Campus Academy. "On a été victimes d'une arnaque". Comment Alan, étudiant rennais, a perdu sa formation et des milliers d'euros

Plusieurs dizaines d'élèves de l'antenne rennaise de la Campus Academy, réseau d'enseignement créé par l'homme d'affaires Michel Ohayon, se sont vus privés de cours et d'intervenants sans explications. Ils se retrouvent, pour certains, sans solution et avec des frais de plusieurs milliers d'euros dépensés pour rien. Témoignage.

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"La première année s'est plutôt bien passée, avec des cours convenables et des super intervenants, mais la deuxième année, c'est là que ça a été plus compliqué".

Pour Alan, évoquer ses deux années d'étude au sein de la Campus Academy, c'est revenir sur un parcours post-bac qui s'est terminé dans une impasse. Le jeune homme de 22 ans, attiré par le bachelor Esport, s'était élancé il y a deux ans avec enthousiasme dans cet enseignement autour des jeux vidéos proposé par l'antenne rennaise du réseau d'enseignement.

Un réseau de 10 écoles dans la tourmente

La Campus Academy, filière d'enseignement supérieur privé hors contrat, a été créée en 2019 par Michel Ohayon. L'homme d'affaires s'est récemment désengagé du capital, détenu majoritairement aujourd'hui par un de ses fils, qui dirige la société, et par l'épouse de Michel Ohayon.

Le réseau de 10 écoles étaient réparti sur 6 campus à Aix-en-Provence, Angers, Lyon, Nantes, Rennes et Toulouse. Les formations portent sur des domaines variés comme l'informatique, l'audiovisuel, les jeux vidéos, le tourisme, le design, la mode ou encore la communication.

Mais la Campus Academy connaît des difficultés financières comme celles que connaissent les sociétés rachetées par l'homme d'affaires bordelais Michel Ohayon.

Cela a commencé en septembre 2022 par le placement en liquidation judiciaire de l'enseigne Camaïeu. Depuis, d'autres enseignes commerciales du groupe sont menacées : Go Sport, Gap ou encore les Galeries Lafayette. Pour la Campus Academy, cela se traduit par des fermetures successives des écoles du réseau.

Deux jours de cours par semaine au lieu de cinq

Et les premiers problèmes du réseau d'enseignement sont apparus à Rennes lors de cette dernière année scolaire 2021-2022.

"On a engagé une année où les premiers mois, cela se passait bien, mais les suivants, on a commencé à n'avoir que deux jours de cours par semaine au lieu de cinq. De même, on n'avait plus d'intervenants qui répondaient présents. Certains profs, que l'on avait eus en début d'année, ne voulaient plus venir. Et tout cela sans aucune justification de ces absences de la part de l'école ou même des intervenants" explique Alan.

Des intervenants non payés

Pour Pierre Royer, consultant formateur à l'école rennaise de la Campus Academy et sur d'autres antennes du réseau, les dysfonctionnements et les manques de moyens comme l'absence de wifi se sont multipliés. 

Les délais de paiement de mes interventions n'ont fait que s'allonger au fil des mois. Le premier mois, j'ai été payé dans les temps, mais dès le deuxième mois, j'ai dû attendre plusieurs semaines jusqu'à devoir attendre trois ou quatre mois par la suite avant d'être payé la première année.

Pierre Royer

Consultant formateur au Campus Academy de Rennes

Et d'ajouter "L'année suivante, vu que des directeurs d'écoles avaient changé à la tête des établissements ainsi que des responsables pédagogiques, j'ai repris des interventions, car on m'avait rassuré suite à ce gros turn-over en interne. Mais ça ne s'est pas arrangé du tout puisque j'étais payé avec plus de six mois de retard, malgré des lettres de relance".

Le professionnel évoque "une éventuelle mauvaise gestion de trésorerie" mais n'envisage pas toutefois de poursuite judiciaire, son manque à gagner étant minime.

Des élèves abandonnés en cours de formation

Fautes de cours et de profs, les élèves se sont retrouvés dans une impasse. Un coup dur pour tous ces étudiants dont certains avaient souscrit des emprunts. 

Pour suivre ce bachelor en Esport, Alan a dû faire un prêt de 22.000 euros, l'école lui demandant 6.000 euros de frais de scolarité la première année et jusqu'à 7.000 euros pour les suivantes. Et le jeune homme de nous expliquer qu'à ces frais de scolarité perdus viennent s'ajouter tous les frais d'hébergement et frais annexes de logiciels achetés pour une formation laissée en plan.

On a été victimes d'une arnaque.

Alan

Ancien élève de bachelor Esport à la Campus Academy de Rennes

Face à une formation qui part en vrac, un diplôme annoncé comme reconnu par l'État alors que ce n'est pas le cas et une école dans laquelle les élèves n'ont plus aucune confiance, Alan explique que début février 2021, les étudiants ont déserté l'établissement, "se sentant victimes d'une arnaque". Depuis, l'école semble avoir fermé ses portes, sans avoir communiqué auprès de ses élèves.

À cette grande désillusion et perte d'argent, se sont ajoutées des difficultés pour les étudiants à retrouver une formation pour poursuivre leur cursus scolaire, comme pour Alan dans son secteur de l'Esport avec la recherche d'un organisme offrant un diplôme réellement reconnu par l'État.

Selon Alan, des élèves auraient "commencé des démarches pour aller au tribunal face à l'école", surtout que "certains ont dû abandonner les études suite à la perte de ces deux ans et devant les sommes empruntées à rembourser".

"Une solution proposée à chaque étudiant" selon le groupe

Aucun des appels téléphonique que nous avons passé au dix écoles n'a abouti. Le numéro de l'école rennaise à Bruz ne mène à rien. Un journaliste de France 3 Nouvelle Aquitaine a pu joindre ce lundi Michel Ohayon. Ce dernier a botté en touche, préférant "ne pas répondre à cette polémique et ce lynchage".

Selon l'AFP, qui a pu joindre, ce 25 février, un porte-parole des entreprises de l'homme d'affaires, l'école d'Aix-en-Provence a fermé ses portes mi-février. "A la fin de la semaine prochaine, une solution sera proposée à chaque étudiant, précise-t-il. Transfert dans une autre école, poursuite des cours en distanciel ou remboursement des frais de scolarité au prorata de ce qui a été versé".

Aucune de ces propositions ne semble avoir été exposée aux élèves de l'école de Rennes, selon Alan, qui était délégué des étudiants.

"Les 10 établissements totalisent environ 500 étudiants" indique le porte-parole de la famille Ohayon. Il a ajouté que l'école de Nantes avait aussi fermé.

Thierry Peigné avec Lara Dolan

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