"Ma tête ne marche pas, je n'arrive pas à dormir." Dans un gymnase occupé, paroles d'exilés condamnés à l'errance

Pour certains, cela fait fait des mois qu'ils sont ballottés dans l'agglomération rennaise. Leur dernier point de chute, c'est un gymnase de la ville de Rennes qu'ils occupent depuis le samedi 15 janvier. Rencontre avec ces migrants qui ne désirent qu'une chose, trouver un toit pour mettre fin à leur errance.

"Ma tête ne marche pas, je n'arrive pas à dormir et les enfants me demandent pourquoi on n'a pas de maison." Comme Ramzan, une centaine d'exilés occupent depuis samedi un gymnase à Rennes pour réclamer un toit pérenne après des mois, voire des années d'errance.  

       

       

Derrière de larges tapis de gymnastique noirs, dressés comme des paravents, des dizaines de familles tentent de préserver leur intimité et d'organiser leur vie.

Demandeurs d'asile, déboutés ou primo-arrivants, la plupart viennent de Géorgie, Tchétchénie ou Albanie. "Beaucoup étaient déjà là l'été dernier, dans le campement du parc des Gayeulles, à Rennes. En octobre, les Eclaireurs de France les ont accueillis près de Rennes, mais la date butoir pour quitter les lieux était le 15 janvier", explique Yann Manzi, co-fondateur de Utopia 56.       

J'ai mal au cœur pour les enfants"

Ramzan, Tchétchène, dehors depuis 2017

Ramzan a fui la Tchétchénie avec sa femme il y a dix ans. Aujourd'hui père de quatre enfants, il raconte "être dehors" depuis 2017. "J'ai mal au cœur pour les enfants. A l'automne, on a dormi quatre mois dans une voiture", lâche-t-il.

"On stresse en permanence, le petit pleure toujours et me dit "Papa, ne sors pas". Il a vu comment la police m'a attrapé pour m'emmener au centre de rétention", poursuit le trentenaire, débouté de l'asile, qui compte sur ses années de présence en France pour régulariser sa situation.

 

              

Assis sur les gradins, emmitouflé dans un blouson rouge, Elisée, Congolais de 49 ans, tend son avant-bras, barré par une cicatrice. "On m'a tiré dessus, il y avait des massacres, j'ai été emprisonné pour mes opinions religieuses mais j'ai réussi à m'évader et à venir ici en 2018", raconte cet exilé qui espère "un toit".           

Tamaria, Géorgienne de 26 ans et mère de trois enfants, ne comprend pas pourquoi "personne ne (l')aide après six mois passés de campement en campement. Mon mari était soldat dans l'armée. On a tout quitté à cause de la situation politique et là on se retrouve à la rue. On ne peut pas se laver car l'eau est froide, on ne mange que du sucré, ce n'est pas normal pour des enfants", confie-t-elle.  

               

Au centre du gymnase, des enfants sautent sur un trampoline. Quelques livres pour enfants et peluches traînent, épars. "Ils ne sont pas dans un très bon état général", relève Céline Farges, une pédiatre qui les suit depuis plusieurs mois.

"Ils sont globalement assez fatigués, très grognons, très agités, très peu accessibles aux apprentissages. Même en mettant des jeux devant les petits, on voit bien qu'ils ne savent pas jouer, qu'ils ne peuvent pas se concentrer, qu'ils sont sur le qui-vive et n'ont pas de cycle "je dors, je mange, je joue", c'est assez terrible".    

La responsabilité de l'Etat pointée du doigt   

Interrogées par l'AFP, mairie et associations pointent la responsabilité de l'Etat. "Ça fait plus d'un an qu'ils sont trimballés de solution non pérenne en solution non pérenne, c'est le ping-pong permanent avec la préfecture qui ne veut pas les prendre en charge. L'Etat ne fait pas son boulot", dénonce Yann Manzi. "On ne quitte pas un pays pour rien", poursuit-il. "Même s'ils ont un récit complètement atroce on leur dit : retourne chez toi mourir".            

1.450 personnes mises à l'abri chaque soir 

 La Préfecture a réitéré sa volonté de "trouver des solutions pérennes" et rappelé que l'État finance chaque soir la mise à l'abri de 1.450 personnes en Ille-et-Vilaine. 


"On héberge 950 personnes par jour aux frais de la mairie", explique de son côté David Travers, adjoint délégué à la Solidarité. "Ce sont essentiellement des gens qu'on désigne affreusement sous le nom de "ni régularisables, ni expulsables", un non statut insupportable qui les condamne à errer dans la précarité 5 à 10 ans avant de pouvoir prétendre obtenir une régularisation", ajoute-t-il.

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