Même dans des villes comme Rennes, traditionnellement ancrées à gauche où Marine Le Pen n'a obtenu que 7,3% des suffrages au premier tour des élections de 2022, le Rassemblement national attire l'attention de jeunes militants. Ces derniers affirment que les idées du parti sont de plus en plus acceptées, même si elles étaient auparavant considérées comme taboues.
Même à Rennes, bastion de gauche où Marine Le Pen n'a recueilli que 7,3% des voix au premier tour en 2022, le Rassemblement national parvient à séduire de jeunes militants, qui assurent que leurs idées y sont "de moins en moins taboues".
20 ans et militants au RN
Avec une mère militante au RN depuis des années, c'est un peu par tradition familiale que Jeanne Maupetit, 21 ans, est tombée dedans. "Quand j'ai eu 18 ans, j'ai fait une pause pour savoir si c'était ce que je pensais ou à cause de ma famille. Et je me suis rendue compte que c'était vraiment mes idées", affirme à l'AFP cette responsable de circonscription en Ille-et-Vilaine menant campagne pour les élections européennes. Pour ce scrutin, celle qui a grandi dans la campagne bretonne veut "mettre en avant la ruralité, le localisme, le pouvoir d'achat."
Le chemin menant au parti à la flamme n'était pas aussi nettement tracé pour Léonard Thomazo, étudiant en droit et responsable des jeunes du parti pour le département. Avec une famille "proche de la droite libérale" et des grands-parents socialistes, qui ont une lettre de François Mitterrand encadrée dans leur salon, "les repas de famille sont assez animés", sourit ce jeune homme de 20 ans. "On prononçait le nom de Marine Le Pen à table et ça se lançait des fourchettes à l'autre bout", confie-t-il.
"Des idées moins taboues"
Aujourd'hui il a "l'impression que le débat sur le RN et ses idées est de moins en moins tabou." "Même avec mes oncles et mes tantes qui ont toujours été très mélenchonistes, on peut discuter", affirme le militant, concédant avoir en revanche "perdu quelques amis de longue date" qui trouvaient que le RN allait "vraiment trop loin".
Même avec mes oncles et mes tantes qui ont toujours été très mélenchonistes, on peut discuter.
Léonard Thomazo, 20 ansmilitant au Rassemblement national
Mikaël Pop-Schuh, étudiant à Sciences Po Rennes tout juste âgé de 18 ans, a lui "grandi dans un univers de gauche". "Et puis j'ai commencé à m'intéresser à ce qui se passait au-delà de mon village de Plélan-le-Grand, et j'ai découvert beaucoup de choses que je ne trouvais pas normales", raconte-t-il.
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Une peur face à l'insécurité
"L'idéologie de gauche en soi, elle est bien : aider les gens, protéger la planète, personne n'est contre. Mais la vision qu'ils ont de la société est complètement en décalage avec la réalité, pour moi ils vivent dans une société parallèle", estime Mikaël.
"Cette gauche, ce n'est plus celle des Lumières", déplore-t-il, l'accusant d'être "ambiguë sur l'islamisme" et l'insécurité liée, selon lui et ses camarades, à l'immigration. Il reconnaît toutefois que son village est épargné, expliquant "avoir peur globalement pour la sécurité des Français".
"On n'est pas contre l'immigration", intervient Léonard Thomazo : "des migrants qui viennent en France avec la volonté de s'intégrer, de travailler en France dans les valeurs de la République, il n'y a aucun problème".
"Mais on ne doit pas dépendre de l'immigration pour notre main-d'œuvre, il faudrait un peu 'refranciser' et permettre aux Français de trouver un travail", ajoute-t-il.
Des convictions difficiles à porter
Lorsque Mikaël a annoncé à ses parents qu'il rejoignait le RN, "ça a été très violent, il y a eu des cris, des insultes", mais "maintenant ils tolèrent mon engagement".
A Sciences Po, "les gens restent relativement corrects avec moi" mais "c'est quand même pas facile quand vous savez que 90% de l'école où vous allez tous les jours vous déteste et crache sur vos idées", lâche-t-il.
C'est dur également pour Léonard à la fac de droit, "fortement à gauche à Rennes", où souvent "on se fait mal regarder". La façade de son appartement a été taguée d'une inscription menaçante faisant explicitement référence à son soutien au RN, ajoute-t-il.
L'héritage d'un parti issu du Front national (FN), associé au racisme et à l'antisémitisme, n'est-il malgré tout pas lourd à porter ?
"Je ne pense pas que j'aurais pu rejoindre le FN de Jean-Marie Le Pen", tranche Léonard. "Je ne me retrouve pas dans ces idées. Et les propos qu'il a pu tenir, moi aussi je les trouve choquants."
Mais "le RN, ça n'est plus ça, ça a changé", insiste-t-il, récusant l'appellation d'"extrême droite" pour son parti.
AFP/Laurent Banguet