Ils font partie des "premiers de cordée" pour qui cette période de confinement n’est pas facile. Les chauffeurs routiers sont nombreux à rouler, mais ils ont du mal à trouver des structures pour les accueillir. À Étrelles, près de Vitré, un restaurant routier reste ouvert pour les dépanner.
Yves arrive du Finistère et se rend en Haute-Saône avec son chargement d’aérosols. Un trajet qu’il fait toutes les semaines à bord de son poids-lourd. "C’était pas facile, mais là ça va mieux" confie ce chauffeur franc-comtois qui a pris l’habitude à chacun de ses passages de s’arrêter à la « P’tite Fringale ».
Depuis cinq semaines, le restaurant routier situé dans une zone industrielle d’Étrelles, près de Vitré, accueille les chauffeurs qui veulent bénéficier d’un grand parking sécurisé pour passer la nuit, mais aussi de sanitaires et de repas à emporter. Bertrand, le patron, a obtenu l’autorisation préfectorale pour rouvrir son établissement après le coup de gueule des routiers qui ne trouvaient plus une seule structure d’accueil ouverte en France.
Une organisation bien rôdée
Une vraie bouffée d’air pour ces routiers français ou étrangers dont les conditions de travail se sont dégradées ces dernières semaines. Gaël, 23 ans, a l’habitude de rouler dans toute l’Europe. "Moi, je pars la quinzaine et dans les pays étrangers, il y’a rien. J’étais en Italie il y’a deux semaines et tout était fermé. Obligé de manger froid, tout le temps. On se fout de nous. Nous aussi, on est en première ligne, et on se sent les rebuts."
Des propos que confirme Patrice, 39 ans de métier : "Il y a des parkings où on pouvait se garer le soir sans craindre de retrouver les réservoirs vides le matin, mais ils sont fermés. Dans les usines, on arrive, les sanitaires sont fermés, les machines à café sont en panne. Ils veulent bien de la marchandise, mais pas des routiers."
Alors tous les deux, quand ils passent par ici en allant livrer leur chargement de nourriture pour animaux, ont pris l’habitude de s’arrêter à « la P’tite Fringale ». Et comme eux, ils sont une quarantaine à garer leur camion les uns près des autres, avec l’aide de Bastien, le serveur du restaurant, transformé en placier pour l’occasion. Le jeune homme n’arrête pas de courir car les camions doivent être placés en fonction des heures de départ du lendemain matin.
Ici, le temps d’une soirée, les chauffeurs peuvent se retrouver et échanger un peu tout en respectant les gestes barrières et en gardant leurs distances. À l’entrée du restaurant, on trouve du gel hydroalcoolique pour se laver les mains et à l’intérieur, des flèches indiquent le sens de circulation, avec pas plus de trois personnes en même temps.
Rester propre et manger chaud
Dans les toilettes, trois douches leur permettent de rester propre, un privilège ! Ne reste plus ensuite qu’à passer commande pour le repas à emporter et le petit-déjeuner du matin. Des repas préparés sur place que les chauffeurs peuvent savourer dans leur cabine. "C’est très bien, raconte Patrice en terminant son dîner. Ce soir, il y’avait une salade avec du thon en entrée, du bœuf avec des légumes anciens bien cuisinés et une salade de fruits." Dix euros sans la boisson. Un excellent rapport qualité-prix.
Si les chauffeurs s’accordent une cigarette et pourquoi pas un petit verre de bière sur le parking avant de regagner leur camion, l’ambiance a changé. "J’aimais bien m’arrêter dans les routiers pour manger à table avec les collègues, explique Franck, un chauffeur du Nord. Aujourd’hui, ça manque vraiment. Mais c’est comme ça." Demain, il repartira après avoir pris le petit-déjeuner dans sa cabine, une boisson chaude, du pain, des croissants et un jus de fruits pour tenir une partie de la journée. En espérant retrouver bientôt une vie normale.
Ouvert de 5h30 à 22h, le restaurant d’Étrelles propose aussi depuis une semaine des déjeuners à emporter. Les routiers et les entreprises du secteur qui travaillent encore sont de plus en plus nombreux à passer commande. Une bonne chose pour Bertrand qui peut ainsi rendre service tout en continuant son activité.