La Bretagne se dote d'un nouvel outil, le 1% biodiv, pour la préservation de la nature et des écosystèmes. La fondation Breizh Biodiv pourra aussi recevoir des fonds privés et publics pour financer l'action d'associations environnementales en faveur de la biodiversité.
Quelques signatures au Conseil Régional, et voici lancé Breizh Biodiv, le nouvel outil pour programmer et financer des actions en faveur de la biodiversité en Bretagne.
Le 1% biodiversité
Premier apport: celui de la Région elle-même. Sur le modèle du 1% culturel, qui finance la culture en réservant 1% du budget d'une école ou d'un rond-point, la Région s'engage cette fois-ci à attribuer l'équivalent de 1% de tous ses projets d'équipement au profit de la biodiversité.
"Chaque fois que nous engagerons des travaux dans des lycées ou des ports, explique Loïg Chesnais-Girard, le président de la Région Bretagne, nous attribuerons 1% de ces budgets d'investissement au profit d'actions pour favoriser le développement ou le maintien de la biodiversité, parce que c'est indispensable pour la Bretagne, mais aussi pour l'humanité."
Breizh Biodiv, une fondation pour établir et financer des projets sur le terrain
"Le 1% Biodiv, explique le président de Région, c'est un des outils de financement de la fondation Breizh Biodiv que nous lançons aujourd'hui avec cette fondation, sous l'égide de la fondation Nicolas Hulot, pour agir concrètement sur le terrain pour la biodiversité et l'environnement. On va alimenter cette fondation avec de l'argent de mécènes, avec l'argent d’entreprises, mais aussi avec l'argent du budget de la Région. Une part du 1% Biodiv, du Conseil Régional sera apportée à Breizh Biodiv."
Dotée au départ de 200.000 euros, Loïg Chesnais-Girard espère dépasser le million d'euros d'ici un à deux ans, puis réunir 2 à 3 millions chaque année suivante.
Un partenariat pour cinq ans avec la Fondation Hulot
Pour garantir leur qualité, les actions seront financées au travers d'associations environnementales expérimentées et implantées en Bretagne de longue date. Le fonctionnement de Breizh Biodiv se fera donc sous l'égide la fondation Hulot. Le Conseil Régional a dû s'engager à élever son niveau d'exigence et d'ambition dans ses projets. Parmi les sujets il y a la transparence et l’exigibilité d'action globale.
Les projets pourront avoir des origines diverses. Ils seront par exemple, issus des associations environnementales venues parrainer cet accord. L'argent pourra avoir des origines privées, venir d'entreprises, de mécènes, mais aussi des origines publiques : Europe, métropoles, collectivités et territoires de toutes tailles.
À lire en fin d'article l'entretien d'Éric Pinault avec Nicolas Hulot
Financer et coordonner un plus grand nombre d'actions à travers les associations de terrain
Entre protection de la biodiversité terrestre ou marine, amélioration de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, opérations de renaturation ou de reforestation, captation de carbone par le bois, le sol ou les milieux marins, et mobilisation citoyenne pour les transitions, il y a fort à faire. Marie-Pascale Deleume, la Présidente de la Fédération Bretagne Nature Environnement (FBNE) en convient. Elle sait que de nombreuses initiatives manquent de coordination et de financement et que la Région Bretagne à elle seule ne peut y subvenir. Elle espère que la Fondation Hulot aidera à organiser la cohérence des projets et à définir des priorités:
"L’objectif, c'est quand même qu'il y ait un travail entre les associations et les collectivités, souligne la présidente de la FNBE qui regroupe les six grandes associations environnementales de Bretagne, puisque c’est quand même lié avec la BreizhCop, c’est-à-dire avec un travail de terrain. L’objectif, puisqu’on va avoir un SRADDET très peu prescriptif, c’est qu’il y ait vraiment un engagement des collectivités dans des objectifs de transition écologique et énergétique notamment.
La présidente de la FNBE connaît bien les contraintes pour accéder à certains financements comme ceux de l'Europe. Avec le Breizh Biodiv, c'est l'espoir d’accéder à une plus grande amplitude de réflexions et à plus de méthode pour déboucher sur plus d’initiatives. Elle cite en exemple un projet de réhabilitation des dunes grises de Quiberon, un dossier qui n'a pas encore été financé, bien que déjà étudié avec l’Office national des forêts (ONF).
Mais Marie-Pascale Deleume remarque aussi que les efforts à produire pour préserver la biodiversité commencent à notre porte : "Même sur une métropole comme Rennes il y a beaucoup à faire en matière de continuité écologique pour des espèces animales ou même végétales. Par exemple, certaines espèces animales ont des territoires pour se nourrir et d'autres pour se reproduire : il faut des continuités qui leur permettent de se déplacer entre ces espaces. Ainsi les oiseaux ont besoin de différents espaces naturels pour nicher et d’autres espaces pour trouver leur nourriture. Les coupures de continuité isolent certains groupes d'espèces animales qui risquent de dépérir. C'est le cas des amphibiens : un effort de création de mares ou de tunnels pour les batraciens ne doit pas être détruit par un nouveau projet urbain ou routier par exemple."
La fondation Hulot pour réunir des partenaires choisis
" Ce qui est plutôt positif dans cette annonce là, remarque Olivier Retail, le directeur de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) Bretagne, c'est qu'on voit clairement que la Région se met en ordre de marche. Ce n’est pas une décision qui vient seulement d'en haut, mais plutôt qui s'inscrit dans la continuité de la prescription du terrain. On va s'emparer de ça en essayant d'être impliqué dans ce comité d'orientations, puisque les associations y ont leur place.[...] Il a été question d'appels à projets, mais aussi de possibilité de soumettre nous-mêmes des dossiers, ce qui est aussi intéressant. Il faudra voir avec quel type de contraintes en terme de montage de dossier, puisque les fonds européens sont très contraignants dans le montage, le suivi et la gestion des projets.
C’est un changement de plus, qui s'inscrit dans d'autres changements qui ont vu le jour récemment : je pense notamment à la création de l'Agence bretonne de la biodiversité.
On voit très bien aujourd'hui que de plus en plus d'acteurs privés, publics, associatifs, se retrouvent, pour évoquer ensemble ce sujet de la biodiversité […] l'intérêt de cette fondation Breizh Biodiv c'est que ces gens-là vont aussi créer des liens. Ce n'est pas uniquement une logique de guichet et ça c'est plutôt intéressant. Un des premiers critères qui permettront de juger de cette pertinence-là, ça sera de voir comment les acteurs qui viendront abonder ce fonds-là, bougeront eux-mêmes sur cette question de la biodiversité, dans leur mécanique interne, dans leurs structures, […]dans leur façon de travailler, dans leur façon de communiquer.
Qui accueillir ? On sait très bien qu’il y a des entreprises qui peuvent être problématiques pour abonder un tel fonds. [...] Nous, en tant qu'association LPO Bretagne, des critères tels que le bien-être animal, la déforestation, la pollution, mais également [des questions] telles que l’artificialisation des sols, le droit du travail, ou le respect des normes environnementales, tous ces critères là, seront forcément étudiés au cas par cas parce que nos adhérents diront « attention avec qui vous êtes partenaires ». Aujourd’hui la société exige cohérence et transparence. Du coup, je pense que le fait que cette fondation soit abritée par la Fondation Hulot, c'est un sacré garde-fou pour démarrer."
Ce qui est important quand on accepte de l'argent privé, c'est qu'en aucune manière cette contribution n'entrave votre liberté d'expression
Entretien avec Nicolas Hulot
recueilli par Éric Pinault
Une collectivité territoriale comme la région Bretagne sollicite votre fondation, pour quoi faire ?
« La mise en œuvre de la transition écologique passe principalement et le plus efficacement par les territoires : collectivités locales, territoriales et régionales. Tout ce qui accélère et crée un cercle vertueux comme cette initiative, c’est le rôle de ma Fondation : c’est d’accompagner, de valoriser sans se départir de l’exigence et d’un souci de cohérence. Là l’idée c’est d’abonder de manière supplémentaire par un fonds en faveur de la biodiversité, pour permettre au tissus associatif d’aller plus vite et plus loin dans la protection de la biodiversité. La Région est venue vers ma fondation qui est reconnue d’utilité publique, pour qu’elle ait un rôle de vigilance et pour qu’on se garantisse des bonnes fins de l’utilisation de ces fonds supplémentaires.
Je note l’engagement régulier de la Région notamment avec la BreizhCop. J’ai la même exigence vis-à-vis de la Région, du Gouvernement et de l’Europe. Je ne cesserai de demander à ces collectivités de multiplier les initiatives et surtout de mettre à disposition des moyens pour parvenir aux objectifs. [...] Moi je jugerai des engagements aux moyens mis en œuvre. On a trop tendance à se fixer des objectifs sans y mettre les moyens.»
C’est une démarche de fond qui vous intéresse ?
« La Bretagne bénéficie d’un tissu associatif sans lequel la situation serait bien pire qu’elle n’est. L’idée que la Région se dote d’un outil supplémentaire pour aider les associations dans leurs missions notamment en faveur de la biodiversité c’est une bonne chose. Mais c’est une très bonne chose aussi que la Bretagne mette le thème de la biodiversité en lumière, parce que c’est un sujet qui a pâti de la notoriété de la thématique climatique, alors que les deux sujets sont indissociables. Il ne faut pas que ce soit l'un au détriment de l'autre.
Dès lors que le fonds initié par la région et abondé par des acteurs privés, et ne vient pas en soustraction des aides déjà établies par la Région au profit de la biodiversité, je n’ai pas d’état d’âme. Mais ça [les actions en faveur de la biodiversité, NDLR] ne doit pas exonérer la Région Bretagne de grandes ambitions notamment pour réformer le modèle agricole et le modèle énergétique breton. Le président de la région Bretagne a évoqué l’idée qu'un jour il y ait zéro importation de soja en Bretagne. Ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Et ce qui vaut pour la Bretagne, vaut aussi pour notre pays.»
Qu’importe d’où vient l’argent ?
« On dit parfois que l'argent n'a pas d'odeur, mais ce n'est pas aussi simple que ça. Ma propre fondation qui existe depuis 30 ans a bénéficié de soutiens financiers divers et variés et parfois du mécénat. Ce qui est important quand on accepte de l'argent privé, c'est qu'en aucune manière cette contribution n'entrave votre liberté d'expression. Ça doit être du vrai mécénat et ça ne doit pas empêcher les mécènes d'entrer dans une véritable démarche de progrès. Au contraire ça doit les mettre dans une plus grande obligation de cohérence.»
S’afficher auprès de Loïg Chesnais-Girard, c’est un affichage politique en vue des élections régionales ?
« Ma fondation est aconfessionnelle et apolitique. Le but d'une fondation c'est de soutenir tout ce qui converge dans le bon sens. Moi je ne me soucie pas des échéances électorales. On est là pour soutenir les initiatives, mais on le fait encore une fois dans une totale neutralité. Nous travaillons avec d'autres régions qui n'ont pas forcément la même sensibilité politique et nous le faisons depuis 30 ans.»
Ce sont les associations qui vont porter les projets, quelle est l’action la plus urgente en faveur de la biodiversité ?
« Ce sont les associations qui vont bénéficier de ces aides économiques et financières, mais aussi les collectivités qui jouent un rôle prépondérant dans la transition écologique. Il y a notamment un sujet qui est prépondérant en Bretagne : c'est l’artificialisation des sols, c'est la destruction des écosystèmes, donc je pense que dans les priorités, tout ce qui va dans le sens de réhabiliter les écosystèmes fait partie des thématiques que nous allons privilégier.»