Essai clinique. Comment expliquer l'accident ?

L'accident sur un essai clinique de phase 1, survenu la semaine passée à Rennes, est inédit en France et, pour l'instant, inexpliqué. Défaut de fabrication, erreur de stockage, de dosage, ou encore effet secondaire inattendu ? Des experts avancent quelques hypothèses.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité
Bia 10-2474. C'est le nom de la molécule, qu'ont reçue les 6 volontaires hospitalisés la semaine dernière pour des troubles neurologiques. Cette molécule, développée par le laboratoire portugais Bial et dont l'essai clinique était opéré par le centre rennais Biotrial, est un inhibiteur d’une enzyme de dégradation des endocannabinoïdes. Rien à voir avec le cannabis, contrairement à ce qui a été parfois évoqué juste après l'accident. Les endocannabinoïdes, aussi appelés cannabinoïdes endogènes, sont "des substances produites naturellement par le cerveau", ainsi que l'a rappelé Marisol Touraine.

Ces molécules peuvent agir sur la douleur, plusieurs maladies neurodégénératives comme l'épilepsie ou la maladie de Parkinson, l'humeur, l'anxiété ou encore l'appétit

Selon le Figaro, le laboratoire Bial envisageait l'utilisation du composé dans le traitement ou la prévention de pas moins de 41 maladies !

Comment expliquer alors, qu'une molécule aussi prometteuse, mise au point par un laboratoire réputé sérieux, et testée par un centre de recherches dûment homologué, selon un protocole validé deux fois (par l'ANSM et par un Comité de Protection des Personnes) a causé la mort d'un patient volontaire et provoqué des lésions neurologiques sur 4 autres testeurs ? D'autant que l'accident dans le cadre d'un essai clinique de phase 1 est rarissime, inédit en France.

Le Pr Alain Astier, chef du service de pharmacie de l'hôpital Henri-Mondor (AP-HP),  dirige plus de 400 essais cliniques chaque année. Interrogé par nos confrères d'Allô Docteur sur France 5, il suggère différentes hypothèses pour expliquer le drame.

Hypothèse n° 1 : l'effet secondaire inattendu

Il pourrait, par exemple, s'agir d'une interaction avec une autre molécule (une protéine).

Hypothèse n°2 : un effet dose insoupçonné

La phase 1 de l'essai clinique sert à évaluer la tolérance et l'absence d'effet indésirable. Les doses sont alors augmentées progressivement, selon la manière dont le volontaire sain tolère ou non la molécule. En général, les effets secondaires sont proportionnels à la dose absorbée. 
Le Figaro croit savoir que "les effets indésirables ont été observés alors que les volontaires sains sont passés de 20 à 50 mg. Le médicament est «très compliqué sur le plan pharmacologique», remarque un chercheur spécialisé dans ce type de molécule du système nerveux central."

De son côté, le Pr Alain Astier note que "pour une dose donnée, vous avez un petit effet qui apparaît. Après, vous augmentez la dose, les effets augmentent, etc. D’après ce qu’on sait, là, il n’y a pas eu d’effet du tout aux doses les plus faibles, c'est ce qu’on appelle un « effet seuil », et brutalement une forte augmentation. C’est un peu étrange, ça peut apparaître c’est vrai, mais ça reste étrange."

Hypothèse n° 3 : le relargage brutal dans l’organisme
Absorbée regulièrement, la molécule peut être stockée dans l'organisme (la graisse, par exemple) avant d'être relarguée à dose massive dans le corps, provoquant une sorte de "surdosage". Des analyses sanguines sont en cours pour évaluer cette hypothèse.

Hypothèse n° 4 : le défaut de fabrication

L'hypothèse la plus probable, selon nos confrères d'Allô Docteur. "Même si cette fabrication reste très contrôlée, une erreur humaine peut survenir."
Selon l'AFP, le médicament a été fabriqué en Hongrie et conditionné en Italie. Il peut avoir été contaminé par un toxique, lors de sa fabrication, de son conditionnement ou de son stockage. Il peut aussi s'agir de médicaments mal dosés lors de leur production ou de leur administration. "Mais, souligne Le Figaro, le volontaire miraculé sur les six qui ont pris le plus fort dosage ne plaide pas en faveur de ces hypothèses."

Enfin, on ne peut pas non plus exclure un acte délibéré.

Trois enquêtes en cours

Sur le plan judiciaire, une enquête de flagrance a été ouverte pour "blessures involontaires supérieures à trois mois" au pôle santé du parquet de Paris, a indiqué ce dernier. Elle a été confiée à la Direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) de Rennes et à un service de gendarmerie spécialisé dans la santé (Oclaesp). En parallèle, Le ministère de la Santé a saisi l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) chargée d'examiner les conditions d'intervention du laboratoire Biotrial dans la réalisation de l'essai clinique. L'investigation a démarré samedi. Par ailleurs, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a entamé, dès vendredi sur place, une "procédure d'inspection technique" du laboratoire rennais.
 

Deux volontaires encore au CHU

Dans un communiqué, le CHU de Rennes précise que "deux patients ont été transférés, lundi après-midi, dans les services de neurologie d’établissements proches de leur domicile, suite à l’amélioration de leur état de santé. (...) Deux autres patients restent hospitalisés au CHU de Rennes. L’amélioration de leur état de
santé se confirme
. Le cinquième et dernier patient hospitalisé au CHU de Rennes, volontaire sain resté asymptomatique, a regagné son domicile
."

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information