Quatre jours de travail, trois pour le week-end. Ce modèle est peu répandu mais certaines entreprises ont décidé de l'adopter. Les salariés de "Nova Energie" travaillent même 32h payées 35. D'autres entreprises choisissent de passer sur 4 jours mais sans diminuer le temps de travail. Des modes de fonctionnement pas forcément transposables à tous les métiers et salariés.
"Je suis dans la vie active depuis 12 ans, je n'ai encore jamais vu ça." Un an après avoir changé de rythme de travail, Thibault Guélou le savoure pleinement. Il travaille comme technicien photovoltaïque chez Nova Energie à Romagné (Ille-et-Vilaine). Sa semaine de travail commence le lundi et se termine le jeudi soir... après 32 heures de travail. "C’est un confort pour moi." "Le vendredi, je fais ce que je veux."
Il en profite pour se reposer. Depuis qu'il a ce rythme, Thibault Guélou s'est mis à une nouvelle activité : l'escalade. Il voit les bénéfices de ce temps libre. "On arrive frais le lundi sans aucun problème, sans le dos cassé, sans aucune faiblesse." "On n’a pas le syndrome du dimanche soir, de se dire, j'ai la flemme d’aller bosser", s'enthousiasme-t-il.
32 heures payées 35
Le trentenaire voit beaucoup de points positifs dans son nouveau mode de fonctionnement, même s'il reconnaît "un temps d'adaptation" pour passer de cinq à quatre jours travaillés. Son engouement n'est sans doute pas anodin à ses 32 heures travaillées payées 35.
"On a constaté que les chantiers duraient en moyenne deux jours donc ça fait que dans une semaine de quatre jours, on peut mettre deux chantiers, explique Maël Guibert, chef d'entreprise de "Nova Energie". Je n’avais pas forcément d’intérêt à rajouter quelques heures supplémentaires pour arriver à 35h le vendredi matin puisque dans le monde du bâtiment, j’ai constaté que ces trois heures du vendredi matin servaient la plupart du temps à prendre un café, faire un peu de nettoyage des camions. On arrive à rentrer ça dans notre planning", se félicite-t-il.
Il profite de sa journée du vendredi pour s'occuper des tâches administratives de son entreprise. Ce qui lui permet "d'avoir un samedi et dimanche complet avec mon enfant".
Gagner en productivité
Son entreprise "Nova Energie" créée sur ce modèle de 32 heures par semaine compte dix salariés. Ce mode de fonctionnement semble porter ses fruits. Maël Guibert assure que six à huit nouveaux salariés devraient compléter l'effectif d'ici à la fin de l'année 2023.
L’an passé, au mois de mars, il y avait des hausses de carburant assez importantes. Donc l’idée pour moi était de concentrer le travail sur quatre jours pour éviter des déplacements, des utilisations de véhicules à la fois pour mes salariés, mais aussi pour l’entreprise.
Bertrand BrieroChef d'entreprise
À la tête d'une entreprise de construction en bois à Mauron (Morbihan), Bertrand Briero a décidé de passer à la semaine en quatre jours depuis un an. Le planning a été condensé de 39 heures en cinq jours à 39 heures en quatre jours. "L’an passé, au mois de mars, il y avait des hausses de carburant assez importantes. L’idée pour moi était de concentrer le travail sur quatre jours pour éviter des déplacements, des utilisations de véhicules à la fois pour mes salariés, mais aussi pour l’entreprise."
La journée "est très longue" mais seulement d'avril à fin septembre. Ces longues amplitudes horaires ne peuvent pas être tenues en hiver en raison notamment de la météo.
En contrepartie de ces trois jours de repos consécutifs, le chef d'entreprise a demandé à ses salariés un gain de productivité. "On a une efficacité en lien avec l’objectif de finir le chantier le jeudi soir. Ça peut créer un défi, stimuler." Le contrat semble rempli, Bertrand Briero doit refaire un point avec ses équipes dans quelques semaines pour continuer avec ce modèle de travail.
"La première semaine est un peu difficile, mais après, une fois qu’on a pris le rythme, ça se fait assez bien", témoigne Guillaume Renault, charpentier. Pour ce père de trois enfants, travailler deux heures supplémentaires chaque jour est une "mini-contrainte" comparée à la "récompense" d'un jour de repos supplémentaire.
Si une entreprise ne me propose pas des conditions de travail équivalentes, c’est impossible pour moi de bouger, ce n'est même pas envisageable. J’ai redécouvert ce qu'était la vie sociale. Donc pour rien au monde je bouge, c’est impossible.
Thibault GuélouSalarié Nova Energie
Inadapté pour certains postes
Mais des inconvénients à cet emploi du temps existent. "On peut être des fois gêné sur des chantiers en démarrant tôt, par des fournisseurs qui ne sont pas encore ouverts. Par exemple, si nous avons besoin de passer chez un marchand de matériaux", souligne Bertrand Briero. En cas de grosses journées de pluie, il faut savoir être flexible pour rattraper la journée perdue un vendredi, "en commun accord avec les équipes".
Sur les 40 salariés de l'entreprise, huit ne travaillent pas sur quatre jours, car la formule n'est pas compatible pour tous. "Les techniciens, magasiniers, et chargés d’affaires doivent, le vendredi, préparer la semaine du lundi pour être le plus efficace possible."
Mais pour les salariés concernés par la semaine de quatre jours, ce nouvel emploi du temps est devenu un nouvel argument de choix d’emploi. "Si une entreprise ne me propose pas des conditions de travail équivalentes, c’est impossible pour moi de bouger, ce n'est même pas envisageable, assure Thibault Guélou. J’ai redécouvert ce qu'était la vie sociale. Donc pour rien au monde, je bouge, c’est impossible."
Ces modèles de semaine de 4 jours restent minoritaires. Selon le ministère du Travail, 10 000 salariés seraient concernés par les 35h sur quatre jours. Passer à la semaine de 4 jours sans baisser son temps de travail, a de quoi rebuter. Au début de l’année, une expérimentation a eu lieu à l’Urssaf en Picardie. Seuls 3 salariés sur 200 ont décidé de tenter le coup.