"C'est une aberration de continuer à parler de croissance". Quand le directeur d'une grande enseigne de distribution décide de devenir maraîcher bio

Olivier Mosset avait un avenir tout tracé. Pourtant, il a sauté dans le grand bain d'une reconversion professionnelle. Taraudé par une vieille envie de retour à la nature, cet ancien cadre dans la grande distribution est devenu maraîcher bio sur une petite exploitation.

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Longtemps, Olivier Mosset a exercé des métiers de cadre dans la grande distribution. À 53 ans, il était responsable d'une grande enseigne d'hypermarché.

Aimer viscéralement la nature

Enfant, Olivier vit à la campagne. "Jeune, je baignais dans le monde agricole, j'aidais mon grand-père à rentrer les agneaux et m'émerveillais des agnelages. L'été, en vacances chez ma grand-mère avec les copains, nous participions au ramassage des bottes de paille. Avec notre baluchon, nous partions à la cueillette de la camomille, étions payés en fonction du poids de notre récolte", raconte Olivier Mosset.
Il apprend ainsi la valeur du travail, à vivre dans la nature sans avoir peur des insectes, à accepter qu'il y ait des herbes qui poussent partout. Son amour pour la nature ne le quittera jamais, mais il s'en éloigne petit à petit, aspiré par le tourbillon de la vie.

S'engager pour un monde meilleur

Olivier Mosset estimait que sa vie n'avait plus de sens depuis des années.

" Je trouvais le monde d'une absurdité écologique dans la surconsommation et la pollution."

Olivier Mosset

"Dans ce mouvement effréné, nous sommes devenus hors-sol, sans autonomie de notre alimentation. Nous vivons enfermés dans notre logement souvent éloigné de toute végétation, nous allons travailler sous les néons, nourris de produits sous cellophane, suremballés, sans en connaître les saisonnalités, avec un impact environnemental et sanitaire de plus en plus négatif. C'est exactement le contraire de la société dont je rêve. Que reste-t-il ? Comment construire un avenir durable loin de la nature ?", s'interroge-t-il. Il ne supportait plus l'idée d'alimenter cette chaudière qui ne l'amenait pas là où il voulait et il se questionnait, "Quel mouvement puis-je amorcer pour commencer la transition ?"

Respecter ses idéaux

Certain de ses convictions, il sentait qu'il devait se lancer dans ce nouveau projet. Le salaire qui tombait à la fin de chaque mois ne suffisait plus. La recherche d’informations, les réunions dans le réseau CIVAM, les échanges avec les agriculteurs locaux, petit à petit les solutions du projet sont nées, ont pris forme.

Au bout de sa réflexion, il ne vivait plus seulement cette expérience qu'avec sa tête, mais également avec son corps et son cœur, en peinant à changer ses repères, ses habitudes. "Je ne remets jamais en cause mon engagement, car je suis convaincu de l'urgence à lutter contre la perte de biodiversité, les maladies chroniques liées à l'alimentation et à l'environnement", souligne cet homme engagé.

"C'est une aberration de continuer de parler de croissance encore aujourd'hui. Face à tous ces indicateurs, j'ai la ferme conviction que nous paierons les répercussions beaucoup plus chères dans l'avenir. Notre santé, le climat, la pollution des sols, des cours d'eau nous le diront."

Olivier Mosset

Saisir une opportunité, partir sans trop de risques

Cadre depuis 30 ans dans la grande distribution, en septembre 2019, il saisit l’occasion d’un plan de restructuration pour se lancer. Une voix intérieure lui dit d'y aller et tient son âme comme une place forte. Elle veille. L'envie est la plus forte. Sa famille le soutient pleinement.

"J'allais plonger, car c'est vraiment un plongeon, j'enclenchais un compte à rebours pour me lancer dans l'aventure."

Olivier Mosset

Choisir sa formation

Il s'inscrit au Centre de Formation Agricole Rennes-Le Rheu (CFPPA) pour obtenir un Brevet Professionnel Responsable d'Entreprise Agricole (BPREA) afin de devenir responsable d'exploitation agricole biologique. À l'école, il apprend les bases du maraîchage diversifié. Sa formation comporte des cours d'agronomie, de biologie, de pratique culturale sur exploitation, d'économie, de comptabilité... Il réalise son stage de terrain chez Xavier Moizière et Brice Tandille (précurseur du maraîchage sur sol vivant sur le département). L'idée de son projet commence à se construire.

"Plus jeune, plus mobile, j'aurais visité de nombreuses fermes, me serais inscrit dans des associations, aurais fait plus de stages, pour m'aguerrir. Mais à 53 ans, je n'avais pas d'autres choix que de me lancer avec mon peu d'expérience pratique."

Olivier Mosset

Sortir des standards de l'agriculture, une micro ferme pour vivre

Le maraîchage est pour lui la voie idéale pour un retour à la terre. Il correspond à son projet de vie et à son budget. Deux paramètres l'intéressent : une petite surface et du maraîchage bio sur un sol vivant qui offrira un large choix de légumes pour ses clients. Cette pratique de culture (MSV) s'inspire de la nature où les végétaux poussent sans l'intervention humaine. Il s'agit de reconstituer dans les parcelles agricoles le cycle naturel de la fertilité des sols par l'arrêt du travail du sol et l'apport de matière organique au sol (MO). Ce petit modèle de ferme peu mécanisé est le moins coûteux. Fin septembre 2020, le diplôme en poche, il se lance à la recherche d'un terrain.

Trouver une petite surface de terre

Il frappe à toutes les portes pour trouver une terre agricole de 2 à 5 hectares disponible. Un agriculteur conventionnel qui partait à la retraite préfère conforter une exploitation agricole existante : ce ne sera pas là. Un agriculteur bio propose des terres qui s’avèrent être classées en zone naturelle : l’installation de serres et de hangar ne sera pas possible. Finalement, Pierre-Yves Héluard, agriculteur bio, producteur de sarrasin à Pont-Péan en Ille-et-Vialine, lui propose 1,6 hectare de ses terres et de lancer ensemble une vente à la ferme. " L'histoire démarre ainsi à la ferme de la Touche-Audienne à Pont-Péan", explique le chef d'entreprise.

S'installer, et produire au plus vite

Dans ce que qualifie le paysan de "grand chantier", les serres se construisent en premier afin de produire rapidement, la construction du hangar suit. À l'aise avec l'organisation, la gestion, il avait encore tout à apprendre du travail de la production des sols. Il savait que c'était très dur de démarrer seul, très vite les proches se sont impliqués dans son projet durant leurs week-ends. Les amis, collègues et voisins ont mis la main à la pâte pour l’installation.

Vendre où ? À qui ? Une commercialisation en circuits courts

Il devait trouver des débouchés : en complément de la vente à la ferme du vendredi et mardi soir, il fait le marché du mercredi matin à Laillé. Son site internet regroupe les produits complémentaires de plusieurs fermes voisines et propose des paniers bio à divers points de vente. Il livre également des magasins bio et des restaurants engagés.

Trouver de nouveaux débouchés demande beaucoup d'énergie. Les habitudes changent, mais lentement. Il ne faut pas rêver, ce n'est pas gagné."

Olivier Mosset

Continuer à se former, échanger pour progresser

Le paysan adhère à Agrobio35, un groupement d'agriculteurs bio en Ille-et-Vilaine qui anime, crée des liens entre les intervenants du réseau bio du département. Soutien technique, formations, animations de groupes de travail sur différents projets, diffusions d'un magazine qui aborde toute l’actualité, des témoignages, des bonnes pratiques sont autant de conseils qui aident l'agriculteur à s'informer et se former.

Développer une stratégie pour travailler avec la nature

Dans le bio, le maraîcher doit travailler avec la nature. Il y a toujours une stratégie à réfléchir pour faire face aux ravageurs (limaces, pucerons...) et maladies (mildiou, oïdium…). Les capucines, bourraches, soucis implantés dans la serre permettent de fixer les auxiliaires (syrphe, coccinelle, abeille, bourdon…). "Par exemple, l'année dernière, j'avais de nombreux pucerons sur mes poivrons. Quatre jours plus tard, ils étaient tous mangés par les auxiliaires. Les plantes sauvages nourrissent les ravageurs et servent donc de garde-manger aux coccinelles, syrphe et autres insectes auxiliaires", explique le cultivateur.

Lutter pour la souveraineté alimentaire

Olivier Mosset regrette qu'après 1960, le couple paysan-paysage se soit étiolé. Les liens avec les citoyens se sont distendus. Les effets sur l’environnement sont désastreux (épuisement des sols, pollution des eaux, chute de la biodiversité…). Sous les courbes de productions ascensionnelles, les fermes se sont agrandies. Devenues trop chères, les exploitations agricoles deviennent de moins en moins accessibles aux jeunes agriculteurs et les actionnaires s’en emparent.

"Il faut réinstaller progressivement des exploitations agricoles de petites tailles autour de chez nous, c'est notre souveraineté alimentaire qui est en jeu. Les modèles agricoles conquérants ont montré leurs limites."

Olivier Mosset

Agir pour sa santé et l'environnement

Olivier et sa femme sont réticents aux traitements chimiques. La question polémique "peut-on nourrir le monde avec le bio ?" l'intéresse depuis longtemps. De nombreuses lectures spécialisées lui permettent de se forger son opinion. « La fécondité des sols » d'Hans Peter Rusch et « L'agriculture naturelle » de Fukuoka, « Le monde selon Monsanto » et « Sacrée croissance » de Marie Monique Robin, les travaux de l’ONU sur les droits à l’alimentation l'ont beaucoup marqué.

"Mes lectures m'ont permis de comprendre qu’un autre mode de production était possible et nécessaire pour être durable et juste."

Olivier Mosset

Il cultive ses parcelles selon des techniques de travail minimal du sol pour enrichir sa terre. Vendus en circuits courts, ses légumes sont produits dans l’optique de réduire l’empreinte écologique et créer du lien avec les consommateurs.

Vivre d'une sobriété heureuse

Passées les premières courbatures du matin au pied du lit, il est très heureux de ce qu'il fait. 

"Ce travail est la meilleure façon de respecter les gens. Cette vie sobre a changé mes repères. Je me crée moins de besoins. Je suis moins futile. La nature procure un immense bien être.",

Olivier Mosset

Le matin, le chant des oiseaux accompagne et égaie son parcours vers la ferme. En ce moment, des chevreuils et des faisans apportent une touche de beauté supplémentaire à la lisière des champs qui entoure son exploitation. Il accorde une attention, une importance particulière aux moments de beauté qui jalonnent ses journées, il les trouve bouleversants, cela le porte, l'aide et vient contrebalancer ses moments durs. 

"Au-delà de la performance, nous ne voyons pas toujours la simple beauté de la nature".

Olivier Mosset

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