LANGUES RÉGIONALES. "Haï don" ! Le gallo s'affiche en Bretagne

Ces derniers jours, dans les rues de villes, dans les gares, des affiches interpellent les passants. On y voit une jeune femme enlacer un arbre en souriant, un homme qui prend la pose et on y lit des légendes qui évoquent des chansons populaires. "Il en faut peu pour y’étr benéze !" (Il en faut peu pour être heureux) "Hanës comme jamais ! "(Sapés comme jamais). Du gallo sur des affiches, c’est une première. La Région Bretagne a décidé de communiquer sur le gallo, l’autre langue régionale bretonne.

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En 2018, la Région Bretagne a mené une grande enquête sociolinguistique. "40 % des personnes interrogées ne savaient pas que le gallo existait. Ça vous remet tout de suite dans le bon sens, lance Kaourintine Hulaud, conseillère régionale déléguée à la langue gallèse. Nous nous sommes dit qu’il fallait qu’ils connaissent cette langue."

Le gallo et le breton sont officiellement reconnus, aux côtés du français, comme les deux langues vivantes de la région.

Le gallo est une langue d’oïl, issu du latin. Il est parlé en Bretagne à l’est d’une ligne qui va de Plouha, dans le Nord, à la presqu’île de Rhuys dans le Sud. Le gallo compte aujourd’hui 191.000 locuteurs, presque autant que le breton (213.000 locuteurs).

"Cette campagne d’affichage, on voulait que ce soit quelque chose de sympa, de notre temps. Des photos et des messages qui disent que le gallo est une langue d’aujourd’hui" décrit l'élue régionale.

LIRE : Astérix et Obélix parlent désormais (aussi) le gallo

Une langue souvent niée 

"Car beaucoup ont "mangé" leur gallo, poursuit Kaourintine Hulaud. Ils avaient tellement honte de leur langue qu’ils ne voulaient surtout pas la transmettre à leurs enfants ou à leurs petits-enfants. Le gallo a un handicap, c’est qu’il est très proche du français. Longtemps, on a cru que ceux qui parlaient gallo parlaient mal le français… Et ça a été vu comme un truc de paysans."

On leur a mis dans la tête que c’était moche, que c'était un truc de ploucs

Jerom Bouthier

Directeur Institut de la langue gallèse

"Dans l’étude de 2018, observe Jerom Bouthier, directeur de l’Institut de la langue gallèse, dans les 40% qui affirment qu’ils ignoraient l’existence du gallo, il y a des gens qui effectivement n’en avaient sans doute jamais entendu parler… Et il y a des personnes qui répondaient en gallo à la question : "connaissez-vous le gallo ou le patois ?" "Mai, nona, je cauze pâs le galo". "Moi, non je ne parle pas le gallo". C’est un phénomène très connu des sociolinguistes, le déni, précise-t-il . On leur a mis dans la tête que c’était moche, que c'était un truc de ploucs. Donc pour eux, c’est connoté négativement, et il y a une forme de rejet inconscient de la chose. Ils ont ce déni en eux et ne peuvent plus s’en défaire."

"Pendant des années, le gallo était associé au milieu rural, à la misère. On avait un peu honte de ses parents, de ses grands-parents, on se demandait, ils vont dire quoi mes copains s’ils viennent à la maison."

Une richesse immatérielle

Quelques années plus tard, quand il a demandé à son père de lui apprendre le gallo, Jerom Bouthier a essuyé un refus. "Ce n’est pas une langue de sciensous ! ". "Pour trouver du travail, se présenter en société, il pensait que ce n’était pas bien de parler cette langue" relate le directeur de l'Institut de la langue gallèse

"C’est une forme de racisme que l’on s’inflige à soi-même, continue Jerom Bouthier qui revient sur l’étude de 2018. Quand les enquêteurs discutaient avec des bretonnants, on leur disait, moi je parle breton, le vrai breton, mais là-bas, ils n’ont pas le même breton. Pour le gallo, c’est l’inverse, on leur répondait, moi je ne parle pas bien, mais là-bas, plus loin, ils maîtrisent. Le gallo, c’est toujours une vision négative."

"Avec 191 000 locuteurs, il n’y a pas 36 solutions  analyse Jerom Bouthier, soit on laisse le gallo mourir avec les derniers locuteurs, soit on l’aide et on le valorise."

Le gallo, ce n’est pas un défaut, c’est une richesse

Jerom Bouthier

Directeur de l'Institut de la langue gallèse

"Le gallo, ce n’est pas un défaut, c’est une richesse. C’est même constitutif de notre histoire. C’est notre diversité. La tristesse serait de tout voir s’uniformiser."

Le gallo au quotidien

Ces dernières années, des formations ont été mises en place avec le rectorat pour former les enseignants qui souhaitent transmettre le gallo aux enfants. Une cinquantaine de professeurs ont été formés.

"Il n’y avait rien ! Rien du tout, se souvient Kaourintine Hulaud, et notamment dans les petites écoles. On ne pouvait compter que sur le bon vouloir de quelques instituteurs qui avaient des notions de la langue… Aujourd’hui, nous sommes à 1.250 élèves qui ont 15 minutes de gallo chaque jour en primaire et 215 qui suivent l’option au collège ou au lycée."

Et l’élue s’émerveille de voir que cela crée des nouvelles relations dans les familles et de nouveaux liens avec la langue." Les grands-parents connaissaient souvent des comptines qu’ils n’osaient surtout pas apprendre à leurs petits-enfants. Aujourd’hui, les petits-enfants sont fiers de les chanter et cela change le regard des anciens sur la langue."

Le gallo est aussi de plus en plus présent au quotidien. De nombreuses communes, entreprises, associations l’ont adopté. L’Institut de la langue gallèse accompagne les volontaires. Certaines choisissent de faire entrer le gallo par le biais de la signalétique, des panneaux routiers principalement,  d’autres achètent des livres en gallo pour leurs bibliothèques, organisent des spectacles, des soirées contées…

Kaourintine Hulaud aimerait voir la langue plus présente aussi dans les médias. "Je ne suis pas jalouse du breton, précise-t-elle, mais si on pouvait entendre de temps en temps, un peu de gallo à la télé… Et pas seulement pour parler ruralité ou alcoolisme. Du gallo pour parler des questions d’aujourd’hui !"

Avec une photo et un slogan, les affiches veulent nous inviter à réfléchir à toutes ces questions. Notre rapport à la langue, au territoire, à l’histoire de la région.

"Ces affiches, elles nous donnent de l’espoir, termine Jerom Bouthier, elles nous disent : "Allons-y !,Haï don !"

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