La famille Abdurahman devait quitter son appartement de Rennes en 2022 pour la grande maison qu'elle faisait construire à La Bouëxière (Ille-et-Vilaine). Confrontés à la faillite de son constructeur et le silence de l'organisme garant qui doit reprendre les travaux, Ali et Bahja sont toujours en attente de leur projet.
Entourée de son mari Ali et de leurs deux enfants, Bahja Abdurahman s'imaginait bien dans cette grande maison de La Bouëxière (Ille-et-Vilaine), que le couple faisait construire début 2022. Mais aujourd'hui, la bâtisse est restée à l'état d'un squelette de béton : le chantier est à l'abandon depuis fin 2023, date de la faillite du constructeur qu'ils avaient choisi, Maisons Delta.
"Ils faisaient partie du top 3 des constructeurs quand on les a démarchés fin 2021 pour un CCMI [contrat de construction de maison individuelle, NDLR]. En plus, on avait fait le choix de la sécurité, ils étaient à peu près 15% plus cher que les autres prix sur le marché, soupire Bahja Abdurahman, amère. On avait repéré le terrain, on a obtenu le permis de construire et le prêt débloqué début 2022. Tout se déroulait parfaitement."
Arrive juin 2022 et la date prévue du début des travaux, et le couple s'étonne de ne pas voir arriver les ouvriers, relate Le Mensuel de Rennes. "Ils nous ont fait comprendre qu'ils devaient terminer un chantier avant le nôtre. Ils essayaient de gagner du temps," raconte aujourd'hui la jeune femme, avec le recul des années.
Une maison mal faite
Les semaines puis les mois s'écoulent, pendant lesquels la famille s'impatiente de ne pas avoir de nouvelles du constructeur, qui continue pourtant de participer à des salons. "En janvier 2023, on a décidé d'aller le voir sur un salon. Comment pouvait-il démarcher d'autres clients alors qu'il ne pouvait pas honorer les chantiers déjà entrepris ?"
Ce rappel à l'ordre sonne le début des travaux le mois suivant. Le couple, qui prend désormais ses précautions, embauche un expert qui malheureusement rapporte plusieurs malfaçons.
Les maçons ont travaillé trop rapidement sur les fondations qui ne sont pas assez solides, et les élévations de murs qui manquent de ferraillements. De plus, on a découvert que ces ouvriers n'avaient jamais été payés.
Bahjapropriétaire sinistrée
Bahja et Ali Abdurahman découvrent qu'une quinzaine de familles se trouve dans une situation similaire en Ille-et-Vilaine. Ils apprennent alors que Maisons Delta est placée en liquidation judiciaire sans que l'entreprise ne les ait jamais avertis. "Sachant qu'ils allaient liquider, ils ouvraient plein de chantiers pour lever des appels de fonds," comprend alors Bahja Abdurahman.
Le silence du garant
Épaulé par l'association d'aide aux maîtres d’ouvrage individuels (Aamoi), le couple se met en relation avec un organisme de garantie, qui sélectionne un nouveau constructeur, Maisons Élian. Mais celui-ci refuse, par sécurité, de reprendre le chantier à cause des malfaçons et préconise une destruction du bâti pour mieux reconstruire.
Le garant dépêche un expert qui, malgré l'avis défavorable de celui engagé par le couple, certifie que les travaux peuvent reprendre. "On nous a juste dit "tout va bien, on peut reprendre". C'est hallucinant, signale Bahja Abdurahman. Depuis ce conflit d'expertises, "la maison prend l'eau et le garant ne prend pas ses responsabilités," juge la jeune maman, enceinte d'un troisième enfant.
"Le garant devrait nous régler des pénalités de retard, ce que nous n'avons pas perçu pour le moment. On dirait qu'ils veulent nous décourager, qu'on passe par le biais d'artisans. Mais on ne peut pas se le permettre," déplore Bahja Abdurahman.
[Le garant] ne répond plus aux appels, aux messages, aux courriers recommandés. Ils font vraiment les morts.
Bahjapropriétaire sinistrée
"Il faut qu'on avance"
Dans le lotissement qu'ils comptaient habiter, d'autres familles étaient confrontées à des faillites d'entreprise du BTP. "On était la seconde maison à sortir de terre et maintenant elles sont toutes construites. D'autres garants ont été plus réactifs, glisse Bahja. Ils restent en lien avec leurs futurs voisins, qui leur demandent régulièrement la date de leur emménagement.
En l'attendant, sa famille doit s'acquitter des frais intercalaires et des honoraires des experts, auxquels s'ajoute le loyer d'une location à Rennes qu'ils n'avaient pas prévu. La situation est critique financièrement et psychologiquement. "À un moment, il faut qu'on avance. Où devrai-je inscrire mon enfant, à Rennes ou à La Bouëxière ? s'interroge Bahja. On a du mal à se projeter. Notre vie est en suspens depuis trois ans."