Conséquence du blocage des examens sur table, l'université de Rennes 2 et Sciences Po Rennes ont choisi d'organiser des évaluations à distance à partir du 23 mai. Accès, sécurité, tricherie et valeur du diplôme... Ces modalités d'évaluation soulèvent plusieurs interrogations.
"A situation anormale, réponse anormale", explique Olivier David, le président de Rennes 2.
Le 17 mai, face aux blocages organisés par une minorité de jeunes et "faute de pouvoir organiser les épreuves en toute sécurité", l'université a préféré annuler les trois journées d'examens sur table initialement prévues. Environ 10.000 étudiants devaient plancher jusqu'au 19 mai. Déterminée à faire passer les examens de fin du second semestre, Olivier David a donc annoncé qu'ils seront organisés à distance du 23 au 28 mai.
Même décision à Sciences Po Rennes de nouveau bloquée, depuis ce vendredi 18 mai, où les examens finaux se dérouleront également via internet.
Mais comment passe-t-on des épreuves sur table à des évaluations à distance ? Et surtout, quelle valeur aura le diplôme ? Sur les campus, les étudiants sont nombreux à s'interroger.
Est-ce nouveau ?
Le procédé n'est pas nouveau. "Des évaluations en ligne, j'en fais passer toute l'année. On a l'habitude", explique Véronique van Tilbeurgh, enseignante-chercheuse en Sociologie à Rennes 2.
Sous forme d'oral via Skype, d'épreuves en ligne rédigées en un temps limité, de travaux de recherche à la maison, de QCM ou encore de mini-mémoires, la méthode est éprouvée dans la plupart des universités. La plateforme pédagogique Moodle est la plus utilisée (75% des universités françaises, dont Rennes 1, Lorient, Vannes et Brest).
A Rennes 2, "que ce soit en contrôle continu ou sur des épreuves de types partiels à mi-parcours, la dématérialisation descours et des évaluations se pratique de plus en plus... et pas seulement dans l'enseignement supérieur et à la recherche, note le président de l'université. Nous disposons d'un outil, qui est une plateforme d'enseignement à distance, que mobilisent régulièrement les enseignants y compris ceux qui dispensent des cours en amphithéâtre ou en séance de travaux dirigés".
"Ce qui est nouveau, en revanche, à Rennes 2, c'est l'organisation de ces examens en ligne à grande échelle; une échelle que nous impose la situation (...). A Rennes 2, nous nous sommes assurés de la faisabilité technique en nous rapprochant notamment avec une université comme Montpellier, qui a déjà organisé ce type d'épreuves", assure Olivier David.
Comment ça se passe ?
"Les enseignants mettent un sujet en ligne, les étudiants se connectent, suivent l'activité [éventuellement dans un temps limité] puis déposent leurs fichiers sur la plateforme, explique à Jactiv.ouest-france.fr Pierre Beust, chercheur en informatique, directeur du Centre d'enseignement multimédia universitaire (Cemu) à l'université de Caen. C'est ce qu'on appelle les devoirs de maison. Il est possible de paramétrer l'activité (de telle heure à telle heure, en groupe ou en individuel...). Ce type d'activités permet de faire des évaluations soit sous la forme formative (pour se former) soit sommative (pour sanctionner)."
Quelle fiabilité ?
L'évaluation en ligne pose inévitablement la question de sa fiabilité et d'une éventuelle aide extérieure.
"On ne peut pas systématiquement vérifier l'identité de la personne qui répond", reconnait dans La Croix Patrick Hetzel, député et ancien directeur général de l'enseignement supérieur.
"Dans le cadre d'un devoir maison, on ne peut pas garantir à 100% qu'ils s'agit d'un travail individuel. De même, on ne peut pas garantir à 100% l'absence de tricheries à une épreuve en salle", concède de son côté Pierre Beust.
"Les sujets feront davantage appel à la réflexion qu'aux seules connaissances"
"Les sujets seront adaptés. Les intitulés feront davantage appel à la réflexion qu'aux seules connaissances", assure de sont côté Véronique van Tilbeurgh.
Des diplômes en chocolat ?
"Diplômé de Rennes 2... je ne suis pas sûr que cela vaille le coup d'être mis sur un cv !", s'inquiètait, jeudi, un étudiant sur le campus.
Les diplômes universitaires partiellement obtenus en ligne ne seront-ils pas jugés moins valables que ceux issus d'épreuves organisées en bonne et due forme?
"Il faut bien savoir que le blocage des examens [NDLR: et les épreuves en ligne] ne concerne que 30% des épreuves de l'année, martèle le président de Rennes 2. Ce n'est pas la validation de l'année qui est en jeu".
Pour Jimmy Losfeld, président de la Fage interviewé dans La Croix, "ce conflit ne fera pas perdre de la valeur aux diplômes mais, incontestablement, il renforce la mauvaise image dont pâtit l'université."