Si le confinement est compliqué pour tout le monde, il l'est peut-être un peu plus pour les gens du voyage. La Délégation interministérielle à l'hébergement appelle les collectivités à ne pas fermer les aires d’accueil. Pour éviter que des familles ne prennent la route.
Vivre le confinement en famille dans une maison, ce n'est pas simple. Dans un appartement, c’est difficile. Dans une caravane de 6 à 12 metres carrés, ça l’est encore plus.
Si la période est angoissante pour tout le monde, elle est donc aussi des plus compliquées pour les gens du voyage. Une communauté qui représente 2 à 3000 personnes sur un département comme l’Ille-et-Vilaine.
Dans leur immense majorité, les familles de voyageurs ont anticipé le confinement, en se rendant sur des terrains privés qui leur appartiennent, ou en se postant sur des aires d’accueil, avant même la demande des autorités.
"Sur tout le territoire français, on a donné des consignes dès le début", explique au téléphone Milo Delage, le président de l’association nationale France Liberté Voyage.
"Moi je suis confiné depuis 17 jours, et notre page internet avec nos recommandations a été vue plus de 70 000 fois. On ne veut surtout pas que le virus se propage, on demande à chacun de respecter strictement les consignes du Ministère de la Santé."
Laisser les aires d'accueil ouvertes
"Les aires d’accueil doivent absolument rester accessibles en cette période de pandémie", explique Jean-Francois Restoin, le directeur d'Accueil gens du voyage 35, le groupement d’intérêt public qui dépend de la Préfecture et du Conseil départemental d'Ille et Vilaine. Il en va de la santé de tous."
"On a reçu plein de coups de fil de mairies sur la question, dit-il. Il faut que les collectivités laissent ouvert. Qu'il y ait des astreintes techniques. Surtout ne pas couper l’eau, l’électricité, que les familles puissent avoir des infrastructures sanitaires. En cette période d’épidémie, c’est capital."
C’est pour çà qu’un guide des bonnes pratiques est en train de voir le jour. Un vade-mecum, à l’initiave de la DIHAL, la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, un guide à l’usage des collectivités, des gestionnaires des aires d’accueil, des associations de voyageurs.
"Il faut être aussi tolérant dans un premier temps sur les paiements, ajoute Jean-François Restoin. Les gens du voyage sont comme tout le monde en ce moment, ils ne peuvent plus travailler, et risquent pour certains d’avoir du mal à payer; Mais l’urgence c’est d’abord d’accueillir. Sinon tout le monde va partir dans la nature, avec un risque accru de propagation du virus."
"Il n’y a déjà pas suffisamment d’aires d’accueil sur l’ensemble du territoire, relaie Milo Delage. Mais si on en ferme, on va encourager le stationnement illicite, et la diffusion de la maladie."
Un lieu refuge comme plan B en cas de suspicion de contamination
La DIHAL explique aussi qu'en cas de suspicion de contamination, la règle reste le stationnement sur place. Mais les collectivités sont invitées à anticiper un "lieu refuge" en cas de situation particulière, pour que la famille touchée puisse y poser sa caravane, comme un parking d’école, de collège par exemple puisque les établissements sont fermés.
L’objectif, c’est évidemment que les autres familles restent sans crainte sur l’aire d’accueil, qu’elles ne prennent pas la route. "Chez les voyageurs comme ailleurs, explique le directeur d'AGV 35, les maladies surtout quand elles sont contagieuses suscitent des inquiétudes, des angoisses que la promiscuité peut aggraver."
"On le voit dans des périodes plus ordinaires lorsqu'il y a par exemple des cas de méningites aigües. Pour éviter toute contamination, certaines familles désertent l'aire d’accueil qui abrite une personne touchée, et se retrouvent dans la nature."
Avec l’épidémie de Covid-19, il faut donc absolument éviter ce type de scénario, et éviter aussi que des tensions ne voient le jour. "Dans le Maine-et-Loire, note Jean-Francois Restoin, il y a eu un cas suspect de coronavirus, et la famille concernée a été expulsée par les autres. Il nous faut tous anticiper ; trouver des solutions, afin que la période se déroule au mieux, pour la communauté des gens du voyage et l’ensemble de la population. »
Ni mariage, ni rassemblement d'aucune sorte
Des consignes strictes sont également données aux voyageurs.
Avec en cas d’hospitalisation notamment, voire de décès si jamais cela survient, l'injonction de ne pas se rassembler à l’hôpital, ou pour les obsèques. Dans ces moments compliqués, ou tragiques, il faut encore une fois éviter tout risque de propagation de la maladie.
"Mes consignes sont aussi très claires, pour des manifestations plus festives, termine Milo Delage. Ni mariage, ni anniversaire, ni grillades, ni réunions, qu'elles soient ou non religieuses. On connaît la dangerosité du virus, c’est confinement pour tout le monde!"