"Nous avons un gros réseau de crêperies", comment le cidre breton a-t-il détrôné le cidre normand ?

La Bretagne est la première région cidricole de France. Elle a détrôné la Normandie il y a 3 ans. La région assure aujourd'hui 46 % de la production nationale, avec 36 millions de litres commercialisés. Comment et pourquoi le cidre breton a-t-il chipé le leadership au cidre normand ? Eléments de réponses.

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[Article précédemment publié le 19 janvier 2023]

S'il y a bien une chose que la Normandie ne peut plus revendiquer, c'est de produire plus de cidre que la Bretagne. Elle a, en effet, été détrônée voilà plusieurs années. Alors, certes, il lui reste le dossier du Mont-Saint-Michel pour titiller les Bretons, depuis l'autre rive du Couesnon. Mais, pour le cidre, c'est plié.

46 % de la production nationale

La Bretagne abrite 2.500 hectares de vergers et récolte, chaque année, 53.000 tonnes de pommes. La région assure, aujourd'hui, 46 % de la production nationale de cidre, avec 36 millions de litres commercialisés. La filière génère 500 emplois directs. 

Chez ce cidrier du Morbihan, ce sont 33.000 bouteilles par heure qui sont conditionnées. Pourquoi et comment la Bretagne a-t-elle réussi à damer le pion à la Normandie ? "Il y a plusieurs effets, analyse Yves Maho, président de la Maison cidricole depuis 2021. Ici, il y a le marché historique de la crêperie qui est bien installé et permet de garder des volumes. Et, à côté de ça, en Normandie, ils ont une population qui est partie en retraite avec des cidreries qui se sont arrêtées ou des vergers qui sont utilisés pour une autre transformation".

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Quand en Normandie, on procède à des arrachages de pommiers, en Bretagne, on plante. "Cela peut s'expliquer parce que soit les vergers sont vieillissants, soit ils sont issus d'une coopérative qui a fait le bilan économique, constaté qu'il n'y a pas de rentabilité et décidé d'arracher" indique Yves Maho.

Autre paramètre : la production de cidre est une activité complémentaire en Normandie, alors que pour 90 % des cidriers bretons, c'est une activité principale.

Nouvelle dynamique

Yves Maho a repris la cidrerie familiale il y a trois ans où il produit de l'extra-brut, du brut, du Royal Guillevic, du cidre fermier ou encore du vinaigre de cidre. Il a multiplié par cinq son chiffre d'affaires. "Il y a deux ans, relate le président de la maison cidricole, on a proposé le cidre extra-brut au concours régional. Ça été un succès phénoménal. Cela montre que ce produit, qui n'existait pas ou très peu il y a 15 ans, est devenu populaire".

Le cidrier constate que les jeunes qui s'installent sans être forcément du métier apportent une nouvelle dynamique. "Ils voient les choses autrement, dit-il. Cela va se manifester par un changement d'étiquette sur la bouteille, des nouvelles recettes, des variétés que l'on ressort du répertoire, des assemblages différents, plus de typicité sur les cidres, etc".

Le cidre normand plus exporté que le breton

Les Normands restent toutefois plus forts à l'export. D'autant qu'il existe un vrai engouement pour le cidre dans le monde, avec une croissance de la consommation de 6 %. "Les cidres bretons ne sont pas forcément très exportés, contrairement à ceux de Normandie, observe Renaud Michal. Les cidres normands vont plus facilement être exportés car ils n'ont pas le réseau de crêperies qu'ont les Bretons et ils sont donc bien obligés de trouver d'autres débouchés".

A Lorient, l'homme a lancé Cidrea, voilà un peu plus d'un an. Son entreprise met en avant le cidre des petits producteurs. Et la variété des produits dont certains, aujourd'hui, sont travaillés comme on travaille le vin. "Les jeunes vont faire un travail de chai pour réaliser des assemblages entre différentes cuves et apporter à leur cidre ce qu'ils recherchent, souligne Renaud Michal. Ils ont une proposition alternative aux cidres que l'on a l'habitude de trouver en supermarché, industriels, plus stéréotypés, pasteurisés, qui ont à peu près tous le même goût. Le fait qu'ils soient travaillés de façon naturel leur amènent une longueur et un caractère".

Acidulé, tanique

Dépoussiérer l'image du cidre, ne plus forcément l'associer à la crêpe ni le boire seulement dans une bolée, apprendre à le savourer avec d'autres plats, c'est aussi, selon Renaud Michal, le bon moyen de faire émerger toutes les subtilités qu'il recèle. "On travaille avec une sommelière spécialisée en cidre. Lors de dégustations, on propose des accords, mais jamais de la crêpe. On est sur des choses plus gastronomiques. Surtout que l'on a de plus en plus d'amateurs de cidre, lequel contient peu de sulfites, à part celui présent sur la peau de la pomme. Il y a des gens intolérants aux sulfites, donc le cidre devient une vraie alternative au vin".

La qualité des cidres bretons est garantie par une indication géographique protégée (IGP). Il existe également un cidre AOP, en Cornouaille, le seul avec cette appellation en Bretagne. Il est non gazéifié, 100 % pur jus de pommes traditionnelles et élaboré dans 38 communes autour de Quimper, dans le sud-Finistère. Dans le golfe du Morbihan, on trouve le cidre label rouge Royal Guillevic, fabriqué uniquement à base de pommes Guillevic.

Extra-brut, brut, doux, demi-sec, acidulé, tanique, fruité, floral, épicé... Le cidre breton affiche une belle vitalité. Et une diversité que nous envient (évidemment) les Normands !


(Avec Nicolas Corbard)

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