Quand la vie n’est pas forcément jolie, qu’on soit grand ou petit, on s’invente parfois des histoires pour tenir le coup. Amandine vit entourée de deux merveilleux compagnons. Une marionnette muette et un moustique trisomique. Ils l’aident à raconter aux enfants que la différence est une chance.
"C’est l’histoire de deux pommes, commence Amandine. A l’une d’elle, on murmure tous les jours, des mots doux, des mots bisous, des mots d’amour. A l’autre, accrochée sur la même branche, on hurle des mots cailloux, qui blessent et font mal. Quand on les regarde, elles sont pareilles, mais si on les ouvre, à l’intérieur de la première, tout sera beau et doux, dans la seconde, tout sera abimé. Ce ne sont pas les organes qui auront pourri, mais l’estime de soi."
La jeune femme se tait un instant, comme si elle suivait le chemin que les mots se frayent doucement dans notre tête.
Le pouvoir merveilleux des histoires
Elle en est persuadée, les contes et les histoires nous permettent de mieux comprendre le monde et nos émotions. Alors la jeune femme installée à Saint-Gilles, en Ille et Vilaine, raconte. "Ces deux pommes décrivent exactement les effets du harcèlement scolaire. Si on répète à une personne qu’elle est nulle, elle finit par y croire, il faut qu’on arrête d’employer le Tu qui tue !"
Amandine, un drôle de zèbre
Amandine Lefrançois est une zèbre hyper sensible. Elle ressent les émotions très très fort, mais elle ne l''a découvert que récemment. A l’école, à la maison, tout n’a pas toujours été rose, mais elle ne savait pas pourquoi cela la faisait tant souffrir. Et puis un jour, sa vie a failli basculer.
Elle était alors ambulancière. La patiente sur laquelle elle veillait à l’arrière du véhicule était sous l’emprise d’alcool et de produits stupéfiants. Soudain, elle s’est libérée de ses contentions et a fracassé la tête d’Amandine sur les parois de la voiture.
La jeune femme a souffert d’Importantes séquelles physiques et psychologiques. " Je ne parlais plus, témoigne-t-elle. Les mots ne trouvaient plus le chemin de mes lèvres. Je ne savais plus qui j’étais. J’ai plongé dans mon imaginaire pour essayer de me sentir bien."
La naissance de Mauricette
C’est là, dans un petit coin de son invention qu’Amandine a croisé Mauricette, la marionnette muette qui écrit des histoires. "Elle m’a sauvée soupire Amandine, j’étais tombée au plus bas."
Mauricette a toujours entre les dents un crayon en bois magique, avec lequel elle écrit dans la main d’Amandine. Et toutes les deux parlent aux enfants de pommes, de cailloux, de tas de choses.
"Aujourd’hui, tout ce que j’ai appris, j’ai envie de le partager. De dire aux enfants qu’il faut prendre soin de soi et des autres, renforcer son estime de soi."
Mauricette à l’école
Toutes les deux se rendent régulièrement dans les écoles, les centres de loisirs, les collèges pour sensibiliser au harcèlement et aider les plus jeunes à se construire et à mieux vivre ensemble.
"Avec les enfants, la théorie, ça ne marche pas note Amandine mais quand on les emmène dans l’imaginaire, ils comprennent tout, tout de suite."
Mauricette plante des graines
Il y a quelques jours, Amandine a entrainé sa marionnette dans un centre de loisirs. Elles avaient fabriqué des pierres magiques pour distribuer aux enfants et les aider à se valoriser." Un petit garçon a refusé le caillou. Il était en souffrance, et personne n’avait rien vu. Aussitôt, un protocole de prise en charge a été mis en place. Les yeux de Mauricette voient des tas de choses que les grands ne remarquent pas 'constate Amandine, comme le dit le renard au Petit Prince, on ne voit bien qu’avec le cœur.
"C’est dans l’enfance que tout se joue" affirment en chœur Amandine et Mauricette. "Les petits sont ouverts sur le monde, ils n’ont ni peur, ni à priori. Ils sont naturels. Quand ils croisent une personne différente, en situation de handicap, ils regardent, ils interrogent, qu’est ce qui se passe ? Alors que nous les adultes, nous avons tendance à dire CHHHuuut, à baisser les yeux. Avec eux, on peut parler de tout. Et après, ils peuvent en discuter à la maison…"
La différence est une chance
"Nous sommes tous porteurs de différences précise Amandine, puisque nous sommes tous uniques, nous sommes tous différents. Nous avons tous notre place sur la planète, tous quelque chose à apporter."
"J’ai la chance d’être la grande sœur de Florent, confie-t-elle. Il est trisomique 21 et surtout exceptionnel. Il m’a aidé à me construire, il a une intelligence du cœur extraordinaire. Il contamine tout le monde avec sa bienveillance".
Pour lui, pour les enfants et pour nous tous, Amandine a écrit un roman, "Le Moustique trisomique".
C 'est l’histoire d’un petit garçon abandonné par ses parents après qu’une vilaine sorcière lui ait jeté le pire sort qui soit : "il est malheureux et contagieux, quand une personne lui tient compagnie, elle devient malheureuse à son tour et se met à penser et à dire des choses qui font de la peine."
Olrik est donc convaincu qu’il "est un incapable, qu’il n’a ni valeur, ni importance". Jusqu’à ce qu’une fée lui dise "Tu peux le faire."
Il réussit alors à dégoûter l’affreux ogre Gribouilli qui voulait le croquer, rencontre un dragon qui ne crache pas de feu mais qui raconte des blagues et des devinettes et se transforme en un drôle de moustique qui sème le bonheur partout où il passe.
"Tes yeux sont bridés, ton nez est petit, ton corps est doré et ton cœur a l’apparence d’un arc en ciel parce que tu es un moustique trisomique " écrit Amandine.
L'art des formules magiques
"Je peux le faire, Je peux le faire", c’est la formule magique préférée de l'auteur. Elle la répète dans tous ses spectacles : "on peut ne pas réussir, mais on doit s’encourager." La jeune femme cite Nelson Mandela : "Dans la vie, on ne perd jamais, soit on gagne, soit on apprend."
Mauricette lève un sourcil interrogateur alors Amandine poursuit : "On se compare parfois les uns aux autres, dans un esprit de compétition. On regarde son voisin comme son rival alors que l’on pourrait se demander, qu’est- ce qu’il peut m’apporter ? Et moi, qu’est-ce que je peux lui offrir ?
"Dans la vie, le but ce n’est pas forcément d’aller vite, mais de progresser. Et Amandine conclut, même quand on se croit au fond du trou, on peut déplacer des montagnes. Il faut se faire confiance et ne jamais oublier que toutes nos différences sont nos chances !"