La situation économique des exploitations agricoles est compliquée. Les blocages et barrages sur les routes ces derniers jours l'ont montré. Dans ce contexte, les Chambres d'agriculture ont tenu à rappeler l'existence du dispositif Réagir qui permet aux exploitants d'être aidés. En Bretagne, en 2023, 428 agriculteurs y ont eu recours.
"Sans le dispositif Réagir, je ne serais plus agriculteur aujourd'hui" : Ludovic Breton, éleveur laitier et de volaille en Bretagne, a bénéficié d'un programme piloté par la chambre d'agriculture pour aider les agriculteurs en difficultés, personnelles comme financières.
Avec sa femme et associée, l'agriculteur de 52 ans basé au Pertre (Ille-et-Vilaine), a évité de justesse la liquidation judiciaire. En 2019, un foyer de botulisme décime la moitié de son cheptel de 52 vaches laitières. Par précaution, le poulailler de 30.000 poulets est fermé pendant cinq mois.
L''éleveur a perdu au total "80% de son chiffre d’affaires", a-t-il relaté mardi lors d'une rencontre organisée par la chambre d'agriculture de Bretagne.
Lorsque le couple arrive au tribunal de commerce de Rennes "au-devant d'une saisie totale de l'exploitation" et muni d'une "simple feuille A4", ils entendent parler par hasard de ce programme.
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Mettre les dettes sur pause
Ils entrent alors en contact avec un mandataire judiciaire et un plan de redressement est mis en place sur 15 ans après une période d'observation de 18 mois. "L'objectif est de mettre les dettes sur pause, de reconstituer une trésorerie et de réfléchir à la meilleure solution pour tous les acteurs", assure Benjamin Brillaud, mandataire judiciaire.
Des cas comme celui de Ludovic Breton, le dispositif "Réagir" en a recensé 428 nouveaux en 2023 en Bretagne, première région agricole en France, avec "des réalités différentes selon les exploitations", selon Stéphanie Ramboasolo de la chambre d'agriculture.
Ce dispositif, qui existe depuis plusieurs décennies sous différentes formes, est uniformisé au niveau national et chapeauté par les chambres d'agriculture régionales depuis 2021.
Il fait aussi appel aux différents organismes en lien avec les exploitations : banques, cabinets comptables, syndicats agricoles, coopératives, laiteries, mais aussi la MSA (Mutualité sociale agricole) ou encore les chambres d'agriculture.
Tous peuvent faire des signalements à la cellule d'agriculteurs en difficulté. Parmi les 428 agriculteurs ayant fait appel au dispositif en 2023 en Bretagne, 49% sont des exploitants individuels. D'après la chambre d'agriculture, les producteurs laitiers sont sur-représentés, tout comme les agriculteurs bio.
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"Charges de travail importantes"
Pour Stéphanie Ramboasolo, "les exploitants laitiers ont des charges de travail importantes, avec deux traites par jour. Au moindre problème personnel, il y a un impact immédiat sur l'exploitation. Ce sont également des structures avec un niveau d'investissements important, "avec le cheptel, les bâtiments, le matériel.
Le bio, qui représente 22% des signalements, est aussi soumis à une charge de travail importante, poursuit Stéphanie Ramboasolo : "pour certaines exploitations, une création d'activité inclut la production, la transformation et la vente directe, donc trois métiers différents assurés par la même personne."
L'origine des difficultés rencontrées par les agriculteurs est variée, détaille la chambre d'agriculture : mauvaise rentabilité économique, perte de foncier, problèmes sanitaires, mais aussi problèmes familiaux et de santé.
L'accompagnement d'agriculteurs en difficulté présente des particularités, explique le mandataire judiciaire Benjamin Brillaud. "Beaucoup d'exploitations sont des héritages générationnels, il y a donc une attache sentimentale importante", constate-t-il.
"Difficile de sortir du silence"
Sa consoeur Pauline Collin insiste sur la nécessité d'alerter rapidement en cas de difficulté financière : "Souvent nous arrivons trop tard. Certains repreneurs héritent de dettes préalables, accumulent les créances, les comptes ne sont plus tenus."
Mais se faire aider reste une étape difficile à assumer : "On est souvent seul sur l'exploitation et on ne communique pas forcément. C'est difficile de sortir du silence, c'est dur d'assumer l'échec et le regard des autres", justifie Ludovic Breton.
Il reconnaît avoir été aidé et accompagné par la MSA (mutualité sociale agricole), qui lui a conféré un soutien psychologique et une aide au répit de huit jours leur permettant de se faire remplacer pour lutter contre l'épuisement professionnel.