L'écrivain Olivier Adam, longtemps malouin et toujours très attaché à la Côte d'Emeraude vient de publier un nouveau roman "Dessous les Roses " (Flammarion) qui aurait très bien pu être une pièce de théâtre... Naturellement, la Bibliothèque Vagabonde s'est installée sur une scène pour cette rencontre, la scène du Bacchus à Rennes.
Bienvenue Olivier Adam. « Dessous les Roses » est en effet découpé en 3 actes et chaque acte en scènes… unité de lieu, unité d’action, le tout sur 3 jours… Pourquoi cette référence à la forme théâtrale ?
Parce que je voulais resserrer vraiment la focale sur les relations entre les personnages et être dans la vitalité du présent. Ce sont deux frères et une sœur qui se retrouvent pour l'enterrement de leur père et ce qui m'intéressait c'était la manière dont ils interagissent, ce qu'ils ont à se dire.
Au fond, pendant trois jours, ils vont essayer de se dire ce qu'ils ont sur le cœur donc on est vraiment dans la parole: ce qu'on se dit, ce qu'on ne se dit pas et même le passé sur lequel ils ne sont pas toujours d'accord doit surgir du présent, comme dans une pièce de théâtre où on doit voir les acteurs se mouvoir, interagir. Au fond, tout l'arrière-plan, le décor, est juste suggéré.
Pourquoi ce thème de la famille vous inspire-t-il autant, livre après livre ?
Je pense qu'on s'en sort jamais vraiment de cette famille. Je ne dis pas cela négativement, mais ce temps premier du foyer où on vit tous sous le même toit, les enfants et les parents, il est à la fois très court et en même temps il nous poursuit toute notre vie parce qu'il est fondateur. Les relations qu'on tisse avec nos frères et sœurs et qu'on poursuit une fois à l'âge adulte, elles sont mystérieuses parce que souvent on a pris des chemins tellement différents que si on croisait nos frères et sœurs dans la rue ou dans une soirée, on ne pourrait pas être amis avec eux.
Il y a toujours ce truc des parents qui vous disent : "Je comprends pas comment vous avez pu devenir si différents alors qu'on vous a élevé de la même façon ?". La réponse est non, vous nous avez pas élevés de la même façon. Si on est l'aîné, si on est le petit dernier. La parentalité, ça s'apprend aussi, des fois on est plus rigoureux avec le premier et on se dit qu'on a été trop dur donc on lâche un peu de lest pour le deuxième ou le troisième. Et puis les ressentis ne sont pas les mêmes et les souvenirs c'est la matière la plus équivoque qui soit.
Paul, le frère qui s’est le plus éloigné de la famille, est cinéaste. Et sa famille semble assez mal vivre le fait qu’il se serve de ses proches comme matériau d’inspiration. Vous aussi vampirisez-vous votre entourage, comme le dit Antoine ?
Comme tous les artistes, on s'arroge un droit ou un pouvoir alors qu'en face, ils n'ont pas vraiment la possibilité de répondre.
Moi je voulais travailler cette question: d'un côté la légitimité de l'auteur cinéaste, metteur en scène qui revendique une liberté totale de mentir, d'utiliser sa vie, d'utiliser ses proches, de tordre la vérité, parfois de révéler des choses et de l'autre côté, position tout aussi légitime des proches qui se sentent heurtés, blessés, jetés en pâture.
Comment vos proches vivent-ils ces emprunts ?
C'est parce que le sujet est complexe que j'en ai fait un livre. Mais je voulais que dans ce livre-là le lecteur soit le juge. Je voulais faire entendre les différents points de vue et en fonction de la sensibilité, de ce qui touche plus le lecteur, il jugera que Paul exagère de faire ça ou que c'est sa famille qui exagère de lui reprocher.
Le livre fétiche d'Olivier Adam
"C'est un livre d'un de mes auteurs fétiches, même si j'en ai plein de Jean-Paul Dubois à Modiano, là c'est Lionel Duroy. C'est un livre où une fois de plus il travaille sur sa famille et sur la manière dont ses enfants le voit et dont chacun a ressenti son enfance de façon très différente."
En un mot
La nouvelle rubrique de la Bibliothèque Vagabonde, en un mot!
Le tiroir des jeunes lecteurs
Zoom sur le premier album solo du costarmoricain Hervé Le Goff qui d’habitude dessine pour les autres. Dans « Poil de Mammouth », il évoque la différence et la difficulté de grandir… avec un petit mammouth sans un poil sur le caillou dont les congénères se moquent. C’est tendre, drôle et publié chez Flammarion jeunesse.
Ne manquez pas non plus cet album collector « Charles, un amour de dragon » du finistérien Alex Cousseau, avec les illustrations de Philippe Henri Turin. Une compilation de deux histoires de ce dragon poète aux ailes de géant, histoires à écouter aussi dans une version lue par Dominique Pinon. C’est au seuil jeunesse.
Le tiroir du libraire
Aliénor Mauvignier qui vient d'ouvrir à Rennes la librairie "Comment dire" propose un coup de cœur.
"La pluie jaune de Julio Llamazares est un roman qui se passe dans un village des Pyrénées Aragonaises. On va suivre un homme avec son chien qui sont deux derniers habitants de ce village qui a été déserté par toute la population. C'est un texte qui est magnifique par la profondeur de l'humanité qu'il dégage, par la façon dont il parle de la solitude, de la mort, de la vie aussi forcément. C'est pour moi un des plus grands textes de la littérature mondiale."
Le rendez-vous de Livre et Lecture en Bretagne
Voilà ce rendez-vous conseillé par notre partenaire Livre et lecture en Bretagne, le 11ème salon «Baie des livres » qui se tient les 26 et 27 novembre 2022, à St Martin des champs près de Morlaix, sur le thème « Grandeur nature ».