Trente centimes le traitement en acupuncture ou aromathérapie contre 20 à 25 euros en antibiotiques : les éleveurs commencent à avoir recours aux médecines naturelles, malgré un durcissement de la réglementation et en s'appuyant sur un engouement de la société pour ces thérapies.
"En première intention, j'utilise les huiles essentielles pour soigner" les 65 vaches de l'exploitation, affirme Anne Catherine Brissault, éleveuse, à Noyal-sur Vilaine (Ile-et-Vilaine), formée à cette thérapie au Centre d'expérimentation et de technologie alimentaire (CETA) de Rennes.En fonction des symptômes que présente l'animal, cette éleveuse de 36 ans va choisir parmi une quarantaine de plantes, avant de songer aux antibiotiques : de l'estragon ou de l'eucalyptus citronné pour une mammite chaude, de l'écorce de canelle pour une mammite froide, de la cardomone pour une mammite due au stress, sauge et de la myrthe pour stimuler la reproduction. Il suffit de quelques gouttes et, en termes de coût, les économies sont "importantes".
"Les écarts de prix sont flagrants avec les antibiotiques et les hormones", argumente l'éleveuse. "Une aiguille coûte 10 centimes et, avec trois aiguilles, le veau est en pleine forme". Pour le même traitement, il faudrait 25 à 30 euros d'antibiotiques, relève Nathalie Macé qui a choisi de se former en acupuncture. Pour cette éleveuse de Maure-de-Bretagne (Ile-et-Vilaine) qui se plaint de la hausse des charges, le recours à l'acupuncture est clairement un "poste d'économies". Surtout que ça marche.
"Mes animaux réagissent moins bien aux antibiotiques. On n'arrive pas à détruire le germe", remarque-t-elle.
De vrais résultats
Sur un rayon de dix km autour de sa ferme, ils sont une dizaine sur soixante-dix à pratiquer ces techniques basées principalement sur l'observation des animaux. "Il y a un véritable engouement" pour les huiles essentielles et "on a de vrais résultats", observe aussi Michel Derval, naturothérapeute, qui a formé 1 200 éleveurs en 15 ans, après avoir été sollicité par l'école vétérinaire de Nantes.
Le résultat est d'autant plus réjouissant, selon les deux éleveuses, que ces techniques alternatives recueillent l'adhésion des consommateurs toujours plus exigeants sur
les normes sanitaires. "Les antibiotiques, ça ne paie pas auprès des consommateurs. Il y a un engouement de la société pour les médecines alternatives", note Nathalie Macé. "Il y a une demande de la société d'aller dans cette direction", abonde Claire Odienne animatrice CETA. Huit fois par mois, le CETA organise des formations de deux jours en aromathérapie (depuis 2012) et acupuncture (2017), dit-elle en précisant que des groupes sont ensuite formés pour "permettre aux éleveurs de se retrouver et échanger sur leurs expériences".
Claire Odienne souhaite désormais une évolution de la législation dans le cas des huiles essentielles car elles ne sont pas officiellement autorisées à la vente. L'utilisation d'homéopathie et d'huiles essentielles à des fins thérapeutiques est soumise à prescription après examen des animaux par un vétérinaire. "On applique aux huiles essentielles les mêmes règles que les médicaments alors que leur composition change d'une plante à l'autre et d'un lot à l'autre d'une même plante. À ces conditions, il n'y aura jamais d'AMM (autorisation de mise sur le marché) de ces huiles" comme c'est prévu par l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation), selon Michel Derval. L'Union européenne a aussi publié en 2013 un règlement imposant le retrait du marché de centaines d'extraits aromatiques végétaux employés en aliments complémentaires. Dans son programme de lutte contre "l'antibio résistance", le gouvernement incite les éleveurs à "développer les mesures de prévention des maladies infectieuses et faciliter le recours aux traitements alternatifs".
"C'est vers les vaccins que s'orientent les pouvoirs publics", selon M. Derval. L'utilisation des antibiotiques en santé animale en France, que ce soit pour des élevages ou des animaux de compagnie, a chuté de 37% en cinq ans, dans la foulée de ce plan lancé en 2012. Un plan "Ecoantibio2" qui s'étalera de 2017 à 2021 a été lancé afin de "pérenniser la démarche".