Le procureur général près la cour d'appel de Rennes vient de communiquer les chiffres concernant les violences conjugales et intrafamiliales de 2019 en Bretagne. Un lourd bilan face auquel la justice entend mettre en place un arsenal de mesures renforcées pour mieux traiter ces affaires.
La justice va faire une priorité de la lutte contre les violences intrafamiliales dans les cinq départements de la cour d'appel de Rennes. En effet, les chiffres restent alarmant dans ce domaine.
En 2019, dix-sept femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint. "17 cas d'impuissance pour la justice " s'émeut Jean-François Thony, procureur Général près la cour d'appel de Rennes. "Nous ne pourrons pas empêcher tous ces passages à l'acte, mais des dizaines d'actions violentes ont été empêchées grâce à l'action des 110 magistrats des parquets de Bretagne et Loire-Atlantique." A l'échelle de la cour d'appel, 5 200 dossiers de violences conjugales ont ainsi été traités.
Les violences conjugales représentent 23.1% des faits de violences constatés par les services d’enquête en 2018, soit 6 639 faits, dans le ressort de la cour d’appel de Rennes, soit une augmentation de 2% entre 2017 et 2018.
Parmi ces infractions, on compte 19 homicides, 184 faits de violences sexuelles, 1 304 faits de menaces ou chantages et 5 132 faits de violences volontaires.
En général, les affaires de violences conjugales comportent un unique auteur et une seule infraction. 74% des auteurs n’ont commis qu’une seule infraction dans l’affaire, 16% en ont commis deux, dont au moins une de violences conjugales et 10% trois ou plus. Parmi les infractions secondaires repérées dans les affaires de violences conjugales, on trouve majoritairement des menaces de mort réitérées, des dégradations ou détériorations de biens d’autrui et des appels téléphoniques malveillants réitérés.
Une réponse pénale pour 8 auteurs de violences conjugales sur 10
Parmi les affaires poursuivables, 8 auteurs de violences conjugales sur 10 ont fait l’objet d’une réponse pénale. Le premier niveau de réponse pénale est la mesure alternative aux poursuites, qui peut être décidée pour réparer le dommage causé, mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou contribuer au reclassement de l’auteur des faits. Certains ayant dû accomplir un stage spécifique ou payer une amende.
Pour 11% des auteurs, le parquet a estimé que les faits étaient d’une telle gravité qu’il fallait les poursuivre en comparution immédiate. Cette gravité peut se refléter dans des circonstances aggravantes, relevées par le parquet, en particulier l’état d’ébriété de l’auteur ou l’usage d’une arme.
Les condamnations prononcées en 2017
98% des personnes poursuivies pour violences conjugales ont été déclarées coupables par les tribunaux correctionnels du ressort de la cour d’appel de Rennes en 2017. Les juges ont prononcé 9 fois sur 10 une peine d’emprisonnement, assortie d’un sursis dans 60% des cas.
Mieux évaluer la vulnérabilité de la victime
Les procureurs de la République de Rennes et de Saint-Malo ont par ailleurs décidé d’engager un travail d’état des lieux approfondi.L'objectif : définir à la fois des objectifs communs et des actions (au besoin innovantes) complémentaires afin d’aboutir à la définition d’un schéma directeur départemental au début de l’année 2020.
Pour ce faire, quatre groupes de travail ont été constitués :
- la prévention des violences faites aux femmes (piloté par la déléguée départementale au droit des femmes),
- le parcours judiciaire de la victime (piloté par les procureurs de la République),
- la prise en compte des auteurs et la prévention de la récidive (piloté par le service pénitentiaire d’insertion et de probation),
- la prise en compte des enfants mineurs (piloté par les professionnels de santé).
La généralisation de l’application « App-elles »
La mise en oeuvre de l’application « App-elles » expérimentée à Saint-Malo pourrait être généralisée. Une application téléchargée par la victime avec une fiche d'éléments d'information sur son "histoire" et un système d'appel direct vers le 17.
Ce dispositif vient compléter les situations ou l’enquête est en cours pour des faits graves ou contre un mis en cause au profil inquiétant. Il vient également pallier l’absence de Téléphones grave danger (TGD) qui ne peut être attribué qu’en cas d’interdiction de contact prononcé par le tribunal correctionnel.