Le Festival du film britannique et irlandais de Dinard, qui se clôture ce dimanche 6 octobre 2024, a dévoilé son palmarès. "September Says", qui raconte l'histoire de deux adolescentes après un événement grave au lycée, décroche le prestigieux Hitchcock d'Or cette année. Voici trois choses à savoir sur ce premier long-métrage engagé réalisé par Ariane Labed.
Le Festival du film britannique et irlandais de Dinard est sur le point de fermer le rideau sur son édition 2024, ce dimanche 6 octobre. Cinquante-trois films étaient projetés dont six étaient en compétition, avec une part belle faite à la culture irlandaise, nouveauté cette année.
Le jury présidé par Arielle Dombasle a révélé le palmarès samedi 5 octobre, en récompensant notamment "September Says".
Palmarès de la cérémonie de clôture du 35e @DinardFilm
— Vocable Anglais (@Vocable_English) October 6, 2024
Prix du Jury : September Says
Prix du public: Unicorns
Prix spécial jury Barrière : Unicorns
Prix Ouest France : Paul and Paulette are taking a bath
Prix court-métrage: Legacy
Meilleure interprétation : Lalor Roddy pic.twitter.com/lJmpdqCD4V
Le long-métrage d'Ariane Labed a reçu le Hitchcock d'Or. Un prix prestigieux pour la réalisatrice franco-grecque, qui se distingue déjà pour son premier long-métrage.
Une histoire adaptée d'un roman
"September Says" raconte l'histoire de deux adolescentes, deux sœurs inséparables.
"Elles ont une relation très spéciale qui pourrait être décrite comme toxique. Elles vivent avec leur mère célibataire. Quelque chose se passe au lycée et elles doivent partir. Elles s'en vont à la campagne. On apprend plus tard ce qu'était cet événement" détaille Ariane Labed dans un entretien accordé à Arte.
L'histoire du film est tirée d'un livre intitulé "Sisters", écrit par l'autrice britannique Daisy Johnson. En plus de l'intrigue, Ariane Labed a été séduite par le style de l'écrivaine.
"J'ai beaucoup aimé le monde qu'elle a créé dans son livre, assure la réalisatrice. Daisy Johnson est une autrice incroyable et elle a eu une grande capacité pour installer une atmosphère, de jouer avec des choses très simples et d'amener une ambiance presque surnaturelle. C'est ce qui m'a vraiment attiré".
Les thèmes abordés dans le livre « Sisters » l’ont également poussée à vouloir adapter l'œuvre en long-métrage.
« Le désir, la mort, le deuil, les liens familiaux, l'amour inconditionnel, la perception du monde autour de nous. Ce sont des sujets que j'aborde en tant qu'actrices et que je voulais exprimer à ma manière en tant que réalisatrice ».
D'actrice à réalisatrice
Ariane Labed est loin d'être une novice dans le monde du cinéma. L'actrice s'est retrouvée à l'affiche de plusieurs films depuis le début des années 2010 : Attenberg (2010), Alps (2011) ou encore Assassin's Creed (2016).
Au-delà de ses performances à l'écran, elle s'est aussi fait remarquer pour son engagement pour la défense des femmes lors du mouvement #MeToo et plus encore en 2021, lorsqu'elle a lancé avec plusieurs comédiennes l'Association des acteur.ices (ADA), pour alerter sur les violences sexistes et sur le manque flagrant de personnes non blanches devant et derrière les caméras.
Cette position féministe, Ariane Labed a décidé de la faire valoir aussi avec la casquette de réalisatrice. "J’ai voulu devenir réalisatrice sur le plateau du premier film dans lequel j’ai tourné : Attenberg de Athiná-Rachél Tsangári. J’aime profondément le métier d’actrice mais j’ai toujours nourri l’espoir d’être réalisatrice" indiquait Ariane Labed dans une interview au Festival de Cannes, où "September Says" était diffusé dans la catégorie "Un Certain Regard".
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Une approche cinématographique féministe assumée
Ariane Labed ne s’en cache pas, bien au contraire : « je pense que mon film est féministe parce que je le suis aussi. Ma façon de l'écrire l'est aussi de fait ».
Les personnages principaux - deux adolescentes et la mère célibataire – en sont le premier signe fort. Mais c’est surtout le regard singulier sur les instants à mettre en images qui interpellent, à commencer par les « petits moments du quotidien des femmes qui sont d’ordinaire invisibilisés au cinéma », comme elle le confie à The Upcoming magazine.
« Nous avons nos règles. Parfois, on se rase les jambes ou pas. Toutes ces petites choses qui peuvent paraître bénignes pour des réalisateurs hommes ont été éclipsées du cinéma, parce qu'on mettait plutôt en avant des créatures glamours ou des mères démoniaques. Mais rien qui n'était vraiment réel ».
En découle dans "September Says", le portrait non pas seulement d’une mère mais aussi d’une femme, « qui fait tout ce qu’elle peut et qui échoue parfois. On fait tous des erreurs. Il n’y a pas de mère parfaite ». Les scènes se veulent plus proches du réel et la caméra de la réalisatrice s’attache à des détails pas si anodins, comme une serviette hygiénique qui dépasse d’une culotte.
L’approche cinématographique du rôle des deux adolescentes a aussi été particulièrement travaillée par la réalisatrice franco-grecque. Sous l’œil d’Ariane Labed, les scènes de désir sont présentes mais les corps ne sont pas montrés.
Je me suis refusé de sexualiser ces adolescentes. Il était hors de question que je produise du contenu pédocriminel.
Ariane Labed, réalisatrice de "September Says"lors d'une interview donnée à Arte en marge du Festival de Cannes
« L’adolescence est, je pense la période la plus compliquée de la vie. Tu dois faire face à ton propre corps, tu es vulnérable. C'est un sujet qui m'intéresse et dont je me soucie, donc je voulais en parler à ma manière à travers ce film ».