Avant la Conférence sociale du 18 février prochain, les professionnels des secteurs du social et du médico-social alertent sur leur capacité à poursuivre leurs missions. En cause ? Le manque d'attractivité de leurs métiers et leurs difficultés à recruter. Entretien avec Sophie Pellier, directrice d'un centre de réadaptation de la périphérie rennaise.
Sophie Pellier, est membre de la Fehap, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne, elle dirige le centre de réadaptation fonctionnelle du Patis-Fraux à Vern-sur-Seiche, dans la périphérie rennaise. Suite à la journée de mobilisation du mois de novembre puis de ce mardi 25 janvier 2022, elle nous a accordé un entretien afin d'alerter sur le manque d'attractivité des métiers de ces secteurs : social, médico-social et sanitaire. Des secteurs confrontés à une pénurie de personnel qualifié, liée à d'importantes difficultés de recrutement, avec des conséquences sur "la capacité des acteurs à accompagner les personnes les plus vulnérables."
En préambule, Sophie Pellier rappelle la force du collectif interfédéral breton de ce secteur privé à but non lucratif, qui regroupe notamment la Fehap et la Nexem, mais confronté toujours aux mêmes difficultés. Réunis mardi 25 janvier 2022, les professionnels ont établi une feuille de route, qu'ils transmettront aux politiques, pouvoirs publics, aux décideurs et aux différents responsables, afin de lancer un nouveau signal d'alerte, dans la perspective de la Conférence Sociale, prévue le 18 février prochain. Elle nous livre quelques une de leurs réflexions et de leurs propositions.
La question salariale
"L'attractivité des métiers est un problème majeur, avec la question sous-jacente de la revalorisation salariale. Les salaires sont très inégaux et inéquitables, le métier d'infirmier en est un bon exemple, avec une énorme disparité en fonction des secteurs. Les salaires sont en effet gérés par secteurs d'activité et en fonction du statut des établissements et non par métiers. Et c'est là que réside le problème.
Pour nos métiers nous avons une multitude de secteurs. celui de la protection de l'enfance, de l'insertion sociale, le médico-social avec d'un côté le handicap et de l'autre les personnes âgées, et puis encore le service et le soin à domicile et le sanitaire avec les établissements de santé.
Mais si la revalorisation salariale peut être une réponse, c'est loin d'être la seule. (Les fédérations demandent la revalorisation de tous les professionnels du social et du médico-social à hauteur de 183 euros - NDLR). Et nous avons justement préparé un certain nombres de propositions à destination des pouvoirs publics et des décideurs, à la fois en matière de formation et d'apprentissage mais aussi pour la valorisation des compétences et du parcours professionnel."
La formation et l'apprentissage
"Dans nos propositions, par exemple en matière d'apprentissage, nous attendons une réduction du reste à charge pour l'employeur, qui reste très important. C'est une réponse qui pourrait être très pertinente pour nos secteurs.
La délocalisation de l'offre de formation est aussi une de nos propositions. Les formations doivent être au plus prêt des territoires, au plus prêt des besoins.
Nous suggérons encore d'ouvrir davantage nos établissements, en proposant des stages aux jeunes, à ceux qui sont à l'école mais pas seulement. Ceux qui sont en décrochage scolaire, mais encore aux personnes en reconversion ou aux chômeurs. Il y a en général une vision très biaisée de nos métiers, notamment en ce qui concerne la prise en charge des personnes âgées. Cette ouverture pourrait permettre de modifier cette image.
Nous pensons que nous pourrions aussi avoir recours au service civique. Et puis pourquoi ne pas mettre en place des partenariats avec l'Éducation nationale ou des organismes de formation. Associer les élus, est une autre des idées soumises, car nous savons que nous jouons un rôle non négligeable pour l'attractivité des territoires."
Les conditions de travail
"Nous sommes confrontés à un problème de perception des métiers, et nous devons travailler sur les questions des conditions de travail et de l'organisation du travail. Pour les infirmières par exemple, on ne pourra pas éviter le travail du week-end mais en termes d'amélioration, nous pourrions dans les cycles de travail leur proposer d'avoir toujours le même jour de repos dans la semaine, qui pourrait leur permettre de mieux s'organiser."
Développer des compétences pour conserver les professionnels
"La mobilité professionnelle de nos salariés est une des questions sur lesquelles nous devons travailler, avec la construction de parcours de découverte de nos différents métiers. Il s'agit de faciliter les passerelles entre les secteurs, ceux du handicap, du soin et des personnes âgées.
Et puis nous travaillons sur une Convention collective unique et étendue, pour structurer et unifier le secteur, et afin de créer un environnement plus agile et surtout moins axé sur les diplômes, et davantage sur les parcours."
Conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social le 18 février prochain
Initialement prévue avant le 15 janvier, la conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social aura finalement lieu le 18 février 2022. Un grand rendez-vous, qui selon le Premier ministre Jean Castex vise à "apporter des améliorations concrètes pour les professionnels des métiers du champ social et médico-social, tout en assurant une révision en profondeur des conditions d’exercice de leurs métiers et du déroulement de leurs carrières."