Malgré les nombreuses campagnes d’information et les traitements préventifs la maladie continue de se propager. Les usagers de drogues sont une population à risque. A Rennes, l'association AIDES accueille 450 consommateurs chaque année.
Depuis 15h l’interphone sonne bruyamment à intervalle régulier. « Oui je t’ouvre ! ». Sylvain, animateur du CAARUD, appuie sur le bouton d’ouverture en même temps qu’il regarde l’écran vidéo.
« Salut Christophe* ça va ? tu veux un café ? »
Gobelet fumant et cigarette à la main, Christophe sort sur la terrasse rejoindre le groupe qui s’est formé. Des salariés du centre, des bénévoles et usagers de drogue discutent. Tout le monde semble se connaître.
Arrivée dans les premières, Isabelle interpelle une des animatrices « je voudrais bien aller au matos ». Les deux femmes pénètrent alors dans une salle de stockage. « tu me mets deux pipes, deux embouts, des grilles, s’te plaît » liste Isabelle.
Manon, la salariée de AIDES, s’exécute et remplit le sac en papier. « Nous avons tout le matériel nécessaire aux consommateurs de drogues, pour l’inhalation ou l’injection ». Pipes à crack, cuvettes pour préparer la drogue, pailles pour inhalation, lingettes désinfectantes, le matériel n’est pas en libre service, tout ce qui est pris est consigné dans un cahier. Mais les usagers peuvent en demander autant qu’ils le veulent. « Chez les usagers de drogue la contamination se fait souvent lors du partage des seringues On leur en donne en quantité illimitée ce qui réduit drastiquement le risque de contamination » explique Manon.
Hépatite B, hépatite C ou VIH se transmettent entre consommateurs de drogues lorsqu’ils partagent leurs seringues, leurs pipes ou leurs pailles.
« Je connais 4 ou 5 personnes qui ont le VIH. Je ne sais pas comment elles ont été contaminées. Même si y’a de nouveaux traitements la maladie est toujours là, alors c’est important qu’on puisse avoir du matériel propre. Ça permet de limiter les risques » commente Isabelle.
Le CAARUD d’Ille et Vilaine accueille chaque année 450 personnes.
Drogue et sexe, un mélange risqué
Les drogues et les produits psychoactifs ont souvent des effets désinhibants. Quand leur prise est associée à des rapports sexuels, cela peut conduire à des comportements dangereux pour la santé des partenaires, comme la non utilisation de préservatif.
Cette pratique appelée chemsex (pour chemical-sex) se répand chez les homosexuels. Au point que l’association AIDES a décidé de communiquer tout spécifiquement sur le phénomène.
« C’est quelque chose qui a toujours existé », relativise Antoine, animateur santé sexuelle chez AIDES. Avant d'ajouter: « ce qui a changé ce sont les drogues. De nouveaux produits de synthèse sont arrivés sur le marché, comme ceux de la famille des cathinone ». Ces drogues sont réputées favoriser le contact et l’empathie. Par la même, elles entrainent des comportements à risque.
L’association multiplie donc les animations de sensibilisation, dans tous les lieux fréquentés par ces publics, comme les saunas gays. « On discute avec les gens en leur conseillant de réserver ces pratiques aux personnes qu’ils connaissent déjà, ou le cas échéant d’essayer de discuter des statuts sérologiques de chacun, avant toute prise de drogue » explique le spécialiste en santé sexuelle.
Le dépistage : seule solution pour endiguer la propagation du virus
Depuis la loi sur la réduction des risques et la distribution gratuite de matériel stérile, les contaminations ont chuté parmi les usagers de drogue.
Mais le risque demeure et l’association AIDES qui gère de nombreux CAARUD continue de mettre l’accent sur la prévention et le dépistage.
« Si les personnes séropositives sont diagnostiquée précocement elles sont mises sous traitement et très rapidement elles passent à une charge virale indétectable et elles ne peuvent donc plus transmettre le virus par voie sexuelle » explique Sonia Moreau, responsable régionale de l'association AIDES en Bretagne.
Avant la crise sanitaire 950 personnes étaient testées par AIDES, chaque année en Bretagne. En 2020, à cause des confinements et de la fermeture des centres dédiés, ce ne sont plus que 400 personnes qui se sont fait tester par l'association.
Au niveau national on estime que le nombre de dépistage a chuté de 60% en 2020. Des chiffres inquiétants quand on sait que 15% des personnes séropositives ignorent qu’elles sont malades.
En Bretagne, 4000 patients atteints d’une infection au VIH sont suivis par les hôpitaux.
*les prénoms ont été changés pour préserver l’identité des personnes présentes