"Confrontées à la mort d'un être cher, elles disent non". Le don d'organe est en baisse, alors qu'il suffit d'en parler

Ce 22 juin, journée nationale du don d’organes, les professionnels du CHU de Rennes se sont installés sur la place des Lices, lieu de marché rennais pour inviter les gens à se positionner et à le dire. Aujourd’hui, un prélèvement sur trois est refusé, un chiffre en hausse. Le plus souvent, les proches de défunt disent non parce qu’ils ne savent pas ce qu’il aurait voulu.

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"Quand on se retrouve à voir des familles et qu’elles n’ont pas parlé de dons d’organes avant, c’est difficile", confie Karine Beaudoin, infirmière coordinatrice de prélèvements d’organes et de tissus au CHU de Rennes. "Elles sont confrontées à la mort d’un être cher et elles se retrouvent à prendre la décision. On le sait, dans le doute, on s’abstient. Elles ne savent pas ce qu’aurait fait le défunt, elles disent non !"

37% de refus en 2024

L’infirmière et les autres soignants comprennent… et s’inquiètent. "Sur les premiers mois de 2024, en France, le taux de refus est monté à 37%, détaille Yves-Marie Guillou, responsable médical de la coordination des prélèvements d’organes et de tissus au CHU de Rennes. Il était à 36% en 2023, et à 30% dans les années 2015-2016. " La Bretagne continue d’être généreuse, dans la région, le taux de refus avoisine 25% mais le nombre de refus augmente aussi.

Les raisons sont multiples, culturelles, cultuelles, sociologiques. "C’est ce qui fait qu’il est difficile d’agir sur les résultats puisqu’ils n’ont pas d’explications précises", regrette le médecin. Mais c’est surtout l’ambiance du moment qui fait varier les chiffres constate-t-il. "Quand le climat est morose, on observe une hausse des refus. Il suffit de très peu de choses pour que les gens disent non. Les chiffres avaient par exemple grimpé après le Covid, comme pour manifester un mouvement de défiance envers les soignants."

TEMOIGNAGES. "on sait que quand on dit oui, on sauve des vies", le don d'organe, un sujet qui ne doit pas être tabou (francetvinfo.fr)

Expliquer pour rassurer 

Pour le médecin, c’est la méconnaissance qui freine le don. Les gens s’interrogent : C’est quoi la mort encéphalique ? Comment va-t-on récupérer le corps ?

Pour rassurer, il décrit donc… "quand le service de réanimation a un donneur potentiel, il nous appelle. Notre premier travail, c’est de descendre dans le service pour évaluer l’éligibilité au don. L’âge n’est plus un frein, mais il faut que les organes soient en bon état et qu’il n’y a pas de contre-indications. Nous devons faire les vérifications avant d’aller voir les proches, sinon, ce n’est pas très correct." 

Don d'organes. "Sans la greffe, j'étais cuit". La deuxième vie de Serge, après une double transplantation pulmonaire (francetvinfo.fr)

La mort encéphalique

On parle de mort encéphalique quand le cerveau s’arrête de fonctionner. Cela entraîne un arrêt cardio-respiratoire qui conduit au décès. Aujourd’hui, avec les techniques de réanimation, ll est possible de maintenir une fonction circulatoire qui permet l’oxygénation des organes, mais la personne est bel et bien décédée.

"Si la personne est en état de mort encéphalique et que les médecins réanimateurs ont informé la famille du décès, alors nous allons les voir "témoigne Yves-Marie Guillou.

"La loi dit que notre consentement est présumé, mais nous devons aller voir ses proches pour leur demander :  quelle était la position du défunt par rapport au don d’organe. S’y était-il opposé ? S’opposait-il au prélèvement de tous les organes ? De certains d’entre eux ?"

Évidemment, explique le médecin, cela se fait en plusieurs épisodes. Il laisse le temps aux proches d’en discuter, de réfléchir, mais "la loi précise bien que l’on ne demande pas la position des proches mais celle du défunt." Le registre national des refus est obligatoirement consulté ( il comporte aujourd’hui 400 000 inscrits).  Si les proches ne savent pas ce qu’il aurait souhaité, le plus souvent, ils disent non ! "C’est pour cela qu’il faut parler !" martèle le médecin.

Un don de vie

 

En 2023, 5 634 greffes ont été réalisées. Elles ont sauvé des vies et rappellent les soignants, pour chaque donneur, 5 à 7 personnes qui peuvent bénéficier d’une greffe d’organe vitale.

En France, 25 000 personnes sont en attente de greffe. "Il y a en France un greffon rénal pour quatre à cinq receveurs, constate Yves-Marie Guillou. Les délais d’attente sont très variables. Normalement, ils sont d’un peu moins d’un an pour un rein, de deux ou trois ans pour d’autres organes. Et évidemment, les greffons sont attribués en priorité aux malades les plus graves."

"Il faut parler du don d’organe". À l’apéro, à table, n’importe quand. L’agence de Biomédecine en a fait cette année ses clips de campagne.

"La mort fait partie de la vie conclut Karine Beaudoin, et la mort peut sauver d’autres vies !"

Aujourd’hui, en France 70 000 personnes vivent avec un greffon.

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