"L'islamo-gauchisme n'est pas un concept scientifique." La fronde des universitaires contre leur ministre

Les enseignants et chercheurs des universités de Rennes dénoncent, comme plus de 800 membres du personnel de l'enseignement supérieur en France, l'indignité de leur ministre de tutelle qui persiste à demander une enquête scientifique sur l'islamo-gauchisme à l'université. 

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La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation Frédérique Vidal persiste et confirme ce 21 février dans un entretien au JDD le lancement d'une "étude scientifique" ayant pour sujet l'"islamo-gauchisme" et le post-colonialisme à l'université. Et conforte le profond rejet des universitaires pour un propos jugé diffamatoire pour la profession.

Evoqué une première fois le 14 février sur la chaine CNews, réitéré deux jours plus tard à l'Assemblée nationale, ce projet d'enquête de la ministre a conduit plus de 800 chercheurs et universitaires français, dont une dizaine d'enseignants de l'Université de Rennes, dénoncent dans une tribune publiée dans Le Monde de ce dimanche 21 février "la menace d'une répression intellectuelle" qui viserait précisément "les études post-coloniales et décoloniales, les travaux portant sur les discriminations raciales, les études de genre et l'intersectionnalité".


L'islamo-gauchisme n'est pas un concept scientifique

Déplorant une stratégie électorale destinée à récupérer des voix à l'extrême droite, Fanny Jedlicki, maîtresse de conférences en sociologie à Rennes-II rappelle que "l'islamo-gauchisme n'est absolument pas un concept scientifique, c'est une terminologie qui est ancrée dans l'extrême droite, qui essaie de se faire passer pour quelque chose de plus sérieux et qui n'existe pas dans nos universités."

Dans un entretien accordé à la radio étudiante rennaise C-Lab, Fanny Jedlicki explique que ces déclarations ravivent l'inquiétude des chercheurs quant à une volonté de contrôle de leurs recherches. Des craintes apparues, notamment dans les sciences humaines et sociales, avec la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) adoptée contre l'avis majoritaire des universitaires et promulguée fin décembre. Une loi qui favorise notamment les partenariat public-privé et les financements issus des entreprises privées dans la recherche. "L'autonomie scientifique de la recherche, le fait que les sujets, objets et méthodes de recherche sont définis par des chercheurs, elle est restreinte depuis un moment, et de plus en plus inféodée aux politiques. Par les institutions, et par les financements."

 

La situation actuelle est dramatique, et on est en train de s'occuper d'autre chose

Fanny Jedlicki

Un écran de fumée

Pour les universitaires, la polémique actuelle est un écran de fumée qui ne saurait masquer le péril bien réel qui menace l'enseignement supérieur : le manque de moyens.

Un péril conjoncturel : "On n'a absolument aucun moyen pour mettre en place des mesures sanitaires convenables pour accueillir les étudiants", déplore la sociologue.

Et un péril structurel : "Ce qui entrave notre travail, c'est l'insincérité de la LPR, c'est le sous-financement chronique des universités, le manque de recrutements pérennes, la pauvreté endémique des laboratoires" dénoncent les signataires de la tribune parue dans Le Monde, qui demande la démission d'une ministre qu'ils estiment "indigne de nous représenter".

 

 

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