Le procédé est illégal, mais il en a "ras-le-bol". Ce commerçant du centre de Rennes a publié sur Facebook la vidéo d'une femme dérobant un article pour dénoncer les vols dont sa boutique est victime. Avant de la retirer.
La scène ne dure qu'une quinzaine de secondes. Dans le rayon d'une librairie rennaise, une femme passe un article sous son manteau, avant de s'éloigner. "Faut dire que la file d'attente à la caisse était assez longue !", ironise le message accompagnant la vidéo, publiée sur Facebook par le patron de la boutique.
Lui, il en a "ras-le-bol". Il porte plainte 2 à 3 fois par an pour des vols. "Il y a quelques semaines, deux personnes sont reparties avec 266 € de marchandises". Quand il aperçoit la manoeuvre sur les écrans de vidéosurveillance, le 18 décembre, il descend pour s'expliquer, mais ne parvient pas à retrouver la femme qu'il suspecte.
"Un peu énervé", le commerçant rend publique la vidéo pour dénoncer ces vols qui pèsent sur les finances de sa boutique. "L'année dernière, mon bénéfice était de 3 500 €. Si vous enlevez les vols de cette somme, ça devient compliqué !"
Une publication illégale
Si la vidéosurveillance dans la boutique est entièrement réglementée - affiches prévenant de la présence de caméras, durée de conservation des images limitée, accès restreint aux sauvegardes, déclaration à la CNIL... - la publication de la vidéo sans anonymisation est illégale.
Selon le code pénal, le message sur Facebook serait donc une atteinte à la vie privée : si la captation et l'enregistrement des images sont bien couverts par la réglementation, ce n'est pas le cas de la diffusion. La peine encourue pour le commerçant serait d'un an d'emprisonnement et 45 000 € d'amende. "Je me suis renseigné avant de publier les images, je sais que c'est interdit", commente-t-il. "D'ailleurs, cela fait débat dans l'équipe et certains désapprouvent la publication".
"Dans des affaires d'atteinte à la vie privée, le procureur ne peut engager de poursuites seul", explique un avocat du conseil de l'ordre des avocats de Rennes. Il faudrait donc que la personne apparaissant sur la vidéo porte plainte... Ce qui semble difficile, si elle a effectivement volé cet article.
Cependant, il ne peut s'agir ici ni de délation - le terme n'existe pas au regard du code pénal - ni de dénonciation calomnieuse (qui constiste en l'invention d'une partie ou de la totalité d'un fait dans le but de porter préjudice à quelqu'un), le vol semblant ici suffisament caractérisé pour que le commerçant soit sincère dans sa version des faits.
De la même manière, l'atteinte à la présomption d'innocence n'est pas applicable : il faut d'abord qu'une personne soit mise en cause dans une procédure pour que la présomption d'innocence soit possible.
Le commercant a publié, le 20 décembre, un nouveau message : "Suivant les conseils, souvent avisés, d'un ami, je retire la vidéo, à mon corps défendant." La vidéo n'est donc plus en ligne.