Le procès des accusés du meurtre de Dorian Guémené se poursuit à la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine. Après l'examen des personnalités des six mis en cause, ce mardi a vu le témoignage des enquêteurs. Des questions restent en suspens, notamment le rôle de chacun des prévenus.
Le procès à la suite du décès de Dorian Guémené se poursuit à la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine. Six hommes y sont actuellement jugés, cinq pour meurtre, un autre pour destruction de preuves. Dorian, âgé de 24 ans a perdu la vie en 2018 à la sortie de la discothèque rennaise l'Espace, après avoir été roué de coups. Kévin Huruguen qui l'accompagnait a lui été blessé.
Après l’examen de la personnalité des accusés, des témoins commencent à être entendus. Parmi eux, les enquêteurs de la police.
Il n'a pas pris deux ou trois claques
Un officier de police secours est l'un des premiers à arriver sur les lieux, boulevard de la Tour D'Auvergne près de la discothèque l'Espace, appelé pour une bagarre. Il constate la présence d'un homme allongé sur le sol, torse nu, placé en position latérale de sécurité. A ses côtés, deux agent de ramassage des ordures qui lui portent les premiers soins. "Il avait une plaie saignante sur la tête, le visage tuméfié. Ils avaient mis un point de compression. On entendait des râles comme quelqu'un qui a du mal à respirer", explique-t-il. Il voit Kévin, l'ami de Dorian, crier, s'agiter, lui dire qu'il y a eu un problème dans la boîte de nuit.
Stéphanie G. directrice d'enquête en 2018 précise que l'un des agents de ramassage des ordures déclarera s'être "senti mal à un moment car la vision du visage de Dorian lui était insoutenable, un visage enfoncé".
Le médecin légiste constate des blessures sur bras et les jambes de Kévin. Il a une trace d’une semelle de chaussure au-dessus de sa joue droite.
Pendant deux heures, Stéphanie G. détaille les investigations qui ont été menées, notamment un travail sur les 25 caméras de surveillance de la discothèque. Elles permettent de retracer la chronologie des événements, montrent deux altercations verbales dans l’Espace entre Kévin et Dorian avec Sacha R. son frère et deux amis. Une au fumoir, une au bar, avant que la situation ne dégénère dehors.
Les événements à l'extérieur restent difficiles à entrevoir y compris en terme de durée des violences, entre le passage du Couëdic et le boulevard de la Tour d’Auvergne. Ce passage, c’est l’angle mort dans cette enquête car ici pas de caméras. "On a un flou entre 6 h 06 et 6 h 10 où on voit la sortie de Kévin et Dorian de la boîte (par la sortie réservée au personnel) et où on le revoit revenir à l'image, reculer. On n'a pas de témoin direct, pas d'image", précise Béatrice T. chef de la permanence judiciaire à la sûreté départementale à l'époque.
Encore des zones d'ombre
Les mis en cause ont été identifiés puis interpellés entre juillet et septembre 2018, grâce aux images de vidéosurveillance et aux descriptions données par quelques témoins. Quatre personnes d’abord (deux frères et leurs amis), deux autres ensuite, sans aucun liens entre eux.
Pour les quatre premiers, les noms sortent tout de suite, ils sont connus de l'Espace. Pour les deux autres,"le grand blond avec un pull rose, un petit brun les cheveux frisés avec un pull kaki" il faudra faire des recoupements. Les paiements à l'intérieur de la discothèque permettent de remonter jusqu'à eux. Cela prendra deux mois. Auraient-ils fini par se dénoncer eux-mêmes ? L'enquêtrice dit qu'on ne saura jamais.
Stéphanie G. rapporte les difficultés à comprendre le déroulé des événements. Les premiers récits du groupe des quatre sont au départ concertées mais s'effritent. Les incohérences s'accumulent, mises en avant par les images vidéo qui laissent voir du sang sur les habits. Sacha R. Stanislas R. Thomas G. et Alexandre P. expliqueront d'abord n'être que des témoins d'une bagarre entre Kévin et Dorian et deux autres jeunes hommes. Plus tard, ils diront s'être mêlés à cette bagarre. Sur les coups portés ? Là encore, personne ne précise son rôle exact.
Elle souligne que tous les accusés ont eu la volonté de dissimuler des choses, très rapidement après les faits. La bande des quatre était au courant de l'état inquiétant de Dorian, informée par Nina, une salariée de l'Espace, amie de Dorian et Kévin mais aussi des mis en cause. Elle débutait alors une relation de couple avec Stanislas R.
Il manque encore à ce jour des éléments, notamment des vêtements ou chaussures des mis en cause, ainsi que le sac de Kévin, qui n’ont jamais été retrouvés. Certains vêtements ont été brûlés par les accusés eux-mêmes, Alexis P. et Guillaume C. mettront le feu au sac et au t-shirt de Dorian qu’ils ont emportés avec eux, à un de leur pantalon, quand ils apprennent son décès. Maître Thierry Fillion, l'un des avocats de la famille de Dorian interpelle l’enquêtrice : "Qu’aurait-on pu apprendre de plus avec ça ?" Elle répond : "On aurait pu découvrir notamment sur les chaussures des traces de sang car on sait que Dorian a reçu des coups de pied. Là, seules les chaussures de Stanislas ont révélé des traces, en petite quantité. Cela pourrait aussi déterminer les contacts directs qu’il y a eu avec Dorian."
Kévin, ami et colocataire de Dorian, qui se trouvait avec lui la nuit des faits, livrera son témoignage mercredi. Les accusés doivent être entendus dans la foulée et apporteront peut-être des réponses aux "questions qui restent en suspens" souligne Maître Fillion, avocat des parents de Dorian.
Le verdict devrait être rendu le 22 octobre.