Le CoronaMinus c'est quoi? Il est méchant? Comment je l'attrape? Et papi et mamie? Autant de questions qui peuvent entraîner des inquiétudes, voir des angoisses chez les enfants. Alors comment en parler de ce satané coronavirus...élements de réponses avec une psychologue, psychanalyste.
Ce mercredi à Rennes, à l’Espace des sciences, des enseignants-chercheur avaient rendez-vous avec des enfants âgés de 6 à 12 ans. Une rencontre, d’un autre type dont le but clairement affiché est : comment aborder, voir déminer une partie des questions qui traversent la tête de nos chérubins sur ce satané CoronaMinus…
L’ « extra-terrestre » envoyée au contact des enfants, puis des parents, pour cette mission de déminage du coronavirus est Myriam Cherel, psychologue et psychanalyste. Elle est enseignante-chercheure à l'Université Rennes 2 en psychologie clinique, psychopathologie et clinique psychanalytique.
Des extraterrestres, des envahisseurs, une mission un peu spéciale pour parler de la folle échappée du CoronaMinus, vous allez dire c’est un peu léger…pourtant le premier conseil de cette praticienne c’est bien de dédramatiser….Car si il y a encore peu l’histoire du Pangolin et de son hôte le coronavirus pouvait faire penser à un scénario de science-fiction, pour toute une génération c’est bien inscrit dans le réel et l’humain possède des forces pour rebondir…
Alors pourquoi parler de ce CoronaMinus aux enfants?
Il faut surtout les écouter. Ils ont des choses à dire. Avec leurs mots on se renseigne sur la manière dont il aborde le réel. il ne faut pas chercher à déchiffrer ou analyser comme un adulte veut souvent le faire, au contraire il faut prendre le temps de saisir ce qui leur fait peur, ce qui les angoisse...Adapter notre discours. On peut alors bricoler avec eux une réponse pour vivre ensemble.
La confusion
Dans son cabinet après le confinement, elle a reçu de nombreux enfants qui se sont sentis perdus. Toute l'organisation familiale a été chamboulée pendant cette période. Les parents ne vont plus au travail, mais travaillent plus à la maison. L'enfant se retrouve seul dans sa chambre, isolé de ses copains. Et malgré les efforts de sa maman pour remplacer la maîtresse, la confusion est bien là, car sa maman n'est pas sa maîtresse.
Au nom de la poursuite pédagogique, par peur de rupture pédagogique, on a cru mettre en péril la scolarité des enfants si ils rataient un mois d'école, or ce n'est pas vrai. Ce qui met en péril les enfants c'est de ne pas prendre en compte leur incapacité à ingérer et intégrer le vocabulaire hyper sécuritaire et culpabilisant utilisé par le gouvernement pour éviter la contamination. Il y une autre conversation à avoir avec eux, avec un autre vocabulaire.
Chaque enfant est unique donc pas de méthode universelle
Il ne faut pas perdre de vue que chaque enfant est unique et qu'il n'existe pas de méthode universelle pour les soigner. "Je pense à cette petite fille qui faisait des cauchemars, avait difficulté pour dormir et aller à l'école. Elle a interprété tout ce qu'elle a entendu sur la Covid-19. Elle savait qu'elle pouvait le transmettre et elle a interprété cela comme un monstre méchant dans son ventre. Il a fallu tout un temps pour nommer ce qui l'envahissait. Elle ne pouvait pas le faire au début."
La thérapeute insiste sur le fait que les enfants sont des éponges et perçoivent tout, même si ils ne verbalisent pas comme les adultes. Il ne s'agit pas de faire avec leur parole quelque chose de ludique, bien au contraire c'est sérieux, mais il faut écouter et rebondir sur ce qu'ils ont à dire.
Inventer
Petits-enfants comme grands-parents se retrouvent d'ailleurs avec un sentiment de culpabilité. Certains grands-parents n'osent pas dire à leurs petits-enfants de porter leurs masques chez eux de peur de perdre cette relation qui pour eux est vitale. "Il y a donc quelque chose à inventer qui soit de l'ordre des gestes barrières au lieu de créer des barrières du lien."
Compter sur l'inventivité des enfants
Certains enfants sont encore plus attaché à protéger la planète, d'autres sont plus inquiets pour leurs animaux...il faut lire entre les lignes. Est-ce une manière détournée d’adresser leurs inquiétudes ?
Une chose est sûre il faut trouver une manière de vivre ensemble avec ce virus. Et cette génération est marquée par cette effraction soudaine et réelle dans leur vie. Mais l’humain a des forces pour rebondir, il faut compter sur l'inventivité des enfants. C'est le défi de notre génération.
L'avenir de ces enfants : une période d'expérimentation
La réponse est claire pour notre thérapeute, "c'est trop tôt pour y répondre". Le monde évolue, change : nous sommes dans une période d'expérimentation, avec les visio-conférences, le télé-travail, les télécommunications.
A chaque moment de vie, ses symptômes et à chaque symptômes, ses solutions. Si vous évoquez la surmédiatisation de ces phénomènes, comme les attentats ou la Covid-19, la réponse est claire : en les exposants aux chaînes toutes infos, anxiogènes, vous prenez un risque futur pour les enfants. Mais il ne faut pas oublier que la surmédiatisation fait partie du 21ème siècle et leur lien social est un lien connecté. Ils jouent en réseau.
Ce serait contre-productif de les séparer de leurs médias actuels. On sait qu'une discussion à l'école se termine aujourd'hui sur le smartphone à la maison, c'est leur lien social, celui de leur siècle. Il faut faire avec et l'accueillir.
Myriam Cherel, psychologue
Une ébauche de solution?
Ecouter vraiment les enfants et faire avec leurs mots et dédramatiser. Un enfant qui saute au cou de sa mamie, il saute au cou de sa mamie et c'est comme ça. Il ne faut surtout pas dramatiser la situation
Une chose est sûre, Myriam Cherel ne prône pas une solution toute faite, et admet volontiers qu'il est trop tôt pour répondre à toutes les interrogations de ces enfants et de leurs parents sur la pandémie. Mais l'écoute semble bien l'une des clefs du mieux vivre et aussi un catalyseur pour mieux vivre ensemble avec ce satané CoronaMinus.