Ses images de la manifestation contre la réforme des retraites font le tour du monde. Un Breton a généré des photos par une intelligence artificielle, Midjourney, dans la veine de ChatGPT et DALL-E. Son but : sensibiliser sur les effets pervers des IA.
“Ces photos de la manifestation sont dingues”. Avec quelques mots et trois images sur Twitter, un passionné du web ouvre un débat en France et à l'international. Celui des photos générées par IA, les intelligences artificielles. Son post a été repris et vu plus de deux millions de fois.
Car ses images sont saisissantes : des CRS aux mines fatiguées qui enlacent des manifestantes contre la réforme des retraites. Internet a réagi et très vite le lièvre est levé. L’auteur, un Rennais passionné de nouvelles technologies, explique sa démarche.
“Les trois images n’ont pas été prises lors de la manifestation contre la réforme des retraites. Je les ai générées sur le Net, explique Anthony. Mon objectif est de sensibiliser aux questions que posent les images générées par les robots”.
Des images chocs pour sensibiliser
“J’ai voulu faire deux tweets, précise Anthony. Un premier avec mes trois photos, puis un second indiquant que c’était un fake” . Le plan ne s’est pas déroulé comme prévu.
“Immédiatement le photographe que j’avais identifié dans mon tweet, Odieux Boby, alias Boris Allin , a vu que c’était un fake et l’a indiqué en message". Puis une ex-journaliste de la BBC, qui est devenue Fact Chekeuse pour l’AFP, a relayé les photos en indiquant que c’était des fausses images et pourquoi. Et ce post de Nina Lamparski a buzzé. Le débat est lancé.
La journaliste spécialisée en vérification sur la toile a débunké les photos d’Anthony par un regard attentif sur les gants du CRS . “Elle a mis en valeur les 6 doigts du policier. C’est un bug récurrent des outils de création d’images par IA”.
Faire parler des images via IA
Anthony a préféré effacer son message initial sur twitter, “afin de ne pas laisser des fausses images sur la toile”. Son objectif de faire parler des risques avec les fausses images est atteint. “Depuis plusieurs semaines j’essaie d’informer sur l’intelligence artificielle. Il faut éveiller les regards sur les manipulations possibles par ces images, et ces outils”.
Une création qui ne lui a pris que quelques clics. “J’ai utilisé Midjourney pour les générer. C’est un outil qui permet d’en faire une vingtaine gratuitement ou 200 pour quelques euros”. Les non initiés vont devoir faire un effort pour suivre, mais pour Anthony, tout est d’une facilité déconcertante.
Des photos via un texte comme pour ChatGPT
“L’outil est exclusivement sur Discord, un espace web très connu dans le gaming. Cela fonctionne par channel. Il faut proposer un texte et le serveur publie 4 photos. Il est possible d’en faire autant de variations que l’on souhaite”. Comme pour le fameux ChatGPT, l’outil IA de photo fonctionne avec des ordres écrits, des requêtes.
Pour ces images, il suffit de lui demander de faire une photo dans le style des photos de Magnum ou de l’AFP. “J’ai écrit ma demande en quelques lignes. La seule limite est celle de l’imagination. Plus les ordres sont précis, plus l’IA permet une photo réussie”.
Une fois une première photo proposée par l’IA, “il suffit de faire varier les cadrages, les premiers plans, les arrière-plans, les couleurs, les personnages, tout…”.
“Et les serveurs réalisent les photos en 30 secondes” précise Anthony. En plus des problèmes d’images réalistes générées par un robot, l’outil ne protège aucune photo. Chaque image est visible et utilisable par les membres du forum en ligne.
Se méfier des images trop sensationnelles
Pour Nina Lamparski, l’experte en vérification, voici les éléments qui indiquent la création via IA : la lumière de la photo, la texture de l’image, les oreilles, mains, et visière. La spécialiste du fact checking précise bien qu’en regardant rapidement les images sur un smartphone, il est très difficile de repérer ces détails.
Autre conseil d’expert, Julien Pain journaliste de Vrai ou Fake qui piste les mensonges et manipulations sur les réseaux sociaux, insiste sur la nécessité de se méfier des images et infos trop spectaculaires et de croiser ses sources.
Toujours sur Twitter, Anthony partage des solutions pour repérer des images artificielles. “Il faut regarder attentivement les mains. L’IA a toujours du mal à les réaliser.”
Autre astuce : utiliser la recherche inversée. “Si les photos ne sont utilisées que sur des réseaux sociaux, c’est mauvais signe” assure le Breton.