Gilets jaunes : la parole donnée à un manifestant éborgné

Des vies "gâchées", de l'incompréhension ou encore de la colère : pendant deux mois, l'AFP a recueilli le témoignage de 14 "Gilets jaunes", "passants" ou "lycéens" blessés à un œil au cours des manifestations des derniers mois. Voici le témoignage de Gwendal Leroy, blessé à Rennes en janvier.

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Acte 10 du mouvement des Gilets jaunes, 18h à Rennes : "J'ai vu un flash, une explosion, violente ; j'ai senti comme un coup de poing" au visage. Ce samedi 19 janvier, Gwendal Leroy, 27 ans, a perdu son œil gauche et se sent désormais privé de son "droit de manifester".
 
"Il était temps qu'on rentre, on avait deux heures de route. Et en remontant la rue, arrivé au niveau des arrêts de bus, j'ai entendu une grenade atterrir à mes pieds. On entend le bruit (...) on se retourne et donc là j'ai vu un flash, une explosion, violente", raconte-t-il lors d'une rencontre avec l'AFP début mars dans le Finistère.
"J'ai senti quelque chose qui m'a percuté le visage. Donc je n'estimais pas encore avoir perdu l'usage de l'œil, je sentais que c'était comme un coup de poing", se souvient-il.

Aux urgences, "quelqu'un s'est approché de moi, a soulevé la paupière de l'œil gauche et là j'ai compris que c'était grave, parce qu'il a appelé, enfin il a hurlé, 'On le prend en charge tout de suite !'". "C'est le lendemain que j'ai appris que j'avais perdu l'usage de mon œil".
 
La suite, ce sont des semaines de soins pour le jeune Breton, plusieurs fois par jour, un long arrêt de travail, l'impossibilité de conduire pendant six mois.

"Je ne sais pas si j'ai encore pris pleinement conscience que cela va être définitif et à vie. J'ai 27 ans, admettons que je vive jusqu'à 80 ans ou 85 ans... Je n'arrive pas à me dire : 'oui c'est comme ça que ça va se passer'", admet-il.

"Il y a des moments où on est assis sur une chaise et là pendant dix-quinze secondes, on va être plus lucide, on va se dire 'ah ouais, j'ai perdu un œil'". Et dans ces moments-là, mieux vaut être "bien entouré", confie le jeune homme pour qui les Gilets jaunes sont devenus aussi "une famille".

"J'étais cariste. Je ne sais pas si c'est possible encore de conduire un chariot-élévateur. Et puis (...) quel employeur voudrait d'une personne qui n'aurait qu'un œil, alors qu'il y a énormément de personnes sur le marché avec deux yeux ?", s'interroge-t-il.
 

"Là pour demander un avenir meilleur"

Gwendal Leroy a porté plainte contre X et contre l'État. "Je suis revenu de l'hôpital, j'avais déjà un avocat, je n'ai pas trop compris ce qui se passait". "L'IGPN attendait vraiment mon dépôt de plainte" pour mener une enquête.

À l'origine de sa blessure, "une grenade, pas un tir de LBD", pense-t-il. "Je préfère me dire que, entre guillemets, 'c'est la faute à pas de chance'". Et selon lui, "le fautif, c'est celui qui a donné l'ordre", "un ordre disproportionné".
 

Il assure être "autant déterminé" que le 17 novembre mais désormais il ne peut plus forcément être dans la rue. "C'est pour cela que je considère qu'on m'a retiré mon droit de manifester".
"Je suis retourné à Rennes à l'acte XV. D'ailleurs les gens m'ont reconnu. C'était assez gênant ils m'ont demandé à faire des photos", confie-t-il.

Gwendal Leroy en veut aux médias et au gouvernement, qu'il accuse de vouloir "discréditer" le mouvement. "On essaie de nous faire passer pour des casseurs alors que non, moi je ne suis pas haineux. Même avec ce qui m'est arrivé, je ne serai pas haineux. Je n'irai jamais casser une vitrine et c'est comme ça pour énormément de Gilets jaunes", affirme-t-il. "On est là pour demander un avenir meilleur. Il n'y a rien de compliqué à comprendre".           

Gwendal Leroy a parfois entendu "c'est bien fait pour toi", raconte-t-il, une lettre posée près de lui. L'auteur de cette lettre "n'a pas été insultant – il a juste dit en gros 'bien fait pour toi, vive Macron, vive la police etc.' J'en ai rigolé. Je me suis dit 'il a du culot quand même celui-là'". Cette lettre "je l'ai gardée parce que c'est collector".
 
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