est chassé presque tous les jours de la semaine, fait remarquer André Douard, le président de la Fédération départementale des chasseurs d’Ille-et-Vilaine. La chasse a commencé dès le 15 avril."
"Mais la chasse, c’est un loisir, pas une obligation, souligne-t-il, on ne peut pas nous demander de chasser de 8h à 12h et de 14 à 17h, tous les jours de la semaine. Mais on y va le plus possible quand il y a des dégâts sur les cultures."
La Fédération peine à dénombrer la faune sauvage. "On ne sait pas dire combien ils sont alors, on ne peut pas décréter, il y en a tant, donc il faut en tuer tant pour contenir la population", explique le chasseur. Mais il reconnait que si le nombre d’animaux est supportable dans 80% du département, dans certains secteurs, la situation est difficile.
Le président de la Fédération ne croit pas aux clôtures autour des massifs forestiers. "Il en faudrait des kilomètres, c’est impossible et c’est illégal, les animaux doivent pouvoir circuler", précise-t-il.
Reste l’agrainage, le fait de nourrir les sangliers dans certains endroits. "Les sangliers quittent les bois s’ils ne trouvent pas assez de fruits forestiers. Si on leur met à manger au cœur de la forêt, ils auront moins de raisons d’aller grignoter les semences des agriculteurs", espère André Douard.
Un accord national a été signé entre la Fédération nationale des chasseurs et les syndicats agricoles. Il entend faire baisser la facture des dégâts causés par les sangliers de 20 à 30%.
(avec Gilles Raoult)