Migrants à Rennes. “Les enfants ont besoin de dormir au chaud”. Les parents d’élèves en première ligne

Des banderoles fleurissent sur les écoles de Rennes en soutien aux enfants sans toit. Une école du quartier Maurepas est occupée. La colère gronde chez les parents d’élèves de la capitale bretonne qui refusent de voir des enfants scolarisés dormir dans la rue ou les parcs de la ville.

“Ce matin encore, je ne pensais pas occuper une école” lâche Claire. La parente d’élève va passer la nuit dans l’école de ses enfants pour soutenir Mariam et ses deux enfants qui se retrouvent sans toit.

“Le plus grand est en CE2, la petite à 22 mois, à cet âge on n’a pas besoin de papiers, mais de dormir au chaud”, rugit la mère de famille qui vient de découvrir la situation de détresse que vivent les camarades de jeu de ses enfants.

La mobilisation des parents d'élèves

“Si je suis dans l’école, c’est pour faire du bruit, pour que l’Etat ou la ville viennent en aide à cette famille, c’est si dur pour eux” souffle Claire en colère. Un sentiment d’impuissance se dégage dans sa voix malgré l’énergie du groupe. C’est que la situation de Mariam va se renouveler. Dans l’école Tregain du quartier Maurepas à Rennes, d’autres familles avec de jeunes enfants vont se retrouver à la rue.

Alors les parents d'élèves se mobilisent. C’est leur manière d’être solidaire. Ils vont rester dormir dans cette école jusqu’à ce que Mariam et ses enfants puissent bénéficier d’un accueil d’urgence par la ville de Rennes.

Chez les parents d'élèves des écoles de Rennes la colère gronde. Plusieurs affichent des messages de soutien aux enfants et aux familles de migrants qui se retrouvent à la rue.

Ce 5 octobre, la police a évacué plus d'une centaine de migrants vivant dans des campements de fortune dans deux parcs de la ville. Selon les associations d'aides aux réfugiés, la moitié des délogés a trouvé un toit provisoire, les autres sont dans un autre parc de la ville. Un campement chasse l'autre.

L'accueil d'urgence saturé

Les places en accueil d’urgence sont difficiles à obtenir. “Appeler le 115 ? Cela prend des heures pour avoir quelqu’un en ligne” glisse Armelle, une bénévole qui aide les exilés à faire leur demande d’asile et à obtenir un toit. “Ils attendent souvent plus d’une heure au téléphone pour apprendre qu’il n’y a pas de place. Ils peuvent mettre des semaines pour avoir un hébergement temporaire”. Alors en attendant une place au chaud, Armelle les aide à trouver une tente, des vêtements chauds, et à trouver de quoi manger.

Sur les six derniers mois, le nombre d’enfants sans solution d’hébergement a augmenté de 30% à Rennes, selon l’étude de l’UNICEF publiée en septembre. Le service d’accueil et d’orientation des personnes en Ille-et-Vilaine (SIAO35) dénombre 50 enfants sans abri dans les rues de la capitale bretonne.

“La mairie de Rennes prend déjà près de 1000 personnes en charge chaque soir” détaille Armelle, figure reconnue comme incontournable par toutes les associations d’aide aux sans papiers. “C’est beaucoup, mais trop peu face à la demande qui ne fait que monter” précise la militante. “Quand un enfant est à la rue en cette saison, la ville et l’Etat ont un devoir moral et légal de les prendre en charge”.

Cependant 85% des appels au 115, par des familles avec enfants, se terminent par des réponses négatives. Il ne reste aux familles que la rue ou les parcs de la ville.

“Intolérable de voir tant d’enfants dehors”

“C’est devenu intolérable de voir tant d’enfants et de familles dehors à Rennes” souffle Laurie*. Cette mère d’enfants à l’école élémentaire de l’Ille dans le centre-ville de la capitale bretonne est en colère. Une colère froide, comme le sont les températures la nuit avec l’arrivée de l’automne.

“Dans notre école ce sont cinq enfants des classes élémentaires, et deux en maternelle qui sont sous des tentes depuis la rentrée.” Les parents d’élèves de l’école de l’Ille se bougent. Dons de cartables, de vêtements, de chaussures, et des courriers aux élus, au député de la circonscription, à la sénatrice, mais pas de réponse.

À deux pas de leur école, un parc a servi d’accueil à des familles de réfugiés, près de 150 personnes y dormaient sous des tentes. Alors que les parents d’élèves du quartier commençaient à mettre en place des actions de solidarité, le camp a été évacué. “Nous avons vu les CRS déloger les familles, confisquer les tentes” soupire la mère de famille. “Les autorités ont pris en charge une partie des réfugiés, mais la moitié d'entre eux est de nouveau à la rue”.

Les parents d’élèves de l’école de l’Ille ont affiché une banderole sur les grilles de l’école en soutien aux familles de réfugiés qui dorment dans les rues.

 

La main tendue aux élus

Julien* ne décolère pas. Parent d’élève à l’école de la Poterie dans le sud de Rennes, il voit avec tristesse des enfants dormir dans le parc face à l’école de ses enfants.

“Être à la rue, dormir sous une tente, ce n’est pas des conditions pour des enfants afin de réussir à l’école”. Ce père de famille s’est retrouvé impliqué lorsque le gymnase de l’école de son quartier a accueilli des familles de réfugiés.

“En les voyant à côté de chez moi, je me suis mis à aider, c’est humain” sourit le jeune quadra. “Les familles d’exilés se cachent, veulent être discrètes, elles se cachent dans les parcs, mais pour les aider nous devons les rendre visibles”.

Les parents d’élèves de l’école de la Poterie affichent également en grand leur soutien aux enfants sans toit de la ville. Pour Julien, c’est une main tendue à Nathalie Appéré, maire de la ville. “Les parents d’élèves ont besoin d’aide, nous sommes désemparés face aux situations des familles".

 

Les parents d'élèves désemparés

“On ne s’oppose pas à la ville. On dit aux élus : nous sommes à vos côtés, soyez vous aussi à nos côtés”. Marie*, parente d’élèves à l’école de la Poterie insiste sur l’appel à l’aide. “Nous sommes désemparés, souvent l’issue pour les familles c’est trois semaines d’hébergement dans un lieu et ensuite c’est fini. Ce n’est pas suffisant”.

Si ces parents d’élèves brandissent des banderoles, c’est pour alerter les élus de proximité, pour qu’ils trouvent des solutions et qu’ils alertent les échelons supérieurs. “Nous n’avons jamais de retour de la préfecture” grogne la parente d’élèves impliquée dans l’aide aux réfugiés du quartier sud de la ville.

 

Une responsabilité rejetée

Le démantèlement du campement d’un parc de la ville par la préfecture, qui laisse de nouveau des familles à la rue fait réagir les élus de la ville de Rennes.

La responsabilité est celle de la politique migratoire de l'Etat dont il nous faut pointer les insuffisances", a réagi David Travers, adjoint à la solidarité de Rennes. Sollicité par France 3 Bretagne, David Travers déplore la politique de l’Etat qui place des personnes sans solutions “sans droits ni titres [...] totalement démunies dans ces campements de fortune”.

L’adjoint à la solidarité de la ville de Rennes fustige dans sa réponse “la diminution du nombre de places d’hébergement d’urgence prévue pour 2023” prévue par le projet de loi de finance, “qui rendra la situation [des personnes en situation d’urgence] intenable.”

Par sa réponse la ville de Rennes rejette la responsabilité sur l’Etat et s’engage à continuer de trouver des solutions pour plus de 900 personnes chaque soir, “action en dehors de toute compétence en la matière et malgré un contexte budgétaire complexe” selon les mots du communiqué.

Sollicitée, la préfecture de l'Ille et Vilaine est restée sans réponse.

L'entraide à bout de souffle

Pas sûr que cette réponse soit celle souhaitée par les parents d’élèves de la ville.

Dans l’hypercentre de Rennes, depuis le mois de juin, les parents d’élèves de l’école Liberté s’organisent pour héberger une maman angolaise avec ses deux enfants.

Chacun à leur tour pendant l’été, un groupe de parents a offert des solutions de logement à cette famille dont la demande d’asile a été refusée. Une famille qui a vécu des agressions dans un parc de la ville. “Suite à l’agression de l’enfant de 9 ans, nous nous sommes mobilisés” témoigne Claire Vergnole du groupe des parents d’élèves. “Durant les beaux jours et l’été c’était facile, ceux qui prenaient des vacances laissaient leur appartement”. Avec la rentrée et l’arrivée de l’hiver les difficultés reviennent. Il ne reste que deux familles qui hébergent la maman et ses deux enfants sans toit. 

Les parents de l’école Liberté ont également rejoint le mouvement initié par les autres écoles de la ville. “Les associations sont épuisées, c’est à nous les parents de faire bouger les choses. Nous attendons de l’aide et nous nous ferons entendre” conclut Claire.

* Prénoms modifiés

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