À Cesson-Sévigné, près de Rennes, un collectif de riverains se bat pour éviter que 3 200 arbres soient arrachés afin de permettre l'installation d'un parc de 4 300 panneaux photovoltaïque.
"On est venu habiter à la campagne pour la biodiversité. Arracher 3 200 arbres au minimum pour installer un parc photovoltaïque est une aberration. On n'est pas contre des panneaux solaires, mais pas en arrachant ces arbres. Il y a de la place autour pour installer ces panneaux." Laure Le Douarec ne décolère pas. En charge du collectif Les hameaux branchés, cette habitante de Cesson-Sévigné en Ille-et-Vilaine, nous explique pourquoi les habitants du hameau de la Salmondière situé près du lieu-dit Gohorel se battent contre l'arrachage de ces arbres.
Un recours auprès du tribunal administratif
Le jeudi 29 février, le collectif composé de plus d'une dizaine de familles et la LPO (Ligue de protection des oiseaux) ont déposé un recours au tribunal administratif de Rennes contre le permis de construire de la préfecture d'Ille-et-Vilaine d'une centrale photovoltaïque située sur un terrain entre Cesson-Sévigné et Domloup, deux communes proches de Rennes. Un recours déposé car, selon le collectif, les multiples recours gracieux avec des courriers à EDF, à la mairie de Cesson-Sévigné, à la métropole rennaise, à la préfecture et au Département sont restés lettres mortes.
Une parcelle issue de la construction de la LGV
La parcelle concernée par ce projet de centrale solaire est une bande de plusieurs dizaines de mètres de large et plusieurs centaines de long, qui longe la ligne LGV dans la campagne cessonnaise. D'une superficie de plus de 2 hectares, ce terrain a été façonné à la suite des travaux de construction de la ligne ferroviaire à grande vitesse.
Pour la réalisation de la LGV, SNCF réseau avait acquis de nombreuses terres agricoles et terrains. Les travaux titanesques de construction avaient généré dans ce secteur des milliers de tonnes de matériaux (roches, remblais, terre, ...). L'État avait fait obligation de déposer tous ces matériaux au plus près du chantier et de remettre en état de terre agricole les terrains adjacents aux voies. Il était aussi demandé de réaliser des aménagements paysagers pour intégrer la LGV à l'environnement. C'est ainsi que fin 2015, des remblais rocheux de plusieurs mètres de haut recouverts d'une bonne couche de terre ont été réalisés sur ce secteur pour planter progressivement des milliers d'arbres.
Dorénavant, des arbres de plusieurs mètres de haut occupent le terrain concerné.
Un projet de centrale solaire de 2,4 MWc
Alors que SNCF Réseaux devaient entretenir cette parcelle, ce qu'elle a fait durant plusieurs années, selon l'ADC, l'Association de Défense du Cadre de Vie des hameaux Sud de Cesson-Sévigné, il s'avère que "cet entretien est délaissé depuis trois ans, ce qui permet à l'entreprise de dire que l'on a affaire à une friche" nous explique Eddard Blot, président de l'ADCV.
C'est donc bien sur cette parcelle "délaissée par SNCF Réseaux" que cette même entreprise a confié en 2022 la tâche à EDF Renouvelables France de réaliser une ferme solaire de plusieurs milliers de panneaux photovoltaïques. La centrale atteindra une puissance totale d’environ 2,4 MWc, "permettant d’alimenter environ 1 100 habitants et de réduire l’émission de gaz à effet de serre de 50 tonnes par an" est-il précisé dans les textes de l'enquête publique.
"Que ce soient les riverains du hameau de la Salmondière ou les membres de notre association, nous sommes favorables aux énergies renouvelables et trouvons louable que la SNCF cherche à utiliser certains de ses terrains pour y produire de l'énergie solaire qui pourraient faire rouler ses trains, mais on est contre l'arrachage des 3.200 arbres que l'on a recensés. On estime qu'il y a d'autres endroits pour le faire" explique le président de l'ADCV. "Tout cela est incohérent" ajoute-t-il.
Une enquête publique "bâclée"
Pour Laure Le Douarec, l'enquête publique menée du 5 octobre au 7 novembre 2023 a été "bâclée", peu de monde ayant eu connaissance de cette enquête et de ce projet. Elle considère que la ville de Cesson-Sévigné a plutôt mis en avant dans ses communications plusieurs autres projets solaires sur son territoire dont "celui du Bois de la Justice sur 10 hectares qui lui ne nécessite pas l'arrachage d'arbres". "Seule, l'ADCV a eu le temps d'intervenir en urgence lors de cette enquête pour émettre des réserves" précise-t-elle.
La riveraine reproche aussi à la mairie d'avoir donné un avis favorable à ce projet alors que les études menées par la ville pour identifier tous les lieux urbains où l'implantation de panneaux solaires est possible sur la commune, "ont démontré qu'il y avait un fort potentiel sur des toitures, des parkings et même au sol, et tout ceci sans arracher des arbres" fustige Laure Le Douarec.
Vu les résultats de l'enquête publique, favorables au projet, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris un arrêté, le 4 janvier dernier, accordant le permis de construire.
EDF Renouvelables France a assuré que les travaux ne commenceront pas avant mi 2025. "Des travaux, qui en plus, vont générer des nuisances sonores, car ils ont prévu de raser la butte de plusieurs mètres de haut" ajoute Laure Le Douarec.
Les riverains ont espoir que la décision du tribunal administratif concernant leur recours en contentieux leur soit favorable. Le jugement devrait tomber d'ici à un an maximum, soit avant le début des travaux.
De son côté, l'ADCV va déposer un recours gracieux avant la fin du mois de mars.