La double peine. Ebranlés par les images de la guerre en Ukraine qui ravivent leurs souvenirs de l'occupation, les personnes âgées affichent leur solidarité. Témoignages émouvants dans une résidence à Rennes.
"Quand on voit ces images, nous tous ici, on a du mal à manger, c’est une horreur, mais il faut penser à ces gens là. Etre solidaire". A Rennes, Marie-Thérèse et Yvonne, 88 et 89 ans, pensionnaires d'une résidence pour personnes âgées, se souviennent de leur enfance sous l'Occupation. Affichent leur solidarité avec l'Ukraine. Et citent Paul Eluard.
A Rennes, cet après-midi là, ils sont une trentaine de résidents, rassemblés par May-Yang Moua, l’animatrice de la résidence pour seniors Espace et Vie.
Pendant une heure, avec énormément d'émotion, ces personnes âgées venues témoigner de leur solidarité avec l'Ukraine, vont raconter comment les images de la guerre ravivent leurs souvenirs d'enfance sous l'occupation.
Depuis le début du conflit, explique May-Yang, "les plus anciens sont doublement meurtris. Cette guerre les bouleverse, comme chacun d’entre nous, mais elle réveille aussi de profondes cicatrices. Alors ils m'ont demandé d'organiser ce temps d'échange pour libérer la parole, leur permettre d'extérioriser."
On ne peut pas avoir la paix !
Marie-Thérèse
Habillée de jaune et de bleu, Marie-Thérèse Vaucelle, 88 ans, se rappelle des bombardements de Bruz de mai 1944. Quand les avions britanniques voulant détruire un dépôt de munitions allemand avaient raté leur cible, dévastant la commune, avec à la clé un terrible bilan, 183 morts, 300 blessés, 600 sinistrés…
Une douleur d'enfance qui ressurgit avec les images des bombardements en Ukraine, que Marie-Thérèse voit défiler impuissante sur son petit écran : "On croyait être quitte, et voilà que ça recommence. Nos enfants en auront autant que nous. L’homme doit se battre, c’est pas possible, on ne s’en sort pas. On ne peut pas avoir la paix ! ".
Je me souviens d'un poème d'Eluard, avec une lumière à la fin... Liberté.
Un peu plus loin, elle aussi vêtue aux couleurs de l'Ukraine. Yvonne Le Henaff, 89 ans, originaire des Monts d'Arrée. L'invasion par la Russie la replonge aussi dans ses souvenirs de l’occupation.
"C’était la première fois que la guerre venait jusqu’à chez nous" se souvient Marie-Thérèse, "et là, aujourd’hui, quand on voit ces images, nous tous ici, on a du mal à manger, c’est une horreur, mais il faut penser à ces gens là."
"Alors je me rappelle un poème d’Eluard, Liberté. Avec à la fin une lueur d’espoir"
Avec ses résidents, May-Yang l'animatrice n'a pas fait qu'écouter. Elle a aussi noté pour chacun d'entre eux sur des post-it, leurs témoignages de solidarité avec l'Ukraine. De quoi faire battre sur le mur de la résidence un cœur en jaune et bleu.