Les terres bio seraient-elles en danger du fait de nombreux départs à la retraite des agriculteurs dans la décennie à venir ? Agrobio 35 et des acteurs du territoire se mobilisent en tout cas pour le maintien en agiculture biologique des terres bio au moment de la transmission des fermes, en identifiant les terres à risque sur le département d’Ille-et-Vilaine.
2024 est la première année où les surfaces agricoles bio sont en recul en France. 62% des agriculteurs bio envisagent d'arrêter leur activité dans les 10 ans. La moitié des fermes bretonnes sont concernées par un arrêt d’activité dans les dix prochaines années. Et c'est plus vrai en Ille-et-Vilaine que dans le reste de l'Hexagone.
Face à ce constat, Agrobio35, en partenariat avec Terre de Liens, le CIVAM-IT35, et les territoires d'étude, a amorcé un travail, depuis mars 2023, autour de l'enjeu du maintien des terres bio en bio au moment de l'arrêt d'activité.
Ce jeudi, ils invitaient les agriculteur·rices bio du département, agent·es et élu·es des territoires à la restitution des résultats d’une étude menée sur 140 fermes afin de confronter vécus et idées, notamment autour de l'anticipation de la transmission et de la maîtrise du foncier.
Après avoir réalisé une première étude, en 2023 pour identifier les freins et les leviers au maintien des terres bio en bio, au moment de l'arrêt d'activité des agriculteurs et agricultrices, le travail s'est centré, au 1er semestre 2024 sur l'identification des terres à risque de non transmission en bio au moment de l'arrêt d'activité.
Cette étude s'est faite avec l'ambition de se donner les moyens d'anticiper et d'éviter toute dégradation de l'utilisation du foncier bio (retour à une agriculture chimique) en introduisant le principe de sanctuarisation des terres bio.
Anticiper la transmission des fermes
Rennes Métropole a défini dans le cadre de son PCAET (Plan Climat Air Energie Territorial), sa volonté de réduire de 15% les émissions de gaz à effet de serre de l’activité agricole et d’atteindre 50% d’agriculture biologique d’ici 2030. La pérennisation des terres bio, au moment de la cession des fermes biologiques, représente donc un axe majeur pour parvenir à cet objectif.
Depuis plus d'une vingtaine d'années, Rennes Métropole travaille donc ardemment sur la question agricole, considérant que l'espace agricole fait partie du territoire de la ville et voit comme essentiel le fait de garder une agriculture en circuits courts.
Pascal Verdier, chargé de mission agriculture durable à Rennes Métropole, le rappelle, "près de la moitié des agriculteurs vont arriver à l'âge de la retraite." La collectivité travaille donc sur la question cruciale de la transmission. "Pour ça, explique-t-il, on a besoin qu'il y ait des repreneurs qui s'installent mais aussi des cédants qui anticipent suffisamment leur transmission, ce qui va leur permettre d'avoir le temps de trouver les bons repreneurs qui seront adaptés à leurs fermes et leurs projets".
Notre objectif, c'est d'essayer de garder des exploitations d'une taille familiale pour ne pas avoir de grosses exploitations avec des pratiques qui ne seront pas bonnes pour l'environnement.
Pascal VerdierChargé de mission agriculture durable à Rennes Métropole
"On peut agir par le foncier"
Concrètement, comment agir ? Selon lui, "on peut agir par le foncier, en ne consommant pas trop d'espace pour urbaniser, et puis aussi en sélectionnant les porteurs de projets qui vont s'installer sur des terres de Rennes Métropole. On peut travailler aussi avec les cantines de la métropole pour qu'elles achètent plus de produits bio et locaux. Enfin, il est également possible d'aider les agriculteurs pour accompagner les transmissions de leurs fermes".
L'intérêt de la rencontre d'aujourd'hui, pour lui, "c'est à la fois d'entendre ce que les agriculteurs disent, ce que les organisations agricoles portent comme message et puis c'est de mettre en place après des aides qui vont aider à fluidifier les choses et aller dans le bon sens".
"La transmission, on y a pensé dès l'installation"
La transmission, eux, ils y ont pensé dès le début de leur installation en 2019. Philippe Marchand et Emilien Mondher sont paysans fromagers à la Ferme du gros Chêne à Betton, près de Rennes. "On est associés et dès le départ on a été clairs avec notre propriétaire en lui disant qu'on ne serait pas forcément agriculteurs toute notre vie. On s'est toujours dit qu'on était de passage sur cette ferme-là et qu'il y en aurait d'autres après nous et on en sera fiers. On souhaite que la ferme puisse perdurer. Pour ça, on accueille beaucoup de stagiaires, peut-être qu'un jour, ce seront eux qui reprendront la ferme. Si demain, on veut attirer de nouvelles générations, il faut aussi que le modèle agricole s'adapte, de manière plus souple, avec moins de capitalisation ce qui fait que les gens peuvent venir et partir plus facilement", conclut Emilien Mondher.
De son côté, Philippe "espère que la ferme continuera en bio". Son associé renchérit : "Pour que la ferme reste en bio, il faut que la consommation suive. Les consommateurs doivent faire un choix militant lors de leurs achats car c'est comme cela qu'on aura demain des paysans et paysannes en bio", conclut Emilien Mondher. CQFD.
Avec Inès Tayeb